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similis erit. Ce potentat salien sera-t-il empereur ou seulement ressemblera-t-il à l'empereur, similis imperio? Qu'il me soit permis d'hésiter.

Cette hésitation, elle était dans les esprits au XIIIe siècle. Notre prophétie en est la preuve. Elle dérive, en effet, d'un texte du xe siècle où éclate, au contraire, la foi en l'empire franc. Dans cette prophétie du x° siècle, le dernier empereur, celui qui, sur la montagne des Oliviers, déposera, à la fin du monde, son sceptre avec sa couronne, celui-là est un Carolingien, roi des Français (2). Rien de semblable dans la version du xiie siècle. Avec les Carolingiens s'est évanouie cette ferme confiance en l'avenir. Elle a fait place à un vague espoir que traduisent des phrases volontairement obscures.

Prophétisée au x1° siècle, l'histoire de la royauté française est écrite aujourd'hui. Le passé est plus aisé à lire que l'avenir. La fortune des Capétiens n'a plus pour nous rien de mystérieux. Il était, nous le savons, dans leur destinée de réussir à poser sur leurs fronts toutes les couronnes, excepté précisément

(1) Voir le texte complet de cette prophétie dans JJ 26, fol. ш°ıx ro et vo (Archives nationales). De ce rex salicus de notre prophétie rapprocher peut-être le grand monarque de stirpe regis Karoli et de domo regum Francie dont parle une légende bavaroise citée par M. Lot (Revue hist., t. XLVI, p. 69.) Je me suis demandé aussi si le rédacteur n'avait pas songé à Philippe-Auguste dans le tableau pompeux du rex salicus que je résume dans le texte. Cette version de la prophétie eût été, dans cette hypothèse, composée au temps de Philippe-Auguste.

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Comparer un texte qui doit peut-être être considéré comme intermédiaire entre celui d'Adson et le nôtre, dans Hauréau, Notices et extraits de quelques manuscrits latins de la Bibl. nat., t. I, p. 371. En Bavière, au XIIe siècle ou au commencement du XIV, une prophétie annonçant un grand empereur réformateur, de stirpe Karoli et de domo regum Francie, appelé lui-même Charles, circulait encore, comme je l'ai dit plus haut en note (Pertz, Script., t. XXIV, p. 285, note 2). Cela aurait-il été arrangé au moment où Charles de Valois, reconnu par le pape empereur d'Orient (pur titre), était candidat à l'empire d'Occident (1308)?

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celle de l'empire d'Occident. Il était dans leur destinée, non pas d'apporter à l'idée de domination universelle, c'est-à-dire à l'empire, l'appoint redoutable des forces de la France, mais, tout au contraire, d'opposer à l'unification de l'Europe occidentale par l'empire un obstacle insurmontable, la France; à l'empereur, roi des rois et élu de Dieu pour réunir tous les empires séparés ()», un adversaire toujours en éveil, le roi de

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DE

L'ANCIENNE CROYANCE

À DES MOYENS SECRETS

DE DÉFIER LA TORTURE,

PAR

EDMOND LE BLANT.

Depuis les temps antiques jusqu'aux siècles derniers, un grand nombre de textes relatifs à la suite des affaires criminelles parlent d'accusés supportant sans faiblir, et même sans douleur apparente, les angoisses de la torture. Parfois, comme le fait Ulpien et, avec lui, un jurisconsulte du xvio siècle, Paul Grillandus, on attribue au courage, à la vigueur des patients leur invincible résistance"); mais, le plus souvent, on y voit le signe d'un secours surnaturel et, suivant la pente des esprits, l'aide de Dieu ou celle du démon. C'était ainsi que les païens soupçonnaient quelque œuvre magique devant cette constance des martyrs où les chrétiens reconnaissaient une marque de l'assistance divine; c'est ainsi que, moins loin de nous, et en racontant le supplice de Baltazar Gérard, l'assassin de Guillaume de Nassau, Louis Aubery écrit les lignes suivantes :

« Et lorsqu'on lui arrachoit la chair de dessus les membres avec des tenailles ardentes, il ne fit jamais aucun cry et ne poussa pas même le moindre soupir; ce qui fit croire aux Hollandois qu'il étoit possédé du diable et aux Espagnols qu'il

(1) Ulpien, 1. I, De quæstionibus, $ 23 (Digest., lib. XLVIII, tit. xvIII); Grillandus, Tractatus de judiciis criminalibus, 1536, in-8°, fo XCVIII.

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TOME XXXIV, 1 partie.

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IMPRIMERIE NATIONALE,

étoit assisté de Dieu, tant les opinions et les passions des hommes sont différentes ("). »

Parmi les accusés tombés aux mains de la justice criminelle, il en était peu qui pussent sembler dignes d'être soutenus par un secours d'en haut, et le sentiment public voyait dans leur impassible constance le résultat d'une œuvre de sorcellerie. Quelques-uns pourtant des suppliciés en donnaient eux-mêmes une explication qui avait sa valeur; témoin ce «ribaud » dont parle un savant magistrat du xvi° siècle et qui répondit à son juge qu'il valait mieux aller mille fois à la torture que d'avouer devant le tribunal et de monter ainsi à la potence, attendu que tous les médecins peuvent ressouder un bras cassé, tandis qu'il n'en est pas un seul qui sache remettre en place les os d'un cou rompu par le bourreau). Peut-être le rusé personnage était-il de ceux qui, à l'avance, s'étaient résolument efforcés de s'aguerrir contre la douleur. Je lis, en effet, dans de vieux livres, que certains malfaiteurs, se réunissant au fond des bois, se donnaient entre eux la question « afin de s'y accoustumer et de s'endurcir à la soustenir quand ils seroient appréhendéz par la justice (3)

Croire à l'emploi de moyens merveilleux était autrefois chose ordinaire, et c'était de ce côté que l'on cherchait l'explication d'un fait étrange.

Par quels sortilèges, par quelles pratiques secrètes, par quelles amulettes diaboliques certains accusés arrivaient-ils à défier les supplices, à demeurer muets, comme impassibles,

(1) Mémoires pour servir à l'histoire de la Hollande, 1680, in-8°, p. 151.

(2) Hippolytus de Marsigliis bononiensis, Grimana. Lugd. 1532, in-fol., f 50, verso L. Repeti, ff. de quæstionibus).

(3) Claude Lebrun de la Rochette, Le procez criminel, 1. II, p. 143 (Rouen, 1616), d'après Damhouler (Praxis rerum criminalium, c. xxxvIII, S 19), qui insiste particulièrement sur le fait.

sous la main des tortionnaires? D'où pouvaient venir leur résistance et le « maléfice de la taciturnité », comme on disait autrefois ? C'est de ce point que nous voyons se préoccuper en des temps, en des lieux bien divers; dans le vieux monde romain, sans excepter l'Égypte, au moyen âge et tout au moins jusqu'au xvir siècle, en Angleterre, en France, en Hollande, en Italie, il y a peu d'années dans les pays de l'Extrême-Orient, où l'on s'en inquiète sans doute encore. Mandarins, proconsuls, bourgmestres, assesseurs criminels, juges de tous noms et de tous pays croient avoir affaire à quelque puissance surnaturelle lorsqu'ils n'arrivent pas à vaincre la constance d'un accusé (1).

L'insensibilité, la taciturnité, la force de résistance pouvaient, disait-on, s'obtenir par des moyens divers : l'ingestion de breuvages, d'aliments préparés par des mains savantes, certaines onctions faites d'eaux, de graisses ou d'huiles magiques. Cette étrange persuasion, qui remonte aux âges anciens, demeure encore vivante dans des contrées lointaines pour lesquelles le temps semble n'avoir point marché. Nous la voyons également dans l'histoire des martyrs des premiers siècles, dans celle des missionnaires chrétiens qui, de nos jours, ont souffert et péri sous la main des Chinois (2). Pour les aliments et les breuvages secrets, nous ne sommes pas moins renseignés. Permettre aux accusés d'en prendre était l'un des profits des valets de justice, comme l'atteste Étienne Tabourot (3)

Gregor. Turon. Hist. Franc., lib. VI, c. XXXV; mon mémoire intitulé: Les Actes des martyrs, supplément aux Acta sincera de Ruinart, § 38, etc.

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(2) Même mémoire. Voir de plus Adon, Martyrologium, au 1" janvier; Hyvernat, Les Actes des martyrs de l'Égypte, d'après les manuscrits coptes, t. I, p. 59. La croyance

à de certaines onctions dans les opérations de sorcellerie est de tous les temps. Cf. Apulée, Metamorph. 1. III, p. 212 de l'édition d'Oudendorp; Papon, Histoire générale de Provence, t. IV, p. 430, pour le procès de Gauffridi, jugé en 1611.

(3) Les Bigarrures du S' des Accords, éd. de 1592, t. II, p. 81.

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