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En même temps que la France et l'Italie s'unissent par un chemin de fer à travers les Alpes, les Américains des Etats-Unis exécutent une autre conception non moins merveilleuse; ils établissent, aussi par un chemin de fer, une communication directe entre l'Océan Atlantique et l'Océan Pacifique. Ce chemin qui se relie d'un côté au réseau des chemins qui couvrent aujourd'hui les états de l'Union et qui se trouve ainsi en communication avec l'Atlantique par un grand nombre de voies, traverse d'immenses régions inhabitées, des prairies sans fin, des forêts vierges, des déserts restés jusqu'à ce jour le domaine exclusif des animaux sauvages et de quelques hordes d'Indiens, escalade des montagnes et franchit des sommets situés à 2800m au dessus de la mer et couverts de neiges éternelles, puis aboutit finalement en Californie sur la côte du Pacifique où il se relie au réseau des chemins californiens. A l'aide de ce chemin dont la construction est poussée avec une activité surprenante et ne tardera pas à être achevée, on pourra se rendre de Paris à San-Francisco sur le Pacifique en 17 jours; 10 jours pour aller de Paris à New-York et 7 jours de NewYork à San-Francisco; ce dernier trajet sur une ligne de 1300 à 1400 lieues de longueur.

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Lorsque le canal de Suez viendra joindre ses ressources de communication à celles que nous venons d'exposer, on pourra faire le tour du monde en deux mois et demi 17 jours de Paris à San-Francisco; de San-Francisco à Hong-Kong en Chine, touchant à Iokohama au Japon, par les bateaux à vapeur américains, 20 jours; de Hong-Kong à Suez, par la ligne française de l'IndoChine, 32 jours; de Suez à Paris, 6 jours; total 75 jours; nos prédécesseurs employaient pour faire cette immense promenade, autant d'années qu'elle exigera désormais de mois. Il semble que l'on crée un conte des mille et une nuits en exposant ces merveilleuses réalités actuelles.

Pendant que s'exécutent ces immenses travaux, des projets plus difficiles à réaliser sont discutés et proposés : Le passage à travers l'isthme de Panama plus difficile que le canal de Suez, quoique la première de ces langues de terre soit plus étroite que la

seconde; mais, pour la traverser, il faut percer une chaîne de montagne qui présente en ce point une hauteur d'environ 140 mètres au-dessus des deux mers qu'il s'agit de réunir.

Il est vrai qu'il existe un projet qui consiste à profiter d'une petite mer intérieure, le lac de Nicaragua situé à 36 ou 38 m au-dessus des deux océans, en canalisant le fleuve St.-Jean qui coule de ce lac dans l'Atlantique et en perçant la faible épaisseur de terre qui se trouve encore entre le même lac et le Pacifique; mais alors le parcours devient beaucoup plus long, il faut des écluses et le travail n'est guère plus aisé que le passage direct malgré l'énorme profondeur de la tranchée à l'aide de laquelle on réaliserait celui-ci. Quelque soit celui des deux projets. que l'on adopte pour passer sans transbordement de l'Atlantique dans le Pacifique, et sans faire cet immense détour par le cap Horn, il est extrêmement probable que l'on mettra la main à l'œuvre d'ici à une époque plus ou moins rapprochée de nous, parceque l'utilité de ce passage augmente au fur et à mesure que les relations commerciales se développent.

A côté de ce projet et de quelques autres analogues, dont l'exécution est certainement possible et qui ne présentent d'incertain que le chiffre de la dépense, nous en voyons surgir de plus importants encore, je dirai presque de plus romanesques, mais dont l'éxécution présenterait sans doute des difficultés que tous les progrés de l'industrie moderne et le génie des plus brillantes individualités de notre temps, ne parviendraient peut-être pas à surmonter; je veux parler d'une communication par chemin de fer entre la France et la Grande Bretagne, soit à l'aide d'un tunnel sous marin, soit à l'aide d'un pont jeté sur la Manche d'un point de la côte Française voisin de Calais à un point de la côte Anglaise voisin de Douvres.

Un ingénieur Français M. Thomé de Gamond, par une étude attentive et par de nombreux sondages en travers du détroit, a reconnu que parmi les nombreuses couches de terrain qui forment son sous-sol, les terrains jurassiques situés à une faible profondeur étaient éminemment propres à l'exécution d'un tunnel; leur continuité, leur compacité et la facilité avec laquelle ils peuvent être

entamés, présentant toutes les conditions favorables à la réussite d'un semblable travail.

Ce tunnel, d'après l'auteur du projet, partirait du continent sous le cap Grinez et se dirigerait vers Eastware entre Douvres et Folkstone; en ces deux points se trouveraient deux stations placées la première à 54 m au-dessous de la basse mer et la seconde à 30m seulement. De ces stations, les convois s'éleveraient au niveau du sol par des rampes en galerie souterraine présentant une pente de 0 m 007 par mètre et d'une longueur de 8800 m en France pour prendre jour près de la ville de Marquise, et de 5,500m en Angleterre pour déboucher près de Douvres. Les deux stations de Grinez et d'Eastward communiqueraient directement avec la surface par des tours dans lesquelles on établirait de larges escaliers. L'épaisseur de terrain qui resterait entre le sommet de la voute muraillée du tunnel et le fond de la Manche, varierait de 22 à 75m. Ce tunnel aurait à peu près les dimensions de celui que l'on perce aujourd'hui sous les Alpes et il présenterait suivant la longueur, une forme concave dont les pentes contraires seraient d'environ 0m 005 par mètres.

Au-dessus de la ligne que suivra le tunnel, se trouve à égale distance de la France et de l'Angleterre, une éminence de terrain nommée l'Ecueil de Varne. Cet écueil serait surhaussé par des remblais et deviendrait une île dont la surface serait transformée en un vaste entrepôt maritime mis en communication avec la galerie par une voie en hélice sur laquelle les waggons pourraient être remorqués; le chemin de fer se trouverait ainsi disposé pour recevoir les marchandises de toutes provenances, pour la France et pour l'Angleterre. M. Thomé de Gamond n'évalue. qu'à cent soixante-dix millions le prix de cet immense travail, mais l'expérience à démontré depuis longtemps que jamais les ingénieurs n'ont fait, en semblables circonstances, une part assez large aux accidents et aux difficultés imprévues; quoiqu'il en soit, nous vivons en un temps où il n'est plus permis de traiter de chimères, des projets étudiés avec soin comme celui dont il s'agit et le chiffre de la dépense, même en le doublant, n'offre rien d'effrayant.

Admettrons-nous, avec les mêmes espérances, les projets de jonction de l'Angleterre et de la France, par un pont établi à une hauteur suffisante au-dessus des marées hautes, pour que la mâture des plus grands navires puisse passer librement dessous? Nous ne le pensons pas malgré les immenses ressources que peuvent fournir pour la réalisation d'un semblable projet, les capitaux si abondants aujourd'hui et la grande expérience que nous possédons concernant les travaux de ce genre. Quoi qu'il en soit, voici en quoi ces projets consistent : l'ingénieur anglais Boyd propose de jeter entre la côte de Douvres et le cap Grinez, sur une longueur de 29 kilomètres, un immense tube en fonte de 10 m de largeur sur 16 m de hauteur, dans lequel seraient placées deux voies ferrées. Ce tube serait soutenu par 190 piles ou tours élevées de 100 m au-dessus des marées hautes, ce qui obligerait à établir en pleine mer et à des profondeurs qui dépassent parfois 50m, les fondations de ces tours qui auraient à leur base 100 m de diamètre ou 100 m de coté si l'on adoptait la forme carrée. Ce projet se trouve tellement au-dessus de tout ce que l'art des constructions a osé entreprendre jusqu'à ce jour, que nous nous contenterons de le mentionner sans émettre d'opinion sur sa valeur.

Le projet de l'ingénieur français Boutet se présente sous un aspect bien plus grandiose encore; il consiste tout simplement en un pont d'une seule portée entre les deux côtes Anglaise et Française. Quoique M. Boutet en proposant son projet au gouvernement français, ait fourni tous les détails d'éxécution et les calculs à l'aide desquels il prétendait en démontrer la possibilité, nous ne nous y arrêterons pas, parcequ'il ne nous semble offrir qu'un exemple remarquable de toutes les utopies qui peuvent naître dans le cerveau des hommes d'imagination, en présence des merveilleux travaux de construction que notre siècle a vu réaliser. En conséquence, nous aborderons immédiatement l'examen de l'invention complémentaire de toutes les grandes entreprises modernes pour faciliter les relations entre les différents peuples; je veux parler des câbles sous-marins qui portent instantanément les idées d'un continent à un autre.

Depuis très-longtemps les physiciens connaissent la propriété que possèdent les fils de cuivre ou de fer, de transmettre à peu près instantanément, quelle que soit leur longueur, les courants électriques, et la propriété de ces courants électriques de donner naissance à des attractions ou à des répulsions magnétiques, dans les barreaux de fer autour desquels on enroule les fils conducteurs de ces courants; mais ces importantes découvertes ainsi que les appareils par lesquels on en donnait la démonstration, dormaient les unes dans les livres, et les autres dans les cabinets de physique. Ce n'est que depuis un petit nombre d'années, depuis que tous les esprits sont préoccupés de l'application des grandes découvertes scientifiques, aux besoins de l'homme, que l'on a songé à utiliser les petits mouvements que l'on peut produire à l'aide des forces magnétiques dues aux courants électriques et voici en quoi consiste le télégraphe électrique ou plutôt électro-magnétique qui constitue la principale application du principe que je viens de rappeler: Un petit appareil, dans lequel la force attractive due à un courant électrique, peut produire de petits mouvements, est placé au point ou doit aboutir la dépêche et l'on a assigné à ces mouvements une signification; ainsi par exemple, une action attractive sur une petite masse fixée au bout d'un ressort, lui fait faire un mouvement qui se reproduit en sens inverse par l'élasticité du ressort, quand l'attraction cesse, et ce mouvement de va et vient peut représenter un A; deux mouvements semblables peuvent représenter le B; et ainsi de suite pour toutes les lettres de l'alphabet; et comme ces mouvements peuvent se produire très-rapidement les lettres successives constituant une dépêche peuvent se succéder à de très-courts intervalles. Le courant électrique cause première de ces mouvements est fourni par un autre appareil placé dans le lieu d'où part la dépêche et traverse instantanément l'intervalle qui sépare les deux appareils, à l'aide d'un fil conducteur soutenu par une série de poteaux; la longueur du fil est sans influence sur la rapidité de la transmission.

L'idée tout à fait élémentaire du télégraphe électrique, que je vieas d'exposer, a été perfectionnée par un grand nombre d'inven

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