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A dater de la mort de saint Landry, l'histoire du monastère de Soignies reste enveloppée dans une nuit profonde. Nous n'en trouvons plus une seule mention pendant les deux siècles qui suivirent sa fondation. Après avoir franchi ce long espace de temps, nous le voyons reparaitre sous le nom de Sunniacum dans l'acte de division du royaume de Lotharingie, en 870, et il échoit en partage à Charles le Chauve, roi de France.

Hélas! l'habitation et l'oratoire qui servirent de berceau à la ville de Soignies, de même que la bourgade tout entière,

la première de ces villes; mais si nous devions en croire le P. Ghesquière, les auteurs du Gallia Christiana, le marquis de Fortia, le fils aîné de saint Vincent aurait administré le diocèse de Meaux pendant un certain temps et serait ensuite revenu à Hautmont Voyez à ce sujet: Acta SS, ad xvi aprilis. — Acta SS. Belgii selecta. Vita S. Landrici; n o 3. — De SainteMARTHE. Gallia Christiana. t. xm. p 702. JACQUES DE GUISE. Histoire du Hainaut, t. vii, p. 235. - Cfr. aussi FORTIUS Histoire de S. Vincent, p. 165. DELEWARDE. Histoire générale du Hainau, t. 1, p. 160. BAUDRY. Annales de l'abbaye de Saint-Ghislain, publiées par DE ReiffenBERG, dans ses Monuments etc, t. vin, p. 243. — SMET. Saints et grands hommes du catholicisme en Belgique. Tournai, 1857; t. 1, p. 188. — A. LE GLAY. Notes historiques et philologiques sur la chronique de Baldéric, p. 509.

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'PERTZ. Monumenta Germaniæ. Leges. Hanovre, 1835; t. 1, p. 516. Nous ferons remarquer qu'en 870 Soignies et sa dépendance appelée les Germes (Germinium, Germiniarum,) n'appartenaient pas au pagus Hainoensis, comme l'avance le baron de Reiffenberg, mais bien au pagus Brachbatensis. Cette ville était comprise dans l'archidiaconé de Brabant, décanat de Chièvres. Wastelain et Ch. Duvivier sont d'accord sur cette situation; mais Corneille Smet rejette cette opinion par le motif que Soignies était sous la domination des comtes de Hainaut en 1071, puisque Richilde fait don de la prévôté de ce lieu à l'évêque de Liége. Le P. Smet perd sans doute de vue que la partie sud du Brabant était à cette dernière date réunie au comté de Hainaut. (Cfr. MIREUS. Opera diplomatica, t. 11, pp. 1151 et 1155. — DE REIFFENBERG. Histoire du comté de Hainaut, t. 1, p 57. WASTELAIN. Description de la Gaule Belgique, selon les trois âges de l'histoire. Lille, 1761; et Bruxelles, 1788; p. 439. — CH. DUVIVIER Recherches sur le Hainaut ancien. Bruxelles, 1866; p. 54.—GHESQUIÈRE et SMET Acta SS. Belgii selecta, t iv, pp. 3-4.

devaient être bientôt frappés d'une dévastation complète. Déjà les Normands avaient foulé le sol de notre patrie en portant partout où ils passaient la ruine et la désolation parmi les populations épouvantées. Soignies et son monastère ne purent échapper à ces horribles désastres. En 880, ces hordes de barbares se ruèrent de nouveau sur le Hainaut et sur le territoire circonvoisin, et dans cette irruption violente, elles les détruisirent de fond en comble. Soignies, dit-on, resta abandonnée pendant près d'un siècle, avant qu'on songeât à la relever de ses ruines'.

III.

Chapitre de Saint-Vincent.

Les opinions varient sur la date précise et sur l'auteur de la reconstruction du monastère de Soignies. Une chronique du xie siècle rapporte que Regnier III, comte de Hainaut, confia vers 956 la restauration de cette maison religieuse à Erluin, premier abbé de Gembloux, prélat d'un mérite éminent, à qui plusieurs historiens attribuent le rétablissement de la règle à Soignies, après y avoir remplacé les moines par des chanoines. Cependant

GISLEBERT. Chronicon Hannoniæ. Édition du marquis de Chasteler; p. 15. — JACQUES LESSABÉ. Hannoniæ urbium et nominatiorum locorum, etc, apud DE REIFFENBERG. Monuments, etc, t. 1, p. LXI — DEpping. Histoire des Normands. Bruxelles, 1844; t. 1, p. 170. - P. SMET. Saints et Grands hommes du catholicisme en Belgique, t. I, p 103.- DE REIFFENBERG. Histoire du comté de Hainaut, t. 1, p. 69. MOLANUS. Natales SS. Belgii. Douai, 1616; p. 148 DE SAINTE-MARTHE. Gallia christiana. Paris, 1723; t. I, col. 73. cœnobiorum, p. 463.

BRASSEUR Origines omnium Hannonic

il paraît qu'il ne put à cause de grandes difficultés remplir la mission qui lui avait été confiée '.

D'autres écrivains assurent que le soin de cette réformation fut réservée à un prélat plus illustre encore. Brunon, archevêque de Cologne et duc de Lotharingie, ayant été délégué par l'empereur Otton Ier et autorisé par le pape Jean XXIII, vers 965, à rétablir dans le Hainaut les églises dévastées par les barbares, institua dans celle de Soignies qu'il avait fait rebâtir, trente et un chanoines sous l'observance de la règle de saint Augustin et auxquels il accorda les biens et les priviléges concédés primitivement au monastère de Soignies. Ces faits sont attestés par un chroniqueur du XIVe siècle. « Et premièrement à l'abbaye de monsei> gneur saint Vincent de Soignies, au lieu de moisnes qui adonc » y estoient ordonna (Brunon) ung moult notable colliége de >> chanoisnes séculiers, et leur ordonna leurs prébendes et cons>>titutions selon la reigle saint Augustin et leur mist plusieurs » priviléges impériaulx et plusieurs indulgences pappalles; et s'y >> fist refaire le cloistre de l'esglise. Item, aussi il leur fist ravoir » leurs terres en Allemaigne et les revenus de la dicte esglise 3. >>

Le P. Philippe de Vergnies, doyen du chapitre de Soignies, qui écrivait au XVIe siècle, exprime à ce sujet la même opinion que Jacques de Guise. L'extrait suivant de ses Mémoires manuscrits, qu'a publié l'annaliste Vinchant nous en fournit la preuve.

Libellus de gestis abhatum Gemblacensium, apud d'ACHÉRY. Spicilegium. Paris, 1723; t. 11, p. 761. Voici comment s'exprime Richard, le moine de Gembloux : Erluinus, ut cultum sanctæ religionis exerceret in omni loco ditionis, ei permiserat unde commisit ei monasterium sancti Vincentii, in loco Sonegias dicto, ubi clericalis ordinis regula vigere debebat, ut ibi monasticæ vitæ ordinem institueret sed importunitate rei et temporis, infectum remansit. Voyez aussi DELEWARDE. Histoire générale du Hainau, t. n, p. 191

- MOLANUS.

2 JACQUES DE GUISE. Histoire du Hainaut, t. ix, p 379 Natales SS. Belgii. Douai, 1616; ad 11 novemb. GHESQUIERE. Acta SS. Belgii selecta, IV, p. 4 DE SAINTE-MARTHE. Gallia Christiana, t. 1, col. 75 - BRASSEUR. Origines omnium Hannoniæ cœnobiorum, p. 463.

3 JACQUES DE GUISE. Illustrations de la Gaule Belgique Paris, 1531; vol. 1, p. 15 IBIDEM. Histoire du Hainaut, t. ix, p 379.

Monsieur saint Bruno, archevesque de Couloigne, estant » authorisé, tant du Saint Père pour le spirituel, que de son » frère l'empereur Otton I pour le temporel, pour remettre le >> tout en estat et bon ordre, et, visitant ceste église, pourvut » premièrement au service divin. Au lieu des religieux qui » y souloient estre, establit chanoines soub la riègle de Monsieur » saint Augustin, lesquels il remit en jouissance entière de tous > les biens et priviliéges qui leur appertenoient'. »

Le chapitre de Saint-Vincent ainsi constitué sous la triple et haute protection du souverain pontife, de l'empereur d'Allemagne et du duc de Lotharingie prit pour ce motif la qualification de royal. Cette corporation ne tarda pas à être dans une situation florissante. Non seulement elle obtint du siége apostolique des bulles importantes qui la confirmèrent dans ses droits et priviléges, mais les évêques de Cambrai lui donnèrent de nombreux témoignages de vénération. De leur côté les comtes de Hainaut, les ducs de Bourgogne, et les souverains de la maison d'Autriche augmentèrent ses immunités et la comblèrent de biens, et les seigneurs de la contrée lui prodiguèrent leurs largesses.

Pour mieux affermir les nombreuses concessions faites à la collégiale, le chapitre de Soignies en sollicita la confirmation de la cour de Rome. La première bulle connue qui lui fut accordée émane du pape Lucius III, élu en 1181 et mort en 1185. A l'exemple de son prédécesseur, le pape Urbain IV donna aux chanoines de l'église de Soignies une marque éclatante de sympathie par une bulle confirmative de la précédente et datée de Viterbe, le 5 juillet 1262'. Après avoir mis l'église de Saint-Vincent sous le patronage de saint Pierre et sous la protection spéciale du Saint-Siége, Lucius III et Urbain IV lui confirment les possessions et les biens qu'elle avait justement acquis ou qu'elle pourrait obtenir à l'avenir soit par les concessions des pontifes, soit par les

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' VINCHANT. Annales du Hainaut, tu, p. 171

* Le lecteur peut consulter dans les Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de la Belgique, t. V, pp. 96-104. les bulles de Lucius III et d'Urbain IV, qui ont été communiquées à la direction de ce recueil par M. A. J Voisin, vicaire général, à Tournai.

largesses des rois et des princes, soit par les offrandes des fidèles, soit enfin d'une autre manière à des conditions équitables. On trouve dans les deux lettres papales un véritable dénombrement des possessions du chapitre de Saint-Vincent. Elles comprennent : 1o Le lieu même sur lequel la collégiale est bâtie, avec toutes ses dépendances et la liberté qu'elle tient de Gérard, évêque de Cambrai '; 2o le droit concédé aux chanoines de conférer canoniquement la troisième prébende; 3o la ville de Soignies, dont la juridiction appartient au chapitre, avec ses dépendances, ainsi que les terres cultivables ou incultes, les prés, les bois, les eaux, les cours d'eau, la pêche, les dîmes et les terrages; 4o le territoire dont le chapitre est reconnu possesseur et les libertés du district qui s'étend depuis la limite de Naast (Naste) jusqu'à celle de Cambron (Cambrons), en ligne droite, et depuis la limite de Braine (Brania) jusqu'aux territoires de Neuville, de Bagenrieux et de la Saisinne (usque ad territorium de Nova Villa et de Bagienriu, et de villa, qui dicitur Sasine ) 5o l'église d'Horrues (Horues) avec ses dépendances, ainsi que les brasseries, les moulins et les autres maisons, les dîmes, les terrages, les cens, les serfs de l'église de Soignies, la forêt Charbonnière (nemore Carbonere), les bois de Spodiau, de Lisbecq, et les autres bois de moindre étendue (Nemore Spadiel, cum nemore, quod dicitur Lis, et cum ceteris minutis silvis ); 6o le village de Cambron-Saint-Vincent avec ses dépendances, ainsi que l'autel de la paroisse, les dimes, les terrages, les cens, les terres, les prés, les eaux, les cours d'eau, la pêche, les moulins, la brasserie, et avec tout le territoire du même en

Les lettres de Gérard, qui sont de 1092, ont été publiées pour la première fois par M. Ch. Duvivier, dans ses savantes Recherches sur le Hainaut ancien, p. 457, d'après une copie que lui a communiquée M. Vander Ritt, et tirée d'un Cartulaire de Saint-Vincent de Soignies, fol. 40 vo.

2 Bagenrieux est une dépendance du village de Neuville; la Saisinne forme un hameau de Thieusies.

3 Spodiau, dépendance de Soignies; Lisbecq, dépendance de Hoves.

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