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QUELQUES NOTES

SUR

LE DERNIER INTENDANT

de la Généralité de Soissons

Charles-Esprit-Marie de la Bourdonnaye, comte de Blossac, était né à Poitiers, le 27 août 1753

Il était fils de Paul-Esprit Marie de la Bourdonnaye, comte de Blossac, marquis du Tymme, Intendant de la généralité de Poitiers et de Madeleine-LouiseCharlotte Le Pelletier de la Houssaye (1).

A vingt ans, à la date du 15 décembre 1773, il fut pourvu d'un office d'avocat général au Conseil supérieur de sa ville natale et deux ans après prêta serment en qualité de maître des requêtes. En 1781, il fut nommé adjoint à l'intendance de Poitiers, et l'année suivante, le 5 février, il épousa à Paris, AnneLouise de Bertier, âgée seulement de 17 ans, fille de l'Int ndant de la généralité de Paris, M. de Bertier de Sauvigny et de Mlle Foullon.

Ce fut au mois de janvier 1785 que l'intendant de Poitiers et son fils furent tous deux nommés à l'intendance de Soissons en remplacement de M. Le Pelletier, marquis de Montmélian. Le fils seul exerça les fonctions de cette charge et vint prendre résidence à Soissons avec sa jeune femme.

Le nouvel intendant signala son passage à l'admi

(1) Notice historique sur Paul-Esprit-Marie de la Bourdonnaye, intendant de Poitiers, par Pilotelle, Poitiers 1856.

CHARLES-ESPRIT-MARIE DE LA BOURDONNAYE,

comte de BLOSSAC

Intendant de Soissons, de 1785 à 1789

OF

MICH

nistration de notre province, dans les circonstances difficiles de cette époque, par d'habiles et énergiques mesures et par les louables efforts qu'il fit pour conserver au Soissonnais les grains que Necker essayait de faire enlever de force, pour l'approvisionnement de Paris (1).

Les premiers évènements de la Révolution atteignirent directement M. de la Bourdonnaye et l'amenèrent à donner sa démission. On sait en effet que son beaupère, M de Bertier, et le grand-père de sa femme, M. Foullon, furent massacrés le 22 juillet 1789 à Paris.

Il n'est pas hors de propos de rapporter ici, le récit (2) de la scène poignante qui se passa à l'Hôtel de l'intendance de Soissons, dans la soirée du 18 juillet. Le soir de la prise de la Bastille, M. de Bertier avait quitté Paris et s'était rendu à Versailles. pour y prendre les ordres du roi; le lendemain, il commença une tournée dans sa généralité, visita Melun et Meaux et de là devant aller à Compiègne, il voulut se détourner de sa route pour passer à Soissons et voir sa fille. Il arriva à l'Intendance le 18 au scir, et trouva M. de la Bourdonnaye dans la plus grande inquiétude à son endroit; il venait de recevoir des nouvelles. alarmantes de Paris: les noms de Bertier et Foullon étaient affichés au Palais-Royal sur une liste de proscription. 'Intendant de Soissons en informa son beaupère en le suppliant d'interrompre sa tournée et de prendre le chemin de Metz, où le maréchal de Broglie lui faisait offrir un asile au milieu de ses troupes. M. de Bertier repoussa ces propositions et déclara devoir retourner à Paris, après avoir passé l'inspection qu'il

(1) Henri Martin. Histoire de Soissons appendice p. 7.

Ce fut sous l'administration de M. de la Bourdonnaye que fut construit l'Hôtel de l'Intendance aujourd'hui l'Hôtel-de-Ville. (2) Lettre de Mme de la Bourdonnaye.

T. XIX 17

avait à faire à Compiègne. Madame de la Bourdonnaye se jeta aux pieds de son père en le suppliant de ne pas s'exposer à un danger certain et en lui citant l'exemple de MM. de Launay et Flesselles qui venaient d'être massacrés. L'Intendant de Paris resta inébranlable et après une seule nuit presqu'entièrement passée à lutter contre les supplications de sa fille, il partit de Soissons en cabriolet, le 19 au matin.

Les sinistres pressentiments de Mme de la Bourdonnaye ne l'avaient pas trompée: cinq jours ne s'étaient pas écoulés qu'elle apprenait à Soissons, les circonstances atroces de la fin tragique de son père et de son grand-père (1). Elle tomba malade à la suite de l'émotion que lui causa la nouvelle de ces évènements.

(1) M. de Bertier était depuis trois ou quatre heures à peine à Compiegne, et pour rejoindre la voiture qui allait l'emmener à Paris, il traversait une rue, ayant à son bras la femme de son subdélégué à Compiègne, lorsque deux maçons le reconnurent et ameuterent la population contre lui en criant qu'on le recherchait à Paris et qu'il fallait l'arrêter. La municipalité, dans le but de le protéger, l'enferma à l'Hôtel de Ville et fit demander à la municipalité de Paris ce qu'il fallait faire. Celle-ci, pensant sauver M. de Bertier, l'envoya chercher par un électeur, M. de la Rivière, et une escorte de cavaliers. On sait qu'informée de son arrivée, une bande de forcenés qui venait de massacrer M. Foullon, se porta à sa rencontre en lui montrant, au bout d'une pique, la tête de son beau-père et en l'accablant d'injures et que malgré les efforts de Bailly et de Lafayette, on allait le pendre à une lanterne, quand, arrachant un fusil des mains d'un de ceux qui l'entouraient, il s'élança sur la foule et tomba percé de coups.

On a mis sur le compte d'une explosion soudaine de haine populaire, la fin tragique de ces deux administrateurs. Il est pourtant avéré que la populace, dans cette circonstance, ne servit que d'instrument aveugle à une vengeance personnelle de PhilippeEgalité. MM. de Bertier et Foullon ayant eu le courage de conseiller au roi l'arrestation du duc d'Orléans, celui-ci avait juré leur perte, Bien qu'ils se trouvassent à plus de quarante lieues l'un de l'autre, M. Foulon à Viry et M. de Bertier à Compiègne, ils furent saisis le même jour et presque à la même heure. La fureur populaire ne se fut pas manifestée ainsi à la fois et à heure fixe, dans deux localités aussi éloignées, sans l'aide de quelques meneurs habiles envoyés à leur poursuite.

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