Imágenes de páginas
PDF
EPUB

son décès qu'il avait apprise par ses deux fils, le Président de la Cour des comptes, M. de Royer, mandait, le 9 mai, à l'un d'eux qu'il avait été témoin << de l'honorable souvenir qu'ont gardé de lui ses anciens collègues ; ajoutant qu'il avait fait rétablir à l'Alma

nach impérial, sur la liste des référendaires honoraires > son nom omis par erreur depuis plusieurs années et regrettait qu'il n'eût pas eu avant de mourir « cette satisfaction qui lui était préparée ».

Il serait difficile d'apprécier, si ce n'est sommairement, la valeur des richesses bibliographiques et autographiques de M. d'Arcosse, même après le sacrifice qu'il en avait fait. Un coup d'oeil rapide jeté sur un catalogue qui en a été publié nous montre sa bibliothèque divisée méthodiquement selon les branches diverses du savoir humain: Théologie, Jurispruden ce Sciences et Arts, Belles-Lettres, Histoire, Supplément et Nomenclature des Autographes. Elle se composait de livres anciens, modernes et contemporains; d'éditions belles et rares, françaises ou étrangères. Dans beaucoup d'entre elles, il faisait insérer les portraits et des autographes des auteurs, surtout des personnages les plus connus qu'il avait pu voir: Ecrivains divers, publicistes, artistes, etc. Témoin pendant la période révolutionnaire de la déperdition d'une foule de livres et de manuscrits qui se fit au grand détriment de notre histoire nationale, il avait su en recueillir des épaves avec une louable curiosité. Il ne négligeait pas pour cela les productions littéraires de ses contemporains, ni même celles sorties des presses de son fils Emilien. Aux ouvrages anciens il conservait avec soin leurs vêtements vénérables, mais aux livres détériorés et aux nouveaux auxquels il attachait le plus de prix, il ménageait des habits recherchés et somptueux, de ces reliures, en un mot, aux couleurs variées et ornementées au point d'en faire des objets T. XIX (2 partie)

2

d'art. A cet effet, il s'adressait aux ateliers renommés des Bauzonnet, et Trautz-Bauzonnet, Galette, Padeloup, Derome, Prix, d'Héring et Muller, mais surtout des deux premiers (1).

De tels renseignements, qui pourraient être fastidieux pour des personnes peu instruites, nous ont paru devoir être de quelque utilité pour celles qui ont conservé l'amour des livres, ou qui, à l'exemple de M. Ferdinand d'Arcosse, veulent se former une collection intéressante. Quant à la partie autographique, laquelle se rattache à la première, il importe aussi d'imiter cet éminent collectionneur. « Le goût des autographes étant devenu une science, lisons-nous dans la Gazette des Beaux-Arts du 17 juin 1862, pourquoi n'honorerait-on pas ces hommes patients, dévoués, intelligents, érudits, désintéressés qui cherchent et conservent aux dépens de leur fortune tant de monuments précieux, intéressants pour l'histoire générale ou particulière? (2). Les autographes de M. d'Arcosse émanaient en effet de la main d'hommes historiques: ministres, ambassadeurs, hauts magistrats, sénateurs, pairs de France, maréchaux, amiraux, académiciens, évêques, ecclésiastiques, auteurs célèbres, publicistes et journalistes, savants, avocats, bibliophiles, prédicateurs, femmes auteurs, hommes politiques, révolutionnaires, conventionnels et autres, si importants pour ceux qui veulent écrire nos Annales. Aussi la collection autographique de M. Ferdinand d'Arcosse fut-elle tenue comme une garantie qui ajoutait de la valeur à tout objet qui en sortait.

Nés pour ainsi dire et élevés au milieu des richesses

(1) Catalogue des livres et autographes de la Bibliothèque de M. Fossé d'Arcosse, précédé d'une Notice. (1865, Paris, chez Techener) (2) Citation de la Gazette par M. Edouard Houssaye, dans le Journal de l'Aisne.

intellectuelles et artistiques qu'ils avaient toujours sous les yeux ses deux fils en devaient, comme nécessairement, contracter le goût. Emilien d'Arcosse, initié en même temps par de solides études classiques à Charlemagne, aux Arts-Libéraux et aux BellesLettres, se sentit la vocation d'en connaître les instruments et les premiers principes. Il eutra à l'âge de vingt ans, comme simple typographe, dans la célèbre imprimerie des Firmin-Didot, qui a su faire revivre ces grands établissements d'où sortirent autrefois les éditions regardées comme les chefs-d'oeuvre de l'art. C'est d'ailleurs une école que la maison de MM. Didot, car eux aussi furent toujours des hommes éminents dans la république des Lettres. M. d'Arcosse déploya bientôt assez d'intelligence dans la typographie pour qu'on lui confiât la direction de l'imprimerie qu'il conserva de 1830 à 1836. Dans cet emploi important, il contribua à l'exécution d'ouvrages considérables tels que le Dictionnaire de l'Académie (6 édit.) et l'Histoire littéraire des Bénédictins, continuée par des membres de l'Institut, ce qui le mit en rapport avec plusieurs d'entre eux.

M. d'Arcosse sentait qu'il n'était pas destiné à occuper une telle position, quelqu'honorable qu'elle fût, pour en faire sa carrière; ses talents s'y refusaient, et il cherchait à voler de ses propres ailes. A la mort de M. Firmin-Didot, arrivée en 1836, il fut informé de la vacance à Soissons de l'imprimerie de Madame venve Barbier; il quitta son emploi, résolut de la reprendre et de se fixer dans cette ville. Les conditions arrêtées, il sollicita son brevet d'imprimeur. Alors, en effet, cette industrie était si élevée dans l'estime générale et regardée comme si importante, au point de vue social comme au point de vue littéraire, qu'il fallait, comme autrefois, pour l'exercer, y être autorisé par les pouvoirs publics. Il obtint ce pri

vilège et le 20 septembre de la même année le Moniteur officiel publiait une Ordonnance royale nommant « Imprimeur en lettres et lithographie, à la résidence. de Soissons, en remplacement de Madame veuve Barbier, démissionnaire, M. Fossé d'Arcosse, directeur de l'imprimerie Didot. >>

M. d'Arcosse acquit dès lors le droit de cité à Soissons qui devint sa patrie adoptive, et prit possession de l'imprimerie située rue des Rats, dans la maison du Temple. Il devait y rester d'assez longues années et jusqu'au moment où il acquit une importante habitation rue Saint-Antoine. Du reste celle qu'il avait quittée redevint ce qu'elle était auparavant, le siège d'une autre imprimerie. M. Barbier n'avait publié qu'une simple feuille d'annonces, M. d'Arcosse la signa pour la première fois le 9 octobre 1836, comme propriétaire et gérant. C'était là un cadre bien restreint; il résolut de l'agrandir et il parvint à en faire un journal politique et littéraire auquel il donna le titre de l'Argus Soissonnais qu'il a toujours conservé. Par les développements et les améliorations successives qu'il y apporta, il en fit, selon l'expression de M. Cortilliot « un des organes les plus importants de la Presse départementale » dont il devint le doyen. (1)

Dans cette carrière si délicate et si difficile du journalis:ne, M. d'Arcosse déploya constamment un zèle éclairé, du talent, de la droiture et l'amour du pays. Au milieu des fluctuations de la politique, si étranges en ce siècle, où la prospérité alterne trop souvent avec les revers de la patrie, et dans les luttes des partis, il se rangea toujours du côté de celui qui lui paraissait

:

(1) Voyez principalement le Progrès de l'Aisne article biographique étendu et les discours de MM. Lecercle, Cortilliot, Choron et Godet (numéros des mercredi 24 et vendredi 26 août 1887), ainsi que les journaux de Paris et du département de l'Aisne.

le plus dévoué au bonheur de la France. C'est ainsi qu'il mérita de recevoir, le 14 août 1852, la croix de chevalier de la Légion d'honneur. Ce même esprit de modération, il le porta dans les rivalités individuelles, dans les discussions scientifiques et littéraires. Toujours impartial et ami de la vérité, il ne se départit jamais. d'une courtoisie de bon goût, d'une dignité correcte, d'une sage prudence, fruits d'une belle éducation et marque d'un esprit supérieur et philosophique. Ennemi des personnalités, il s'éleva par caractère au-dessus de ces critiques blessantes, de ces violences de langage qui trop souvent enveniment les haines et déshonorent la noble profession du journalisme qui a surtout pour but d'éclairer la raison et d'élever les âmes sans trahir la vérité et la justice.

Telle fut, à la prendre dans son ensemble, et sans s'arrêter dans des critiques de détails, l'œuvre à laquelle M. d'Arcosse a consacré la meilleure partie de sa vie littéraire, qui fut longue et laborieuse. Depuis le 15 août 1836 jusqu'au 31 décembre 1874, où il laissa à son fils aîné la direction et la propriété du journal, elle resta d'une régularité parfaite, d'une activité calme et sereine, soit qu'il fût à son bureau, soit qu'il fût au milieu de son personnel. Le premier à la besogne. il enseignait à tous la théorie et la pratique de l'art typographique; l'ayant exercé lui-même, il savait en apprécier l'antique renommée pour la pureté et la correction des textes. C'était d'ailleurs pour lui, comme s'exprimait M. Godet, le doyen d'âge des ouvriers, une autre famille qu'il avait formée, qu'il avait associée à son labeur, qu'il dirigeait et aimait d'un amour de père. Celle-ci, assurée d'être conservée, le payait de retour, le vénérait et s'attachait à sa personne (1).

(1) Ex Discours de M. Godet.

« AnteriorContinuar »