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Et encore si lesdictz Huguenots eussent plus tôt esté advertys, de l'Edict de pacification faict par le roy au mois de mars suyvant, il en eust esté beaucoup de pis à ladicte église.

Car si tost que lesdictz Huguenots furent advertiz dudict édict, ils commencèrent à rompre les vitres de léans, qui sont riches au possible pour leur variété de couleur, représentation et figures qui y sont, ce que lesdictz Huguenots n'avoient voulu faire auparavant pour éviter l'iniure du temps, lorsqu'ils faisoient leurs presches, Mesmes ils voulurent marchander à certains ouvriers pour razer et niveller les quattre gros et maistres pilliers de ladicte église pour trouver les moiens de faire fondre ladicte église; mais ils ne trouvèrent ouvriers qui eussent voulu entreprendre cest ouvrage. (1)

En l'église Notre-Dame des Vignes qui n'estoit encore achevée, comme dict est, furent rompues et brisées les vitres qui estoient de grande beauté, entre lesquelles y en avoit une qu'avoit donnée et aulmosnée Monsieur de Roucy, evesque dudict Soissons, les cloches de léans qui n'estoient encore pendues en l'air furent rompues et cassées. Les combles de ladicte église mis par terre. Les ymaiges et ornemens rompus, brisez et deschirez. L'Eglise St-Quentin fut desmolye et ruinée du tout, de sorte que n'y demeure aulcune chose qu'une partye des lairesses et pignons.

L'Eglise St-Remy et Christophe, ancienne paroisse de Notre-Dame des Vignes, St-Victor ancienne paroisse de St-Quentin, St-Waast, St-Pierre tout de mesme.

L'Eglise et Abaye St-Léger, du tout ruynée et des

(1) M. Berthin raconte qu'il ne tint qu'à la somme de dix livres que les carrieurs voulaient avoir de plus que les rebelles ne leur voulaient bailer. Il le sçavait par le recit d'un nominé P. Desmaretz prestre, curé de Belleu, qui depuis a esté chanoine de la Grande église lequel l'a sceu des ouvriers carrieurs qui estoient de sa paroisse.

molye, ne s'en fallut que des voultes du chœur et de la croisée de ladicte église. Mesme la grosse tour estant sur le portail de ladicte Eglise fut jectée par terre et du tout desmolye.

L'église et abaye de St Jehan des Vignes fut du tout ruynée et devestue de ses excellences. Mais ladicte église ne fut desmolye et n'y eust sinon les vitres d'icelle qui furent cassées et rompues, toutefoys les lieux manables furent du tout desmolys, mesme les fontaynes de léans qui estoient d'excellente grandeur, furent toutes rompues. Et les canaux qui estoient de plomb priz, mesme la petite cloche de ladicte église, qui de merveilleuse beauté estoit fut jectée à bas.

L'église St Martin fut du tout razée parce qu'elle estoit nuisible pour la défense de la ville.

Pareillement l'église et abaye St Crespin-le-Grand, qui n'est pas fort loin, fut presque toute desmolye. Les grosses voultes et combles de ladicte église furent jectés par terre. Toutefoys les corps saincts de léans furent saulvez et baillés en garde à Madame de Bourbon.

L'église des Célestins ruynée et démolye de sorte qu'il n'y demeura que partie des lairesses et pignons. La chapelle St Thiècle, qui n'est pas fort loing, fut du tout razée et démolye. Au lieu de laquelle fut bastie la maison de mil en parlent.

L'ancienne et renommée abaye St Médard fut audedans de l'église, pillée, robbée et devestue de toutes ses excellences, antiquitez et somptuositez, comme des reliquaires, joyaulx vaisseaux, vieilles et anciennes sépultures, tombes et effigies de marbre, cuivre, airain et plusieurs métaux, de Roys et grands Seigneurs qui sont enterrez léans. Les vittres de ladicte église estoient d'une estimation incroyable, les grosses et merveilleuses cloches et orgues rompues et brizées. Le portail de ladicte église et galleryes estant audessus qui estoient de grosse et superbe maçonnerie furent du tout ruynés et desmolys. Les lieux manables de

ladicte église, de grande beauté et excellence, du tout ruynez et desmolys. Toutefoys Dieu ne voulut permettre que les corps des benoits St Sébastien, Grégoire et Medard, fussent perdus comme les aultres. Ainsi auroient esté saulvez secrètement par aulcuns serviteurs fidèles et catholiques de ladicte abaye, qui les auroient apportez et baillez en garde à Madame de Bourbon, jusques à ce que le temps permit de les y demander, dont la dicte dame fut fort joyeuse et les garda lors précieusement jusqu'à ce qu'elle fut requise de les rendre.

L'église St Julian, jadis près et sur le chemin qui conduict à Cuffy et ancienne paroisse du village de Leury et dont le Curé est Cardinal de l'église de Soissons fut du tout razée et desmolye. Par aulcuns vieux papiers et chartes faisant mention de ladicte église St Julian, il est dict monastère St Julian et parquoy on pourrait présumer que ç'auroit esté aultre foys quelque monastère ou abaye. Toutefoys parce que je n'en ay leu ne trouvé aultre chose je me tayrai et passeray.

Les combles et les vitres, ymaiges, cloisons et aultres excellences de l'Eglise et Abbaye St-Crespin en Chaye, furent du tout ruynez et les lieux manables furent du tout desmolys, sans en réserver aulcuns.

Bref ce serait chose indicible de racompter les desmolitions qui furent faictes en églises, maisons Ecclésiastiques dudict Soissons et de prises les richesses desdictes églises qui estoient inestimables, et j'ay opinion que de cent ans, les Eglises ne seront réparées de la sorte qu'elles estoient basties.

Lesdicts Huguenots furent en ladicte ville jusques au mois de mars 1568, que le Roy fit une paix avec eulx et qui fut cause qu'ilz sortoient de la ville et en laissèrent la place aux habitants qui lors revindrent chacun. bien joyeulx en leurs maisons, nonobstant les grandes pertes et peines qu'ils avoient souffertes pour un si longtemps.

T. XIX (2 partie)

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1573

L'année 1573 fut telle inondation en ladicte ville que la rivière passait par la rue du Pot d'Etain et les arches du pont furent toutes remplies d'eau, excepté la plus grande, où il avait à dire la haulteur d'une paulme qu'elle ne fut pleine.

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NOTES

Des origines de Soissons

J'ai travaillé toujours en désirant mieulx faire
En faveur du païs. Un aultre fera mieulx
Qui de miculx rechercher sera trop plus soigneux;
Et s'il y met la main, ii ne m'en doibt desplaire.
(Michel Berthin curé de Chaudun.)

Berlette au premier chapitre de ses antiquitez, dit que 488 ans av. J.-C., Brennus fonda sur les bords de l'Aisne, un château fort pour marquer l'endroit où il s'était arrêté et fortifié et qu'il le nomma Cessio Senonensium ou arrêt des Seuonois.

Au deuxième chapitre, il annonce avec une certaine solemnité que l'an du monde 3.865 ou 103 av. J.-C. la ville de Soissons fut premièrement commencée à bâtir par l'un des fils de Marius nommé Sessius.

Il y a là une contradiction apparente qui n'a pas dû lui échapper. Cependant il ne s'en embarrasse pas, ne cherche pas à l'expliquer et continue imperturbablement sa narration. En historien fidèle, consciencieux et modeste, il raconte simplement ce qu'il sait, ce qu'il a lu et ce qui

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