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PREMIÈRE PARTIE

RELATIONS DE LYON AVEC CHARLES VII

(1417-1461)

CHAPITRE PREMIER

LES RELATIONS DE CHARLES, DAUPHIN, AVEC LYON

Relations de Lyon, et de Charles, dauphin, jusqu'à la fin de 1419. Le règne de Charles VII commence seulement le 30 octobre 1422; c'est à cette date que, dans le château de Mehun, il prit le titre de roi et succéda officiellement à son père, mort le 21'. Mais depuis plusieurs années, il exerçait les fonctions de souverain, s'il n'en portait pas le nom. Alors qu'il n'était encore que le dauphin Charles, il fut investi par son père de la charge de lieutenant général du royaume (14 juin et 6 novembre 14172). A la fin de l'année suivante, il prit lui-même le titre de régent3. On sait quels malheurs furent la cause de cet avènement anticipé la folie de Charles VI survenue dans le courant de l'année 13934, la mort du vieux duc de Berry, son oncle (13 juin 1416), la captivité des ducs d'Orléans et de Bourbon, emmenés prisonniers en Angleterre après la défaite d'Azincourt (1415), l'invasion anglaise et la trahison du

1 Sur son avènement, v. De Beaucourt, Ilist. de Charles VII, t. I, p. 54-5. 2 Voir de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. I. p. 70-71. Le 17 mai, son père lui avait fait don du duché de Berry et du comté de Poitou, à tenir en pairie (le dauphin Jean qui les possédait était mort depuis peu). (Ibid., p. 68.)

3 Sur la date exacte de cet évènement, v. de Beaucourt, t. I, p. 473-4. Sur les circonstances qui l'accompagnèrent, v. ibid., p. 120.

4 Voir Coville dans le t. IV de l'Histoire de France, publié sous la direction de Lavisse (e partie), p. 303-309.

duc de Bourgogne, Jean sans Peur, qui avait rallié à sa cause la reine Isabeau de Bavière, enfin la mort de Louis d'Anjou, roi de Sicile (29 avril 1417) et celle du dauphin Jean, quatrième fils de Charles VI (5 avril 1417). On voit par cette énumération de catastrophes quel fardeau le jeune Charles, alors âgé de quatorze ans à peine, allait avoir à supporter 2. Il lui fallait gouverner la France à la place d'un père fou, contre le puissant roi d'Angleterre et ses alliés, le duc de Bourgogne, l'empereur Sigismond et sa mère ellemême 3. De nombreuses villes firent défection: Rouen, Troyes l'abandonnèrent. Enfin, dans le Midi, peu à peu le Languedoc se ralliait à la cause bourguignonne3.

[1416]. Dans de si tristes circonstances, qu'allait faire Lyon? N'était-il pas à craindre que, devant l'attitude des autres villes, il ne se laissât gagner par la défection; la proximité de la Bourgogne et de l'Empire n'était-elle pas déjà par elle-même une puissante tentation? Comment d'ailleurs résister à des voisins si riches et si redoutables, qui pouvaient tout contre lui, alors que le jeune dauphin pouvait si peu de chose en sa faveur.

Malgré tout, cependant, Lyon ne trahit pas la cause de Charles et de la France. Déjà, le 27 septembre 1416, au moment où le roi d'Angleterre Henri V venait d'arriver à Calais pour conférer avec

1 Voir De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. I, p. 23.

A la tête du parti du dauphin, se trouvait cependant un homme énergique, Bernard d'Armagnac qui, en 1415 avait reçu l'épée de connétable (v. ibid.).

3 Au mois de mars 1416, l'empereur Sigismond s'était rendu à Paris; mais il s'était rendu ensuite à Londres, où le roi Henri IV réussit à l'attirer dans l'alliance anglaise. Enfin, au mois de septembre, il conféra à Calais avec le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne Jean sans Peur; à partir de ce moment, il fut ouvertement contre la France. Sur ces faits, v. de Beaucourt, t. I, p. 262-267.

Sur Isabeau de Bavière, v. le livre de Marcel Thibaud. Malheureusement son livre s'arrête trop tôt pour la période que nous étudions et le nouveau volume qu'il prépare n'a pas encore paru.

4 Rouen ouvrit ses portes le 12 janvier 1418 aux Bourguignons; quant à Troyes, cette ville fut le siège d'un nouveau gouvernement dirigé par Jean sans Peur et Isabeau de Bavière, v. de Beaucourt, t. I, p. 28.

5 Le 30 janvier 1418, Louis de Chalon, comte de Genève, reçut du duc de Bourgogne, mission de soumettre le Languedoc. (Il pouvait supprimer tous les impôts sauf la gabelle du sel, v. de Beaucourt, t. I, p. 28.)

Il convient de remarquer qu'au siècle précédent, lors de la révolte d'Étienne Marcel, Lyon avait refusé d'écouter les propositions de Guillaume Coillette, son envoyé. V. Mouterde : l'Affaire des quatre coursiers du prince d'Orange, dans Revue du Lyonnais, 1891.

le duc Jean sans Peur, le dauphin Jean avait cru bon de rappeler aux Lyonnais la loyauté qu'ils devaient au roi1.

[1417]. L'année suivante, au mois de novembre 1417, le nouveau lieutenant général fut dans les plus vives alarmes : c'était le temps où Jean sans Peur, après avoir inutilement tenté de reprendre Paris, était allé chercher Isabeau de Bavière, longtemps séquestrée à Blois, et allait avec elle organiser un nouveau gouvernement à Troyes. Le bruit s'était de plus répandu qu'un certain. nombre de bourgeois de Lyon tenaient le parti du duc de Bourgogne et se vantaient de faire nommer à la Saint-Thomas « d'autres conseillers qui aimeraient mieulx le parti du duc de Bourgogne » que les consuls alors en charge. L'entourage de Charles VI s'émut et lui arracha des lettres prescrivant aux consuls de conserver leurs fonctions ou tout au moins d'empêcher la nomination de consuls favorables aux intérêts de Jean sans Peur, car autrement, disait le roi, « nous ne le prendrions pas bien en gré, ainçois en ferions et ferons punir ceulx qui seroient ou seront cause de les eslire autres que bons3 ».

Le dauphin Jean, malgré son jeune âge, exerça quelques mois le pouvoir, par suite des nombreux décès survenus dans sa famille. Aussi ne faut-il pas s'étonner de le voir s'entretenir avec les Lyonnais d'une chose aussi grave. V. pièces justificative no II, le texte de sa lettre qui fut communiquée le 19 octobre aux conseillers en présence du lieutenant du bailli, Jéronime des Ballardes. Cette lettre a été recopiée dans les registres consulaires (v. C. Guigue, Registres consulaires de la ville de Lyon, p. 12). Nous en avons cependant donné le texte d'après l'original conservé aux Archives de Lyon, à cause de quelques variantes. Ainsi, dans l'original, Jean s'intitule Jehan, ainsné filz de roy de France, daulphin de Viennois, duc de Berry, comte de Poictiers et de Poictou. » Or, dans la copie lyonnaise, on l'appelle Jehan, ainsné filz du roy de France, Daulphin de Viennois, conte de Ponthieu et de Poictou, ce qui constitue deux fautes et une omission. Le titre de comte de Ponthieu à cette époque était porté par Charles le futur dauphin. V. le chapitre de de Beaucourt intitulé : le comte de Pontieu, t I, p. 1-21. Les conseillers répondirent le 19 octobre au prince en protestant de leur fidélité. V. le texte de cette lettre dans C. Guigue, Registres consulaires, t. I, p. 13. La lettre est adressée à « Monseigneur le Daulphin de Viennois, duc de Berey, conte de Pontieu et de Poictou »>.

Voir Pièces justificatives n° IV, la lettre de Charles VI, aux Lyonnais, du 30 novembre 1417. « Nous avons » dit-il, « entendu que en icelle nostre ville aucuns qui ont tenu et tiennent le parti du duc de Bourgogne et qui se sont vantés et vantent audit jour de Saint-Thomas de eslire ou mectre peine de faire eslire autres qui aymeront mieulx le parti d'icellui de Bourgogne que vous n'avez fait ». 3 Voir ibidem.

Ce fait a été mentionné par M. Clédat dans une Étude sur Lyon au xve siècle (Annales de la Faculté des Lettres de Lyon, 1884). Le dauphin Charles, de

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