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CHAPITRE II

LYON ET LOUIS XI DE 1463 A 1466. LE RACHAT

DES TERRES DE PICARDIE. LA GUERRE DU BIEN PUBLIC
OU LA LUTTE CONTRE JEAN II, DUC DE BOURBON

Lyon et le rachat des terres de Picardie. Quelque temps après, le roi convoqua les Lyonnais à Montferrand, ainsi que les représentants de diverses provinces (Berry, Gien, Nivernais, Bourbonnais, Château-Chinon, Forez, Beaujolais), et fit demander aux députés une aide de 27.000 livres (26.592 livres, 15 sous 3 deniers exactement) pour permettre au roi de racheter les villes de Picardie qu'il ne voulait pas laisser entre les mains du duc de Bourgogne'. La somme exigée du royaume s'éleva à 100.000 écus. Le Lyonnais fut taxé, pour sa part, à 5.480 livres (76 sols 6 deniers) que le Forez et le Beaujolais devaient l'aider à payer2.

[1463-1464]. Cette clause devait engendrer les plus sérieuses difficultés. Malgré la décision du roi, les commissaires nommés pour la levée de l'aide ne mentionnèrent que le Lyonnais dans leurs lettres, et cela en dépit des remontrances du courrier Jean de Villeneuve qui avait représenté à Montferrand les bourgeois et les gens d'église3. Aussi, à son retour qui eut lieu le 25 décembre, le cour

Sur le rachat des villes de la Somme, v. Henri Séc, Louis XI et les villes, p. 235-237. La lettre de convocation adressée à cette occasion par le roi aux Lyonnais est datée du 23 octobre 1463. Elle a été publiée par M. Joseph Vaesen au t. II de son édition des Lettres de Louis XI, p. 156-8. Elle les invitait à s'y rendre au jour qui leur serait indiqué par les commissaires royaux (l'évêque de Clermont, le sire de la Tour d'Auvergne, le bailli de Mâcon et maistre Jean de Reilhac). — Le 24 novembre, ces commissaires convoquèrent les Lyonnais pour le 20 décembre à Montferrand) (V. la note 3 de la p. 157 du même volume).

2 M. Boulieu a mentionné (p. 332 du t. II. de la Revue d'histoire de Lyon), cette assemblée de Montferrand.

3 Voir le rapport de Jean de Villenove le 25 décembre 1463 (BB 9, fol. 115 vo-116).

rier décida-t-il les consuls à s'entendre avec les ecclésiastiques en vue d'une action commune. Une entente eut lieu qui fut couronnée de succès, et, le 29 janvier 1464, Jean Potier annonçait aux bourgeois qu'il avait obtenu des lettres contraignant le Forez et le Beaujolais à contribuer au paiement de l'aide1. La somme restant à la charge de l'élection du Lyonnais ne se montait ainsi qu'à 1.977 livres (19 sous 6 deniers), chiffre fixé à l'origine par le roi dans ses lettres datées de Neufchatel (2 novembre 1463).

A cette somme il fallait ajouter 180 livres demandées par Louis XI le 30 novembre 1463, d'Abbeville, pour divers besoins. La ville était taxée à 613 livres pour le tout. C'était moins que sous le règne de Charles VII, mais c'était beaucoup trop pour des gens auxquels on avait promis l'exemption des tailles. Les notables et les consuls se réunirent le 26 février et votèrent une taille de i denier et quart pour payer Jean Cambrai, receveur de l'aide. C'est un drapier, Jean Grenay, qui se chargea de la levée de cette somme 3.

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Lyon et la Guerre du Bien Public. Le rachat des terres de Picardie était un succès pour la diplomatie et l'administration de Louis XI. Mais les résultats de sa politique ne tardèrent pas à être compromis par une coalition d'intérêts et d'ambitions groupés contre lui.

En 1465, le loyalisme des Lyonnais fut mis à une rude épreuve : un grand nombre de seigneurs prirent les armes et firent la guerre connue sous le nom de Guerre du Bien Public. Les hostilités furent ouvertes imprudemment au mois de mars par le duc de Bourbon, Jean II, un des principaux chefs de la Ligue, qui adressa un manifeste aux bonnes villes. Ses États confinant au Lyonnais, on con

Il reçut 18 livres pour son voyage qui dura 9 jours (V. CC 423, no 20, le mandement du 30 décembre 1463).

1 Potier avait été envoyé auprès du roi le 30 décembre (BB 9, fol. 116). A son retour il fit un rapport où il déclarait avoir obtenu satisfaction (V. la délibération du 29 janvier 1464 (BB 9, fol. 120 vo).

2 Voir à ce sujet la délibération du 21 février 1464 (BB 9, fol. 125 vo). A la suite se trouve la lettre de commission des élus, datée du 15 décembre 1463 et qui a pour objet l'exécution des lettres de Louis XI (du 2 novembre 1463, Neufchatel) et celles du 30 novembre (Abbeville), de la même année.

3 BB 9, fol. 126-127. V. aussi CC 81.

4 Voir Petit-Dutaillis, Histoire de France, publiée sous la direction de Lavisse. t. IV (2 partie), p. 343 et suivantes, notamment 347-348.

UNIV. DE LYON. CAILLET

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çoit l'embarras où se trouvèrent les consuls. La révolte gagna bientôt tout le pays; l'archevêque prit fait et cause pour les seigneurs et, bientôt, presque toutes les églises du Lyonnais mirent leurs cloches en branle pour appeler les habitants aux armes1. Les bourgeois de Lyon résistèrent à la contagion de l'exemple, et restèrent fidèles à l'appel que dès le 28 mars le roi leur adressa. Ils n'avaient d'ailleurs pas attendu ce moment pour prendre leurs

mesures.

Le 11 mars, ils firent tendre les chaînes et demandèrent au sénéchal de leur donner la garde de Pierre-Scize. Le sénéchal refusa disant qu'il « l'avait en garde et le garderoit bien avec l'aide de Dieu au prouffit et utilité du roy et de la dite ville, et qu'il estoit pour vivre et mourir avec ceulx de la dite ville en gardant le droit du roy et de la dite ville ». Le 12, les consuls déclarèrent qu'ils voulaient << estre et demourer tousjours en bonne union pour vivre et mourir en vraye obeyssance et fidélité du dit seigneur 3 ».

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[1465]. Dès le 25 mai, les consuls et les notables apprenaient que l'écuyer Robinet de Franqueville se rendait en Dauphiné et en Savoie avec mission de convoquer au nom du roi les nobles de ces pays pour la guerre. Ordre était en même temps donné à Jean Cambrai, receveur de Velay et de Vivarais, de délivrer « 150 arnais et 300 brigandines » aux nobles de ces contrées et à ceux du Vivarais, du Velay et du Gévaudan. Il acheta toutes ces fournitures à Lyon et le Consulat dut garantir aux marchands le remboursement des créances royales. Autant dire que la ville avait à payer les commandes du roi'. Ce n'est pas tout le Bailli de Lyon réclama en

1 Sur l'attitude du Lyonnais, voir plus loin.

Le 28 mars, Louis XI prescrivit aux Lyonnais de lui rester fidèles et leur annonça qu'il levait des hommes d'armes en Dauphiné pour combattre le duc de Bourbon V. le texte de cette lettre, t. II des Lettres de Louis XI, publiées par Joseph Vaesen, p. 248-249.

3 Voir à ce sujet la note 1 de M. Guigue, p. 7 de l'édition de la Chronique de Benoit Mailliard.

4 BB 11, fol. 61 v0-62. Dans cette assemblée il fut communiqué deux lettres closes du roi. Par la première, le roi « mandoit aux notables et autres gens de guerre du Dalphiné et de Savoye par ung nommez Robinet de Franqueville, son escuyer d'escuterie, que iceulx nobles et gens de guerre s'en alassent par devers lui et que le dit seigneur escripvoit à Jehan Cambray son receveur aux païs de Lionnois que es dis nobles du Dauphiné et de Savoye et aussi des païs de Gevaudan, Velay et Viverois il feist delivrer jusques a cent cinquante arnoys blanc et le double de brigandines ou tel autre nombre des dis arnoys qu'il seroit necessere et que le dit

outre un prêt de 500 livres en vue de la guerre contre Jean II et prescrivit aux consuls de fortifier la ville 1.

Toutes ces demandes avaient été précédées d'une lettre-manifeste où le roi exposait aux habitants de Lyon les causes de la révolte et sollicitait leur concours. Les Lyonnais répondirent à l'attente du souverain ils le remercièrent « très humblement » des grands signes d'amour qu'il leur donnait, mais en ce qui concerne les harnais ils déclarèrent que Jean de Cambrai seul en devait répondre3. Bientôt après, on annonçait l'arrivée de Jean Galéas, le fils du duc de Milan, qui accourait au secours de Louis XI avec une troupe d'hommes d'armes. Le Bailli réclama à nouveau, le 23 juin, une somme d'argent pour soutenir la guerre « contre ceux de Beaujelois, Fourest et Bourbonnois ». On consentit un prêt, pour le remboursement duquel Claude Amyot accepta, le 11 juillet, de lever une taille. Ce prêt était destiné principalement au remboursement des harnais, que l'on consentait enfin à payer, mais les notables refusèrent de « saillir et aler sur les champs » avec le Bailli attendu qu'il ne fut jamais acoustumé ainsi le faire ne demander par les Baillis qui ont esté le temps passé7 ».

Cambray eust a respondre des dis arnoys et brigandines ou du prix d'icelle et que le dit segneur en garderoit la dicte ville de dommage et autrement comme est contenu es dites lettres ».

1 Le commissaire Robinet demanda dans cette séance aux conseillers d'assurer les marchands auxquels Jean de Cambray commanderait les harnais. Le procèsverbal de la méme séance porte que « Monseigneur le Bailli de ceste ville demandoit et requeroit à icelle ville et païs Lonnoys ung aide de mille et cinq cens livres tournois par maniere de prest pour entretenir la guerre contre le duc de Bourbon. >> Robinet de Franqueville reçut en cadeau 2 aulnes de « drap de soye veloux et cramoysi», coutant 12 écus, fournies par Jean Buatier (V. le mandement du 15 juillet 1465. CC 421, no 19.

2 Voir les Lettres de Louis XI, publiées par J. Vaesen, t. II, p. 255–257, une lettre de Louis XI, datée du 6 avril 1465 (Saumur).

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3 Délibération du 25 mai (BB 11 fol. 61 vo-62). Les conseillers et les notables décidèrent que « touchant les dites lettres envoyées et escriptes par le roy a la dite ville et de ce qui lui a pleu de sa grace communiquer et fere savoir a la dite ville de ses bonnes novelles en quoy il monstre grant signe d'amour a icelle ville l'en doit mercier tres humblement ». Ils font allusion à la lettre par laquelle Louis XI leur annonçait sa victoire.

4 Il en est question le 16 juin (BB 11 fol. 63 vo). Il fut décidé ce jour-là que pour plaire au roi on les logerait bien.

5 (BB 11, fol 65).

Nous apprenons par cette délibération que « mon seigneur le Bailli demandoit argent de la dite ville ou d'aucuns particuliers d'icelle par maniere d'emprunt ou autrement pour souldoyer comme il disoit les nobles du païs affin de fere guerre à l'encontre de ceulx de Beaujeloys, Fourestz et Bourbonnois comme le roy le lui mandait ».

6 et 7 Voir ibidem.

La venue du comte Galéas fut pour la ville une nouvelle source de frais. Il manquait d'artillerie. Le Bailli, qui n'avait pas la moindre pièce de canon à lui offrir, pria à plusieurs reprises les Lyonnais d'écrire au duc de Savoie qu'il voulût bien prêter aux Milanais une ou deux grosses bombardes1. Malheureusement le nouveau duc, Amédée, n'était pas autant que feù son père l'ami des Lyonnais : il se préparait même à protéger les foires de Genève. Aussi les consuls préférèrent-ils faire fabriquer une bombarde à leurs frais 2. Le 1er septembre, on décida d'aller attendre le comte Galéas dans les plaines de Saint-Fons. On lui promit de ne pas laisser enchérir les vivres durant son séjour, mais on lui demanda en retour de ne pas commencer les hostilités avant qu'on eût levé la récolte3. Les députés de la ville lui déclarèrent également que la bombarde demandée par lui était d'un tiers plus grosse que celle qu'il avait commandée et qu'en ce qui concerne les forteresses du Lyonnais il fallait pour y entrer s'adresser aux nobles et aux gens d'église. Le 20, on accorda à Galéas deux bonnes queues de vin 5. Il dut d'ailleurs séjourner à Lyon pendant la plus grande partie du mois d'octobre, la bombarde n'étant pas achevée. Enfin, le 10 octobre, on la lui livra elle avait coûté 78 écus d'or 6.

Ainsi, pendant toute la durée de la révolte, Lyon resta fidèle au roi. Le Consulat doit être d'autant plus loué de son attitude que les nobles du Lyonnais et l'Archevêque avaient pris fait et cause pour les partisans du duc de Bourbon7.

1 Voir la délibération du 28 juillet (BB 11, fol 70-71 v°), aux Pièces justificatives, n° CCLXXVII.

2 Délibération du 18 août (fol. 73 v°-74).

3 Délibération du 1er sept. (BB 11, fol. 75). Il fut décidé d'aller au devant du comte Galéas jusques « au plain de Saint Fons » et de lui porter la réponse de la ville avec cinq demandes énumérées plus haut.

A Ibidem.

5 (BB 11, fol. 78). On décida de lui donner deux bonnes queues de vin, des torches, des épices, et « du bon peysson au lieu du vin » si possible. V. CC 421 (n° 31) le mandement du 18 octobre prescrivant à Jean Varinier de débourser 12 écus pour payer cette commande.

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6 Délibération du ro octobre (BB 11, fol. 83). On sait que les troupes lombardes furent taillées en pièce près de Saint-Genest-Malifaux, par les habitants du pays. Le lieu où eut lieu la bataille est surnommé le Cimetière des Lombards (V. Auguste Bernard, Histoire du Forez, t. II, p. 59.

7 Quant au clergé, quelques membres seulement prirent parti contre le roi. Voir à ce sujet la Chronique de Benoit Mailliard, éd. Guigue, p. 134. Voici d'après

la traduction de l'éditeur, le passage le plus intéressant : « Le même mois, le jour du dimanche de la quadragésime, à la dixième heure de la nuit, ie seigneur Rouffet

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