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CHAPITRE VI

LYON ET LA GUERRE DE CATALOGNE

[1473]. Un mois après, Louis XI s'adressait encore aux Lyonnais; cette fois, il ne s'agissait plus de donner, mais de prêter au roi 20.000 francs pour la guerre qu'il faisait au roi Jean d'Aragon 1.

1 C'est le 20 juillet (V. BB 12, fol. 43), qu'il est question pour la première fois de la venue de Mgr de Gaucourt, chambellan, de Jehan Bourré, seigneur du Plessis, trésorier de France, et de Gilles Cornu, changeur du trésor. On décida ce jour-là qu'une commission serait désignée pour aller les voir à Saint-Jean où ils avaient donné rendez-vous aux conseillers pour le lendemain matin 8 heures. Le lendemain, 21 juillet (BB 12, fol. 43), on délibéra sur l'emprunt demandé par le roi «< comme de present lui convenoit avoir guerre a l'encontre du roy Jehan d'Aragon, lequel se efforçoit de usurper le païs de Cathelogne et conté de Rossillon ». Mais au sujet de cette affaire, v. les Pièces justificatives de la Notice biographique sur Jean Bourré, publiée par M. Joseph Vaesen dans le t. XLIII de la Bibliothèque de l'école des Chartes (année 1882), p. 430-460. Les Pièces justificatives de cette notice (p. 460-474), sont tirées des Archives municipales de Lyon. La première (p. 460), intitulée : Arrivée et réception de Bourré à Lyon (20 juillet 1473), est tirée du registre BB 12, fol 43 ro. La seconde (464-465), a pour titre Négociations entre Bourré et le consulat de Lyon sur le quantum du subside à fournir au roi pour l'armée du Roussillon (21 juillet-25 août 1473). Elle est tirée du registre BB 12 (fol. 44 vo-45, séance du 21 juillet), de BB 12, fol. 49 v°, séance du 3 août et de BB 12, fol. 50 vo, séance du 25 août. La troisième, tirée de CC 92, fol. 1 et 2, est intitulée : État du subside levé par ordre du roi Louis XI sur la ville de Lyon pour l'entretien de l'armée de Roussillon (p. 467-469). Elle est suivie de la copie des lettres de « commission et contraincte de mess" de Gaucourt et de Plessis, commisseres royaulx sur le fait du dit emprunt » (CC 92, fol. 48 ro), datées du 22 juillet 1473 (p. 469-471). — La quatrième (p. 471-473) est intitulée : Frais de levée et d'envoi du subside cidessus mentionné. Elle est tirée du registre CC 450 (fol. 2, 3 ro, no 1) et CC 455, no 11. — M. Vacsen a fait, d'ailleurs, un récit de ces événements dans la notice qu'il a consacrée à Jean Bourré (p. 444-445 du t. XLIII de la Bibliothèque de l'école des Chartes). Louis XI avait écrit à ce sujet aux Lyonnais une lettre datée du 7 juillet 1473 (Amboise), qui a été publié et analysée par M. Vacsen au t. V de son édition des Lettres de Louis XI (p. 156-158). V. aussi note de la p. 158 du même volume la déclaration du 21 juillet. Sur Gilles Cornu, changeur du trésor, voir la note de la p. 157 du même volume. Il faut remarquer que Louis XI faisait de l'argent reçu un usage souvent différent de celui qu'il mentionnait dans ses lettres. Ainsi les sommes demandées par lui au mois de mai étaient destinées aux places de

Celui-ci, profitant des embarras de Louis XI, avait pénétré au cœur de la Catalogne et s'était même avancé au milieu du Roussillon où il avait pris Perpignan (1er mars 1473). Louis XI se voyait en quelques mois enlever le fruit de ses conquêtes précédentes : il réunit aussitôt une armée pour chasser Jean II'. De là, ce subit besoin d'argent. Pour se faire avancer ces 20.000 francs, il avait envoyé une mission composée de personnages fort importants: Mgr de Gaucourt, chambellan; Jean Bourré, seigneur du Plessis et trésorier de France; Gilles Cornu, changeur du Trésor 2. Devant de tels personnages, il fallut s'incliner et malgré l'opposition des notables qui, le 22 juillet, déclarèrent cette contribution excessive et capable de causer la dépopulation de la ville 3. On eut beau représenter à ces envoyés que la ville était chargée de conserver « ung grand quartier du royaume, païs du Daulphiné et Lenguedoc, qu'un mois auparavant on avait donné 2.000 écus», ils consentirent seulement à se contenter de 10.000 francs. Les conseillers auraient voulu une réduction plus forte: ils ne voulaient pas fournir plus de 5.000 à 6.000 francs. Tout ce qu'il purent obtenir, et ce grâce à Paterin, c'est qu'on n'exigerait pas plus de 8.000 francs. On nomma surle-champ (22 juillet) une commission composée de Ferrand Caille, Bruyer, Hugonin Bellièvre et Claude Gay, chargée de désigner les aisés auxquels on demanderait l'argent. Dès le 3 août, Berthet avait recueilli 4.000 francs que Claude Guerrier et Guillaume Henry se hâtèrent de porter au duc de Gaucourt à Montpellier 8. Le 25 août,

Picardie. Or, dans sa lettre du 19 juillet, Gilles Flameng dit que l'argent reçu à cette occasion serait employé à la guerre du Roussillon et aux réparations de diverses places.

1 Le meilleur exposé des événements dont le Roussillon fut alors le théâtre se trouve dans l'ouvrage de M. Joseph Calmette, Louis XI, Jean II et la Révolution catalane, ch. 1x, La Revanche de Jean II, p. 348-385.

2 Voir la délibération du 20 juillet (BB 12, fol. 43).

3 Voir la délibération du 21 juillet (BB 12, fol. 44-45 vo): seconde assemblée de ce jour.

4 Voir ibid.

5 Dans la 2o assemblée du 21 juillet, les notables ayant appris que les commissaires royaux réunis à Roanne avaient consenti, sur la prière d'une délégation du Consulat, à se contenter de 10.000 francs, firent demander une nouvelle diminution. Mais leur vœu ne fut pas entièrement exaucé.

6 et 7 Voir la délibération du 22 juillet (fol. 45 v°-48). Fernand Caille, Buyer, Hugonin Bellièvre et Claude Gay furent désignés pour fixer les prêteurs.

8 Voir la délibération du 3 août (BB 12, fol. 49 vo). Ce jour-là fut décidé le voyage à Montpellier de Claude Guerrier et de Guillaume Henry. C'est le 22 juillet que Berthet avait reçu « le bail de la recepte de cet emprunt » (BB 12, fol. 48-49 vo).

ils revenaient de Narbonne et de Montpellier et annonçaient qu'ils avaient reçu des assignation sur le receveur d'Uzès et le receveur de Vivarais. Ces assignations étaient signées de Pierre de Reffuge, general; Loys Aynart, trésorier, et Guillaume Auvergnat, contrôleur du Languedoc1. Quant aux autres 4.000 francs, les sires de Gaucourt et de Plessis écrivirent au début de septembre qu'ils en avaient besoin immédiatement. Mais la ville ne les avait pas encore en sa possession 2. On envoya, le 14 octobre, Claude Guerrier pour aller s'entendre avec le duc de Gaucourt. Il apportait 1.500 francs à Gaucourt qui lui bailla assignation sur le receveur de Vivarais3. Quant à la grosse bombarde de la ville, il ne put la ramener, car on l'avait fait fondre à Narbonne 1.

Dans le même temps, l'on avait dépêché de Taillemond au roi qui, malgré la promesse de ses agents, réclamait les 2.000 écus restant à fournir pour l'emprunt dont il a été question plus haut5. Mais il n'obtint rien, car cette somme venait d'être assignée sur Macé Picot, trésorier de Nîmes. C'est en effet Macé Picot qui vint les réclamer le 16 novembre. On lui demanda de surseoir à sa demande jusqu'à ce qu'on eût envoyé au roi Claude Guerrier. Celui-ci ne fut pas plus heureux que son prédécesseur. Il avait même cru devoir écrire aux conseillers que, par suite de changements survenus dans le personnel des finances en Languedoc, il ne savait plus si les

V. CC 92, sa reddition de comptes et (fol. 48) la copie des lettres de contrainte de MM. de Gaucourt et du Plessis datées du 22 juillet (Brinon). Voir CC 454, no 95, le mandement du 7 septembre relatif au voyage de Claude Guerrier qui reçut 52 livres 6 sols 3 deniers; le receveur de la ville avait même avancé 1.000 livres à intérêts (v. ibid., no 26).

1 Voir la délibération du 25 août (BB 12, fol. 50).

2 Voir la délibération du 7 septembre (BB 12, fol. 52 vo). Ce jour-là, les conseillers déclarent avoir vu la lettre de Mgr de Gaucourt et de Mgr du Plessis.

3 Voir la délibération du 14 octobre (BB 12, fol. 57). On désigna Claude Guerrier

le 14, mais c'est le 13 que fut décidé le voyage (fol. 57). Il fut de retour avant le 4 novembre (v. la délibération de ce jour, BB 12, fol. 59 vo).

4 Voir la délibération du 4 novembre (BB 12, fol. 59 v•).

5 Voir la délibération du 23 septembre (BB 12, fol. 54).

6 Voir la délibération du 29 octobre, jour où Taillemond fit son rapport (BB 12, fol. 59 v°).

7 Le 16 novembre (v. BB 12, fol. 61 vo), il fait demander son argent aux consuls et le 18 novembre (BB 12, fol. 62), on apprend qu'il a refusé de rien entendre. Une nouvelle démarche tentée auprès de lui après la délibération du 21 novembre (BB 12, fol. 62), n'eut pas grand résultat. Claude Guerrier qui fut dépêché auprès de Louis XI le 30 novembre (BB 12, fol. 64), ne fut pas heureux; or, cette vente était le dernier espoir des conseillers pour forcer la main aux commissaires.

assignations faites sur ce pays conservaient leur valeur. On dut envoyer Ratel du Parpillole en Languedoc pour obtenir le renouvellement des lettres d'assignation?.

[1474]. Comme, le 19 janvier (1474), on craignait toujours que les anciennes assignations ne fussent tombées en désuétude, on envoya Philippe de Chaponnay auprés de Louis XI3. La ville n'était d'ailleurs pas prête de fournir aux officiers royaux le reste des sommes qu'elle devait lui verser. L'entretien des remparts absorbait alors presque toutes les recettes de Berthet et de Varinier, si bien que les conseillers durent le 23 mars prêter chacun 15 livres à Berthet. Les tailles et les emprunts étaient même tellement insuffisants que pour obéir aux prescriptions royales touchant les fortifications, le Consulat dut lui demander la permission de lever « aucun aide et trehü sur le blé converti en farines et sur le sel vendu en la ville et passant par icelle tant par terre que par les rivières du Rhône et de la Saône » 5. Il ne voulait pas percevoir moins de 6 ou 8 deniers par « asnée » et 15 deniers par quarte de sel. On sollicitait aussi du roi l'ordre de faire contribuer les paysans et les gens d'église aux fortifications".

Les conseillers avaient compté sans l'intervention énergique des

Voir la délibération du 22 décembre (BB 12, fol. 61 vo). Claude Guerrier annonçait aux consuls « qu'il doubte que les assignacions faictes a la dicte ville sus les receveurs de Lenguedoc touchant l'emprunt de Vm Ve livres tournois aussi ne soient rompues ou au moins dilaéez obstant la mutacion des gens de finances du dit païs qui avoent faictes et bailléez les dites assignacions ». Le 31 décembre (BB 12, fol. 137 vo), Guerrier annonçait son échec définitif aux conseillers en faisant son rapport.

2 Le voyage de Ratel décidé le 22 décembre avait pour objet d'obtenir du roi le renouvellement de ces lettres. On devait ensuite l'envoyer auprès du général de Languedoc pour obtenir l'attache.

3 Voir la délibération du 19 janvier (BB 12, fol. 69). Ce voyage était motivé par ce fait que Guerrier, le 31 décembre, avait montré aux conseillers une lettre du général de Languedoc (Imbert de Varey), de passage à Paris, qui avait manifesté des craintes sérieuses à ce sujet.

4 BB 12, fol. 74 vo.

5 et 6 Le 1er mai (BB 12, fol. 76 vo-77 vo). On prit cette décision à la suite de l'ordre de Louis XI prescrivant d'achever rapidement les fortifications. Il fut résolu de demander au roi de « prandre et lever aucun aide et treheu sur le blé converti en farines et sus le sel vendu en la dite ville et passant par icelle tant par terre que par les rivieres du Rosne et de la Saonne, c'est assavoir sus chescune asnée de farine de six ou huit deniers tournois et sus chascune quarte de sel quinze deniers tournois ou autre tel somme pour reparacions »; on demanderait aussi des lettres pour « contraindre les gens d'église de la dicte ville et aussi les païsans a soy aider aux reparacions >>.

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officiers royaux, de Macé Picot et de l'évêque de Lombez qui réclamaient 2.000 écus et n'hésitèrent pas à les faire emprisonner à Roanne pour la fête des trois Rois. Il fallut promettre de payer la moitié de cette somme à Pâques et l'autre moitié à la Toussaint. Aussi les conseillers demandèrent-ils que les nouveaux impôts sollicités pour les fortifications fussent appliqués à l'emprunt des 2.000 écus1.

En attendant de les obtenir, on leva une taille à 3 deniers par livre payable à 3 termes (St-Jean, Noël, St-Jean). Entre temps un don opportun de 300 livres à Monseigneur de Gaucourt permit à la ville de recouvrer ses assignations 3.

Le 26 août, Berthet avait déjà reçu de Anthoine Astart, receveur de Vivarais, 1.200 livres tournois en déchargement des 5.500 livres prêtées au roi. Sur cette somme, on prit 800 livres pour payer Macé Picot et 300 autres pour payer l'évêque de Lombez^.

Le versement d'Astart venait à propos, car la taille n'avait encore rien donné, tant était grand l'épuisement de la ville.

[1475]. Mais Lyon ne fut pas seulement obligé d'aider Louis XI contre Charles le Téméraire, il dut encore ravitailler l'armée opérant en Catalogne 5. Ainsi, au mois d'octobre (le 23 octobre), Barthélemy Berthet partait pour Aigues-Mortes avec un convoi de vivres (30 pièces de vin, 200 moutons, 200 fournées d'avoine)". A cette date, Picot n'était pas encore payé complètement, car nous. voyons, le 16 janvier 1475, Alain Varinier recevoir l'ordre de rembourser sur le produit de ses tailles 400 livres avancées par Léonart de Roussy « et autres ses consorts florentins » en vue de versements à faire au trésorier de Nîmes7. Les officiers royaux une

1 Le mai également, comme Macé Picot et l'évêque de Lombez « desja aux foires des Trois Rois avaient fait contrainte a Roanne » et qu'ils réclamaient encore, on prit la décision susdite.

2 Voir la délibération du 15 mai (BB 12, fol. 78 v°-79) et CC 94.

3 Voir la délibération du 13 juillet (BB 12, fol. 87 vo).

4 Voir la délibération du 26 août (BB 12, fol. 91).

5 Lyon fournit notamment 41 botes de vin (la bote valant 5 anées et demie) qui furent achetées en Beaujolais et coutèrent 204 livres, 7 deniers. Ce prix était de 3 fr. la bote rendue au port « de St-Bernard d'Ance ». (V. CC 454, no 33, une pièce d'octobre 1474). Ce document contient la liste de tous les vignerons du Beaujolais qui fournirent le vin.

6 Délibération du 23 octobre (BB 12, fol. 95).

7 Voir délibération du 16 janvier 1475 (BB 12, fol. 100). - Ont ordonné et

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