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CHAPITRE VIII

LYON ET LA CONQUÊTE DES DEUX BOURGOGNES

La mort de Charles le Téméraire survenue le 5 janvier 1477 sous les murs de Nancy ne termina point la guerre contre les États de la Maison de Bourgogne. Louis XI, pour annexer les États de Charles, dut lutter contre les divers prétendants qui aspiraient à la main de Marie de Bourgogne, la fille du Téméraire. Le plus dangereux fut Maximilien d'Autriche que son mariage avec l'héritière de Charles, mit en conflit armé avec la France1.

Le roi dut aussi désintéresser les Suisses qui prétendaient hériter des droits de l'Empire sur la Franche-Comté2; il lui fallut en outre conquérir les deux Bourgognes sur les habitants eux-mêmes, et malgré ses efforts, une partie de sa conquête (la Franche-Comté) lui échappa.

Lyon fut obligé de contribuer en argent et en nature au succès de cette politique, en argent en aidant au paiement de ses troupes, en nature, en fournissant à l'armée royale une partie des vivres qui lui étaient nécessaires.

Le 10 mars 1477, les conseillers reçurent l'avis d'avoir à verser 3.000 écus. Cette somme était destinée aux Suisses, alliés du roi de France, qui avaient combattu contre Charles: le recouvrement en était confié à Guillaume de Neve, trésorier « de Languedoc, Lionnais, Forez et Beaujolais. » Comme toujours, on négocia pour obtenir une diminution. Mais le trésorier avertit les Lyonnais que malgré toute sa bonne volonté, il était contraint d'exiger cet impôt

1 Voir Ch. Petit-Dutaillis, Histoire de France, publiée sous la direction de Lavisse, t. IV (2o partie), p. 384 et suiv.

2 Voir plus loin.

3 Voir la délibération du 10 mars 1477 (BB 14, fol. 25).

sans délai'. Lyonnet de Roussis, pressenti par les consuls, refusa d'avancer seul l'argent; il déclara seulement qu'il le prêterait s'il partageait cette charge avec cinq aisés. Devant ce refus, on décida qu'on essayerait d'obtenir d'un receveur les 3.000 écus, et qu'on ferait avancer cette somme par cent-vingt aisés, à raison de 25 écus chacun 3.

Mais il paraissait impossible de recueillir cet argent avant Pâques, et malgré tous les cadeaux, Guillaume de Neve qui ne pouvait attendre si longtemps enjoignit aux conseillers de prendre les arrêts à la maison de Roanne.

[1477]. En présence de cette attitude énergique, il fallut céder, et le 14 mars, les consuls offrirent de payer 2.000 écus, avant Pâques et 2.000 autres après1. Cette somme devait être recueillie par Taillemond sur les plus riches; enfin le 18 mars, les conseillers sortaient de Roanne et ordonnaient à Cotin de rembourser sur sa taille les 2.000 écus que les banquiers et les marchands français ou étrangers durent avancer 5, au moins en partie. Quant aux 1.000 écus qui restaient encore à verser pour parfaire le paiement de la somme totale, les consuls s'empressèrent de les recueillir, car ils avaient été mis en liberté provisoire jusqu'au jeudi suivant aussi, dès leur sortie de prison, les vit-on négocier avec Lionnet de Roussiz pour le versement de cette somme (200 écus lui seraient remboursés le samedi suivant et les 800 autres à Pâques).

Comme nous l'avons dit, Louis XI était délivré à cette date de ses plus grandes inquiétudes par la mort du Téméraire, mais il dut

1 Voir la délibération du 11 mars 1477 (BB 14, fol. 26 vo-27). Le matin, les conseillers décidèrent de faire demander à Guillaume de Neve « une diminution et long terme, car la ville est endéptée de grans sommes de deniers ». Le soir, on sut que Guillaume de Neve refusait. Il avait déclaré « qu'ilz ne meissent ceste chose en delay ».

2 et 3 Voir la délibération du 13 mars 1477 (BB 14, fol. 28).

4 On remarquera à quel sacrifice ils consentaient pour obtenir un délai; ils ne craignaient pas d'offrir 1000 écus de plus que la somme demandée. Voir la délibération du 14 mars (BB 14, fol. 31, le soir). Et cela, malgré le poisson offer! à Guillaume par les conseillers « pour qu'il traite la ville en toute doulceur ». 5 Voir la délibération du 18 mars 1477 (BB 14, fol. 32). Le nom des prêteurs se trouve BB 14 (fol. 33): Lazare de Grimaldi avança 200 écus; Laquedoin 100; Lyon de Pame 400; Nery Cappon et Barthelemi Baudemont 200; Beaque 200; J. du Peyrat 210; Barthelemi Nasi 200; Ymbert de Varey 20.

6 Le 20 mars (BB 14, fol. 33 vo); les consuls se rendirent ce jour-là en « l'ostel de Lionnet de Roussiz, facteur de la banque de Medicis a Lion ».

pendant quatre ans déployer les plus grandes ressources pour mettre la main sur une partie de son héritage. Il lui fallut lutter contre les compétiteurs de toute sorte, payer les uns, combattre les autres. Aussi Lyon ne fut-il pas tranquille jusqu'au traité d'Arras. Depuis le mariage de Maximilien d'Autriche avec l'héritière de Charles, Marie de Bourgogne, Lyon s'était remis à trembler.

· [1478]. Au début de 1478 (9 février), le sénéchal de Lyon et le comte de Saint Priest sommèrent les Lyonnais de fortifier la porte de la Lanterne, même s'il fallait lever une taille de 1000 écus1. On répondit à cette demande que les deniers du «< trehu » spécial étaient rigoureusement employés aux fortifications, qu'un nouvel impôt serait chose «< espouvantable au peuple, actendu les grans charges que la dite ville avait supportées depuis dix ans », (12 ou 14 tailles, 2 emprunts, dépenses occasionnées par les envois de vivres et l'entretien des francs archers 2).

On traîna tellement les choses en longueur que le 2 avril, les commissaires menacèrent de se plaindre au roi si les réparations n'allaient pas plus vite 3. Les conseillers s'excusèrent en disant que la suppression de l'impôt sur le sel avait diminué considérablement les revenus du « trehu spécial » En même temps, arriva à Lyon (23 avril) un chevaucheur du roi Jean Mydry, chargé de mener en Bourgogne (à 30 lieues de Lyon), de l'artillerie 5. Bien entendu, la ville devait fournir chevaux et charrettes. Une semaine après, c'est Philippe Guérin, maître d'hôtel du roi, qui réclame des vivres pour l'armée de Bourgogne (blé, avoine, poissons, orge, froment, «< chairs sallées »). A cette nouvelle demande, on se borna à répondre que la ville a «< grant peuple et peu de blés » et que les pays voisins (Beaujolais, Mâconnais, Charolais) étaient plus capables de fournir du blé. Encore, ne réclamait-on que des vivres pour l'armée de Bourgogne, pour les armées opérant plus loin, en Artois et en Picardie, on réclama de l'argent. Le 17 mai, les Lyonnais lisaient

Voir la délibération du 9 février (BB 16, fol. 67).

2 Voir ibidem.

3 Voir BB 16, fol. 75 vo.

4 Voir la délibération du 5 avril (BB 16, fol. 76).

5 Voir BB 16, fol. 77 vo. — Délibération du 23 avril.

6 Louis XI demanda 4.000 livres aux Lyonnais. La lettre relative à cette affaire

des lettres patentes de Louis XI, leur enjoignant de lever 4.000 livres sur les habitants. Seuls étaient exempts les gens ayant récemment prêté de l'argent pour le paiement des Suisses'. Ces lettres contenaient une promesse de remboursement pour l'année suivante". Pour exécuter l'ordre royal, on leva le 8 mai une taille dont le montant devait être versé entre les mains de Jean de Monjou, commissionnaire royal ou plutôt, on prescrivit de payer le 8 mai l'officier du roi avec un emprunt qui serait remboursé au moyen d'une taille. Quarante-trois bourgeois furent désignés pour avancer la somme plusieurs habitants murmurèrent (10 mai), trouvant excessif cet emprunt et les intérêts payés aux prêteurs. Le nombre des aisés imposés était très petit, tous les autres ayant contribué aux emprunts précédents. Il en résulta que les petits portèrent tout le poids de cet impôt, car les prêteurs étant en très petit nombre, exigèrent des intérêts si forts que pour les rembourser, il fallut les dispenser de tailles. D'autre part, les consuls déclarèrent que s'il fallait «< coucher en tailles » les derniers emprunts (l'un était de 7.000 écus, l'autre de 4.000), il faudrait plus de cinq tailles et le peuple en serait « plus fort grevé » que par le remboursement des intérêts. L'assemblée du 11 mai déclara qu'il faudrait une taille à 9 deniers tandis qu'avec le système des emprunts on pourrait se contenter d'une taille à 5 deniers. Berthet fut chargé de faire avancer la somme aux quarante-trois personnes désignées. Mais les habitants riches étaient las de tant avancer, car ils n'étaient pas sûrs du remboursement.

་་

Berthet ne put trouver que 1.000 francs à force de peines, il

est datée du 9 avril 1478 (Arras) : elle se trouve analysée et publiée dans le tome VII des Lettres de Louis XI, publié par M. Joseph Vaesen (en 1900), pp. 19-21. M. Vaesen a donné, à la note 1 de la page 21, des fragments des délibérations du consulat du 7 mai et du 4 juin relatives à la réception de cette lettre.

1 BB 16, fol. 79 vo-80.

2 BB 16, fol. 79 vo-80.

Délibération du 7 mai.

3 Voir la délibération du 8 mai (BB 16, fol. 80 v°-81).

4 BB 16, fol. 82 vo. — « Le dit messire Jehan Palmier, juge mage, dit que si aucuns ont murmuré et continuent les murmuracions, qu'on les doit mander et leur remonstrer gracieusement que ilz n'ont cause de murmures, actendu l'emprunet excessif de sept mille frans sur XLIII personnes, et s'ilz vouloient dire qu'en tocast l'interest des dis VII frans pour le coucher en taille avec les dis quatre mille frans, le peuple n'en seroit pour ce autrement solagé, mais plus tost grevé, car aussi bien fauldroit il mectre sus cinq tailles comme il fauldra quant les dites XLIII personnes seront exemptez... »

put apporter une liste de 1754 livres (14 sous, 9 deniers1). Pendant ce temps, Guillaume Monjou ne cessait de réclamer ses 4.000 francs au nom de Pierre Parent, receveur général des finances2. On chargea alors de Nièvre de lever avant Noël le reste de la taille : chaque semaine, il devait verser le montant de la recette. Le 27 septembre, Louis XI réclama encore 4.000 livres, ce qui nécessita une nouvelle taille3. La ville était à court d'argent on dut, le 14 octobre, pour payer Benoît Paquet, receveur des tailles, prescrire à Alardin Varinier, trésorier municipal, de prendre 2.000 livres sur les deniers communs. On prendrait ensuite 1.000 livres qu'on verserait à Taxin, prévôt commissaire desdits impôts. Sur les 4.000 livres auxquelles se montait la demande royale, on ne put ainsi en demander que 1.000 à la taille; les 3.000 autres étaient prises dans les caisses municipales. Il faut ajouter qu'à aucun moment les demandes de vivres et de fournitures pour l'armée de Bourgogne n'avaient cessé. Au début de l'année 1479, les consuls reçurent l'ordre de ravitailler l'armée royale sur le point d'entrer en Franche-Comté. Ainsi, le 9 mars, ils traitèrent avec Jean Gay, marchand de Mâcon, pour fournir à l'armée 200 ânées de froment et 200 petites ânées d'avoine 5.

« Le 25 avril, l'archevêque d'Albi et le prévôt des maréchaux (E. de Corgulleroy) vinrent réclamer 100 ânées de froment, 200 d'avoine et 40 à 50 lards 6. » Les consuls s'arrangèrent avec Étienne Laurencin, qui promit de livrer ces denrées à 2 lieues de Tournus sur la Saône7.

[1479]. Un mois après, Claude Costaing, écuyer, demanda

1 Voir BB 16, fol. 83.

? Voir la délibération du 19 mai (BB 16, fol. 85). Berthet fut choisi ce jour-là, mais le 24 mai (BB 16, fol. 85 vo), on déclara que malgré la plus grande diligence on ne pouvait trouver plus de 1000 francs. Berthet n'avait levé que 300 livres. 3 Voir la délibération du 4 juin (BB 16, fol. 89 v°).

4 Voir la délibération du 27 septembre (BB 16, fol. 107 vo-108). V. aussi CC 98 (perception du côté empire) et CC 99 (perception du côté royaume). — Cette taille fut de 3 deniers. La lettre de Louis XI aux Lyonnais, relative à cette affaire, est datée du 8 septembre (Selommes) et a été publiée par M. Vaesen. t. VII de son édition des Lettres de Louis XI, pp. 155-157, ainsi que la délibération du 27 septembre, p. 156, n. 1.

5 Voir la délibération du 14 octobre (BB. 16, fol. 114). 6 Voir la délibération du 9 mars (BB 16, fol. 187).

devaient être livrées en grains ou en farines.

Ces 200 ânées de froment Il devait les prendre ailleurs qu'en

Bourgogne et seulement dans le royaume. Il aurait 10 livres pour sa peine et 120 pour l'achat de ces denrées (dont 50 au départ et le reste au retour).

7 Voir la délibération du 25 avril (BB 16, fol. 144).

UNIV. DE LYON.

CAILLET

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