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rait d'obtenir un délai. L'envoi d'une ambassade était devenu le procédé classique des bourgeois pour gagner du temps'.

Le 19 août, les délégués de la ville n'étaient pas encore désignés. Devant ce mauvais vouloir, les agents du roi firent ajourner le 19 août les consuls par devant la cour des élus pour aller prendre la commission de la taille. Ce fut le procureur qui fut chargé de cette corvée on lui prescrivit de mettre en avant «< toutes les excusacions qu'il pourrait dire » pour refuser de prendre la commission; et s'il était forcé de la prendre3, il devait protester contre le chiffre élevé de l'impôt au nom des conseillers, et déclarer enfin que les conseillers n'avaient «< aucunement puissance de mectre denier sus sans la voulenté et consentement des maistres des mestiers ».

En même temps, les consuls chargeaient Humbert de Varey d'aller à Albe-Rive s'entendre avec Monseigneur de Gaucourt qui devait bientôt voir le roi pour obtenir une notable diminution d'impôts .

La quote-part de la ville montait à 4.800 francs. Si Monseigneur de Gaucourt réussissait, on lui ferait « un devoir de 100 francs ». La combinaison n'eut sans doute pas de succès, car le 29 août, on chargea Humbert d'aller lui-même trouver le roi pour le même objet. Le 14 septembre, on confirma cette décision 5.

Entre temps, Étienne Boynet était revenu à Lyon pour encaisser les 600 francs que la ville devait lui verser à la Saint Barthélemy pour le connétable; on lui avait promis 30 livres pour obtenir un premier délai; on lui en promit 70 pour en obtenir un second jusqu'à la fête de Pâques. Il accepta le 9 septembre, mais se fit payer surle-champ les 30 premières livres. On était ainsi tranquille de ce côté jusqu'à l'année suivante".

Pendant les trois mois suivants il n'est plus question ni de l'équivalent des gabelles, ni des ambassades envoyées auprès du roi. C'est seulement le 7 février 1436 qu'une assemblée prescrivit la levée d'une taille « de maille pour livre » afin de payer les 1.900 francs représentant les deux premiers termes de cette aide. Jean Dodieu et certains conseillers demandèrent la levée d' denier; ils motivèrent leur opinion par ce fait qu'Aynart de Villenove

1 Délibération du 24 juillet. BB 3 fol. 42 vo. V. Pièces justificatives no CLII. 2BB 3 fol. 43 v°. Pièces justificatives no CLIV.

3 et 4 Voir ce texte aux Pièces justificatives ibidem.

5 BB 3 fol. 45. V. Pièces justificatives no CLVIII.

BB 3 fol. 44 v. V. Pièces justificatives no CLVII.

UNIV. DE LYON.

CAILLET

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et Jean de Chaponay étaient revenus de la cour et avaient rapporté qu'aucune diminution ne serait accordée pour les premiers termes; que tout au plus, lors de la prochaine réunion des États à Poitiers diminuerait-on un peu les autres 1. Enfin, il fallait songer aux dettes de la ville et aux 600 francs du connétable. Mais aucune décision ne fut prise pour leur donner satisfaction.

États de Poitiers (février 1436). Le même jour on nomma les députés qui devaient représenter la ville aux États de Languedoil, convoqués à Poitiers pour le 10 février3.

Le choix de l'assemblée porta sur Estienne de Villenove et Estienne Guerrier. On leur adjoignit deux représentants des marchands: Jean et Jules Baronnat qui devaient prendre la défense de leur corporation au cas où on proposerait de nouveaux impôts.

Le 12, les conseillers résolurent d'aller trouver Pierre Alant et Jacques de Canlers, commissaires royaux, pour transiger avec eux au sujet des 1.900 francs qu'ils réclamaient pour les deux premiers termes de l'équivalent des gabelles. Nous ne savons quel accueil ils reçurentă.

Quelques jours plus tard, le 20 mars, Estienne de Villenove et Guerrier revinrent de Poitiers et firent leur rapport. Ces États votèrent, on le sait, une taille de 200.000 francs, et ce qui est bien plus important, le rétablissement définitif des aides que les États de l'année précédente avaient rétablis pour quatre ans seulement. C'est du moins ce que la royauté soutint dans la suite. Mais il semble qu'il y ait eu une équivoque", car si l'on consulte le rapport

1 BB 3 fol. 52 v0. V. Pièces justificatives n° CLXIV. Note: La Maille était une petite pièce de monnaie qui valait la moitié du denier. (Ce mot vient de l'adjectif Metallia qui donne medaille, meaille, maaille, maille, fait sur le substantif Metalla.) 2 Voir Pièces justificatives, no CLXIV.

3 Sur ces États, v. A. Thomas dans 1° le Cabinet historique de 1878, pp. 207-208 et 20 dans la Revue Historique, t. XL, pp. 84-89. La lettre de convocation a été publiée par A. Thomas Cabinet historique de 1878, p. 221.

Pour l'élection des représentants de la ville, le 7 février, v. Pièces justificatives, no CLXIV.

5 BB 3, fol. 53 v. Pièces justificatives, n° CLXV.

6 Voir ce que dit à ce sujet M. Thomas aux dernières pages citées, surtout page 87 du t. XL de la Revue historique : « il est évident », dit-il, « pour qui étudie les faits avec un peu de clairvoyance, que dans la pensée des gouvernés, sinon dans celle des gouvernants, le rétablissement des aides dans le Languedoïl n'était qu'une mesure provisoire. C'est avec ce caractère qu'elle dut être présentée aux États de Poitiers et c'est probablement sous cette réserve que les députés de Languedoïl consentirent à la voter ».

des députés lyonnais, on voit que dans leur esprit les aides devaient être rétablis pour un an seulement les gabelles, disaient-ils, ont été « octóyées à courir dez le premier jour de ce present mois jusque a la Saint Remis prouchain venent, et de qui a ung an ». Les députés furent certainement trompés par quelque chose1.

Quant à l'équivalent des aides votés l'année précédente, le roi ne voulut rien entendre. Les Lyonnais furent contraints de payer les quatre termes (le dernier expirait à la Saint-Jean). Ils durent de plus contribuer à la taille de 200.000 francs votée également par les Etats de Poitiers. Le roi ne fit à la ville qu'une remise de 400 écus; malheureusement il est impossible de dire à quel propos, car la fin du registre mentionnant ces faits a disparu.

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États d'Orléans (octobre-novembre 1439). Nous ne savons pas davantage quelles sommes furent demandées aux Lyonnais pendant les huit années suivantes, par suite d'une lacune considérable dans la série des registres du consulat, lacune qui correspond aux années 1436 (18 mars)-1444'.

Cette perte est d'autant plus à déplorer que les États de Languedoil disparurent pendant cette période, et qu'il eût été intéressant de savoir comment cette disparition fut accueillie par les Lyonnais. Pour combler un peu cette lacune, il nous faut faire appel à l'histoire générale. La situation du roi se consolidait chaque jour davantage depuis ces dernières années. Les victoires de Jeanne d'Arc, son sacre à Reims lui avaient rendu son prestige. Se sentant plus fort, il crut qu'il pourrait se passer désormais du concours des États, du moins des États de Languedoil. En 1437 et en 1438, il leva de sa propre autorité des tailles de 200.000 francs. La dernière réunion des États de Languedoil se tint l'année suivante à Orléans (octobre et novembre 14393). Ces États qui votèrent un aide

1 En 1436 (19 et 20 mai) eut lieu une courte révolte populaire qui substitua au Consulat 10 élus du peuple. Cette émeute promptement réprimée par le roi à son passage à Lyon avait pour cause la perception des aides qui furent rétablis dans tout le royaume en 1436. Cet épisode a été étudié par Vital de Valous (Lyon-Revue, décembre 1882), d'après les chroniqueurs et le syndicat de 1436 (BB 467).

2 et 3 Voir les considérations de M. Thomas, pp. 208-209 du Cabinet historique de 1878. M. Cosneau a écrit à ce sujet des pages excellentes dans son Histoire du Connétable de Richemont. On peut dans une certaine mesure, grâce aux registres de la comptabilité combler la lacune des registres consulaires. Ainsi dans le volume CC 68, on voit que le roi fit lever sur le Lyonnais en mai 1439 un aide de 8.000 livres par Pierre Perenes. C'est ce que nous apprend une quittance de Pierre

de 100.000 francs n'ont pas établi l'impôt permanent. Ils n'ont pas commis pareil suicide. Ce qui explique l'erreur de plusieurs historiens qui ont cru le contraire, c'est que cette session fut la dernière. Mais, ainsi que M. Thomas l'a fait remarquer, ces États avaient si peu établi la permanence de l'impôt que le roi crut bon de convoquer à Bourges, pour le 15 février 1440, une seconde assemblée d'États pour obtenir de nouveaux subsides. C'est la Praguerie qui fit obstacle à la réunion des États 3.

Conclusion. Le roi prit donc peu à peu l'habitude de lever des tailles dans les pays de Languedoil sans consulter les habitants; mais au fond, il n'y eut pas grand chose de changé; les députés n'avaient jamais fait qu'enregistrer les demandes du roi; ils avaient toujours voté les subsides demandés; et même, lorsque pour une raison ou pour une autre, une ville n'avait pas envoyé de délégué, elle avait dù payer l'impôt tout comme ceux qui l'avaient consenti. Lyon en est un exemple frappant. Il suffit de se rappeler ce qui se passa lors de l'assemblée des États d'Issoudun. Ces villes devaient en outre payer à leurs députés des sommes assez considérables pour leurs frais de route et pour leur salaire. Ces dépenses qui s'ajoutaient à celles nécessitées par l'impôt étaient pour elles le plus clair résultat de ces réunions périodiques. On conçoit que les États aient été moins regrettés qu'on ne le pense généralement, et sans doute, si nous avions conservé les registres du Consulat lyonnais de 1436 à {{4, constaterions-nous que les consuls ne se sont pas beaucoup plaints de cette suppression qui constituait au fond pour eux une économie. Enfin, un des grands défauts de la politique financière de Charles VII à cette époque, c'est l'absence de régularité. Les impôts demandés étaient très variables; tantôt il s'agissait d'une somme modeste, tantôt d'une somme considérable.

Perenes délivrée le 16 mai 1339 (fol. 16-) et attestant qu'il a déjà reçu des Lyonnais 1.500 livres tournois. V. Pièces justificatives, no CLXXX,

CHAPITRE III

LES IMPOTS EXTRAORDINAIRES A LYON
A L'ÉPOQUE DES ÉTATS DE LANGUEDOIL

Il ne faudrait pas croire d'ailleurs que si les États de Languedoil ont eu pour principal rôle de voter les tailles demandées par Charles VII, celui-ci se soit fait scrupule dans les moments d'urgente nécessité, même au temps des États, de réclamer aux différentes villes individuellement ou aux pays de Languedoil collectivement, les sommes dont il avait besoin. Ce serait une grave erreur. Si nous suivons l'ordre chronologique, six fois, de 1422 à 1440, les Lyonnais eurent à payer des sommes qui n'avaient pas été consenties par les ' États. En 1427, pour la rançon du connétable d'Écosse, Darnley; en 1429, pour le ravitaillement d'Orléans assiégé par les Anglais; en 1432, pour la rançon de La Hire; en 1436, pour les fortifications des places fortes situées sur la frontière franco-anglaise (en Normandie); en 1459 pour deux aides extraordinaires motivés par la

guerre.

[1426] Autant de précédents qui, après 1440, justifieront aux yeux de la royauté affermie, l'habitude de lever l'impôt sans le consentement des États. Nous allons passer en revue, en suivant l'ordre chronologique, ces diverses demandes de subsides.

Rançon du connétable d'Écosse. Le comte de Darnley, connétable d'Écosse, combattait avec ses troupes pour Charles VII, à Cravant-sur-Yonne, contre les Anglo-Bourguignons. Il fut fait prisonnier et conduit en Bourgogne où il fut détenu un certain temps1.

John Stuart de Derneley, commandait l'armée franco-écossaise qui fut écrasée à Cravant-sur-Yonne. (V. de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 58), et Louis Bazin, la Bourgogne, de la mort du duc Philippe le Hardi au traité d'Arras, 1404-1435 (p. 112-116).

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