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INTRODUCTION'

Établissement de la Commune.

A l'avènement de Charles VII,

Lyon faisait depuis plus d'un siècle partie du royaume de France auquel il avait été annexé sous le règne de Philippe le Bel2. Notre ville était dès 1336 (date de l'établissement définitif de la Commune) partagée entre trois pouvoirs celui de l'Archevêque et du Chapitre, celui du Roi et celui des Bourgeois. Ces trois pouvoirs qui coexistaient alors et exerçaient une influence très inégale étaient apparus successivement.

Le plus ancien était celui de l'Archevêque et du Chapitre qui possédèrent longtemps le pouvoir temporel sous la suzeraineté nominale de l'Empire. En 1269, à la suite de la démission de l'archevêque, Philippe de Savoie, les bourgeois se révoltèrent contre le chapitre, ce qui amena une première intervention de Saint

Nous tenons à rappeler, au début de cette étude, que nous n'envisageons que l'histoire des rapports de la Commune de Lyon avec la Royauté, et que nous ne nous occupons pas de l'Église, ce qui serait nécessaire si notre travail avait pour objet la ville de Lyon, en général. Sur la situation de l'Église, voir le récent volume de M. l'abbé Vanel, dont le t. I a paru cette année.

2 Ce paragraphe est un résumé de travaux antérieurs que nous tenons à énumérer ici. Nous avons utilisé ceux: 1o de Pierre Bonnassieux, De la réunion de Lyon à la France, Paris, 1873, in-8°; 2o de A. Giry, l'Histoire municipale de Lyon (feuilleton de La République française, numéro du 3 août 1877), étude très importante parue à l'occasion de la publication par M. C. Guigue, du Cartulaire municipal d'Étienne de Villeneuve; 3o de M. Sébastien Charléty, Histoire de Lyon, Lyon, 1903, in-8o, p. 44-58. Nous tenons ici à remercier M. Charléty, l'ancien professeur d'Histoire de Lyon, de l'Université, des conseils qu'il nous a donnés et de l'intérêt avec lequel il a examiné notre travail. Qu'il nous permette de lui exprimer nos sentiments de sincère gratitude. Un résumé excellent se trouve aussi dans l'Histoire de M. Bleton: Petite histoire populaire de Lyon, Lyon, 1899, in-8o, 2o édit., qui contient des listes de dignitaires ecclésiastiques et de fonctionnaires, très utiles à consulter.

Louis, dont les officiers mirent la main sur la justice1. Une trève conclue en 1271 mit fin à la guerre sanglante qui ravageait les terres de l'Église de Lyon : cinquante bourgeois signèrent le traité comme caution2. Deux ans après, le roi rendit la justice à l'archevêque seul. Le Chapitre, qui jusqu'alors en avait possédé une partie, n'accepta pas cette décision. Il en résulta une guerre qui amena une nouvelle intervention du roi de France appelé à leur secours par les Lyonnais en 1293. Une alliance de l'archevêque avec le comte de Savoie n'arrêta pas les progrès du roi de France qui s'empara momentanément des forteresses de l'Église de Lyon.

En 1295, Philippe le Bel installa un gardiateur chargé de défendre les Lyonnais et de protéger les droits du roi cette situation fut reconnue officiellement en 1307 par l'archevêque qui signa les conventions, dites Philippines.

Trois ans après, Pierre de Savoie ayant refusé de prêter serment de fidélité au roi de France, Louis de Navarre, fils aîné de Philippe le Bel, envahit le Lyonnais et fit l'archevêque prisonnier, mais le 10 avril 1312, un accord fut signé à Vienne par les délégués du Chapitre, des rois et des bourgeois : ce traité enlevait la justice à l'archevêque pour la faire passer entre les mains des officiers royaux; il ne conserva de droit de juridiction que sur Pierre-Scize et le palais archiepiscopal; on lui reconnaissait toutefois le droit de battre monnaie et on lui laissait le banvin d'août3. Quant au Chapitre, il reçut une rente de 750 livres viennois en échange de ses droits de

4 Voir un résumé très bien fait et très rapide de ces événements dans l'Histoire de Lyon, de M. Charléty, p. 46-47. Ces chanoines s'étaient réfugiés sur la colline de Fourvière, en dehors de la ville, dans le territoire du Chapitre de Saint-Just, qui était entouré a d'un fossé et d'une muraille de vingt-deux tours ». Les troupes des Chanoines prirent plusieurs fois le fort du Gourguillon où se trouvaient les soldats des bourgeois. En 1271, les Lyonnais, irrités de n'avoir pu pénétrer dans le cloitre. ravagèrent les terres de l'Église ; ils pillèrent Couzon, Cuire et Genay et incendiérent l'église d'Écully, où s'étaient réfugiés les soldats du Chapitre. Leur cri de guerre était Lyon le Melhor.

Certains historiens ont conclu à tort, de ce fait, qu'il y avait à Lyon un Conseil de cinquante membres qu'ils nomment la Cinquantaine. Justice a été faite de cette erreur, il y a longtemps, par MM. C. et Georges Guigue, Une erreur historique, note à propos des origines de la commune de Lyon» (Bibliothèque historique du Lyonnais, t. I. p. 118-128).

3 Voir Charléty Histoire de Lyon, p. 48-49. A propos du banvin d'août, on disait que l'archevêque avait dû venire le vin de ses terres au mois d'août, avant les Lyonnais, et que, plus tard, on transforma en une taxe sur la vente du vin, voir MM. C. et G. Guigue : Le Banvin de l'Archevêque de Lyon, dans la Bibliothèque historique du Lyonnais. t. I, p. 47-53.

juridiction qui furent limités au cloître de la Cathédrale. Désormais le gardiateur porta le titre de sénéchal de Lyon; sa charge était en général liée à celle de bailli de Mâcon1. Cet état de chose fut reconnu en 1312 et en 1320 par les bourgeois de Lyon. L'année 1320 vit encore un grand événement s'accomplir la reconnaissance par l'archevêque de la municipalité lyonnaise (le 21 juin) qui dès lors était composée de douze consuls, avait le droit de lever des tailles et possédait les clefs de la ville3. Enfin, en 1336, le 15 décembre, Barthélemy de Montbrison, lieutenant du sénéchal de Lyon, manda les consuls à l'Ile Barbe et reconnut formellement les droits de la Commune qui dès lors possédait les deux signes caractéristiques des institutions de ce genre, le droit d'avoir une représentation élue, et celui de posséder un sceau'.

Alliance de la Royauté et de la Bourgeoisie. On voit par ce rapide exposé quelles étaient les relations de ces trois pouvoirs et quelle part d'influence revenait à chacun d'eux. Désormais le pouvoir le plus fort fut celui du roi de France qui alla sans cesse grandissant: il consentit à laisser aux Archevêques la juridiction de première instance, mais on put appeler de toutes leurs sentences

De bonne heure, les intérêts temporels du Chapitre primitivement confondus avec ceux de l'Archevêque, comme dans toutes les cités épiscopales, en étaient devenus distincts. Le Chapitre avait ses officiers, ses soldats, sa justice temporelle et, plus d'une fois, de longs conflits éclatèrent entre ces deux autorités que, de notre temps, nous voyons si unies et si paisibles.

Voir Charléty, Histoire de Lyon, p. 49-50.

3 Jusqu'en 1320, le nombre des conseillers ou syndics a été très variable leur nombre oscilla entre deux et quinze. Parfois, il y en eut trois ; d'autres fois dix. Il n'y a pas de règle bien fixe à cet égard (V. ibid., p. 50).

+ Comme le bailli résidait alors à Mâcon, il avait un lieutenant qui le représentait auprès des Lyonnais et ce lieutenant siégeait alors à l'Ile-Barbe. Toutefois, ce n'est pas à l'Ile-Barbe qu'au quinzième siècle résidaient ordinairement les officiers royaux. Ils se tenaient à la maison de Roanne le Palais de Justice actuel dont elle occupait une partie de l'emplacement). Cette maison, entourée de jardins, tirait son nom, non des anciens comtes de Roanne ou du Forez, descendants des comtes du Lyonnais, auxquels les archevêques s'étaient substitués comme comtes de Lyon, mais d'un ancien possesseur qui s'appelait de « Roanne », probablement parce qu'il était originaire de cette ville. V. à ce sujet C. Guigue: l'Hôtel et la prison de Roanne. le prieuré de Saint-Alban et le Palais de Justice actuel, notice historique, Lyon, 1880. in-8°. Quand dans notre étude, nous parlons de « Roanne », c'est à cette maison que nous faisons allusion.

:

Nota. - Il y a eu des Communes de types très variés certaines étaient des sortes de Républiques (ainsi Marseille). Mais il fallait au moins qu'elles possédassent ces deux privilèges que n'eurent jamais de nombreuses villes de bourgeoisie.

devant le tribunal royal1. Quant au Consulat, il le protégea, mais surtout le surveilla et limita ses attributions. Comme la royauté s'était appuyée sur la bourgeoisie pour conquérir Lyon, une alliance intime exista longtemps entre les officiers royaux et les consuls, représentants des bourgeois. L'hostilité de ces derniers pour les archevêques et surtout le Chapitre, qui se conciliait très bien avec leurs sentiments religieux, avait des causes trop lointaines pour que nous puissions nous en étonner. Elle s'explique assez par les conflits d'ordre temporel qui divisaient l'Église et les bourgeois pour qu'il soit superflu d'insister2.

Au xve siècle, cette bonne harmonie subsiste encore, car elle a des causes très profondes. La ville était habitée par de modestes boutiquiers dont le roi n'avait rien à craindre, tandis qu'il pouvait redouter un retour offensif des archevêques, maîtres d'une grande partie du Lyonnais, dont il se partageait la possession avec un certain nombre de familles nobles.

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En outre,

Situation géographique et politique de Lyon. Lyon était placé sur la frontière du royaume et des pays d'Empire. (Dans les documents lyonnais du temps, par un reste d'habitude, n'appelait-on pas côté royaume la rive droite de la Saône, et côté empire la rive gauche).

La Savoie, dont le Comte, était un vassal de l'Empereur, possédait la Bresse et une partie de la Dombes ses états se commençaient aux portes de Lyon et englobaient tout le territoire correspondant aux villages actuels de Saint-Clair, de Miribel et de Montluel 3.

Du côté du royaume, Lyon était à proximité d'états féodaux puissants et hostiles, la Bourgogne, notamment, dont les ducs alliés aux Anglais conçurent plus d'une fois le projet de s'emparer de

1 Charléty, Histoire de Lyon, p. 49. C'est en 1320 que le roi rendit la justice aux Archevêques de Lyon, au premier degré sculement. Il la leur enleva en 1562. V. à ce sujet Fayard, Essai sur l'établissement de la justice royale à Lyon, ParisLyon, 1866, in-8°.

2 Pour se rendre compte à quel point le sentiment religieux était vivace et à quel point il pénétrait la vie publique de notre cité, v. C. et G. Guigue, « la Fête des Merveilles » Bibliothèque historique du Lyonnais, t. I, p. 153-209.

3 Pendant longtemps Saint-Clair s'est appelé faubourg de Bresse. C'est à Montluel, qu'en 1416 l'empereur Sigismond transforma le comté de Savoie en duché.

cette ville1. De là, le grand intérêt que le roi de France avait à ménager les Lyonnais et aussi à les surveiller, car leur cité était une des grandes clefs du royaume, suivant une expression du temps, et la prise de cette cité par la Bourgogne ou l'Empire eût été un événement d'une portée incalculable.

Cette raison d'ordre politique n'était d'ailleurs pas la seule que le roi de France avait de ménager cette ville. Le royaume était aux prises avec des difficultés redoutables par suite de la guerre de Cent Ans, et ses ressources étaient tellement limitées que Charles VII dut en quelques années altérer quarante et une fois les monnaies royales2. Pendant longtemps, il fut tenu à l'écart de la capitale par les Anglais qui l'appelaient avec dérision le roi de Bourges. Lyon était de toutes les grandes villes du royaume la seule qui fût éloignée du théâtre principal des opérations militaires, la seule aussi dont la prospérité fit contraste avec les malheurs du reste de la France3.

Sans doute, au début du xve siècle, les bourgeois de Lyon étaient encore d'humbles marchands et de petits propriétaires fonciers. Leurs maisons et leurs champs s'étendaient dans la presqu'île formée par le Rhône et la Saône auprès de la colline actuelle de la Croix-Rousse, en amont de la puissante abbaye d'Ainay qui possédait des vignes jusqu'aux Jacobins. Au nord, leurs biens étaient limités par les fossés de la Lanterne et le bourg de SaintVincent était en dehors de la ville. En outre, presque toute la partie correspondant aux quartiers actuels du Lycée et de l'Hôpital était en

Au sujet de la situation de Lyon au point de vue géographique et politique au début du xve siècle, nous nous permettons de renvoyer le lecteur à l'étude de M. Auguste Longnon: «<les Limites de la France : Étendue de la domination anglaise à l'époque de la mission de Jeanne d'Arc » (Revue des questions historiques, t. XVIII, année 1875, p. 444-547, surtout p. 539-541 et 494-497). Les terres du duché de Bourbon n'étaient pas très loin non plus, et très souvent il y eut alliance entre les maisons de Bourbon et de Bourgogne.

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2 Voir le savant mémoire de Natalis de Wailly, « Mémoire sur les variations de la livre tournois » (Mémoires de l'Académie des Inscriptions).

3 Cela n'empêchait d'ailleurs pas que la campagne lyonnaise fût à mainte reprise ravagee par des bandes de routiers et de pillards. Voir à ce sujet le travail de Canat de Chizy, cité dans notre Bibliographie. Sur les altérations de la monnaie, nous tenons à signaler le récent et remarquable travail de M. Babelon, l'éminent numismate : << De la Théorie féodale de la Monnaie. » (Extr. des Mémoires de l'Académie des Inscriptions), Paris, 1908, in-4, dont nous avons rédigé un compte rendu pour le numéro de la Gazette de Numismatique, - en ce moment sous presse et dont M. Dieudonné prépare un compte rendu très développé pour la Revue de Numismatique.

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