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« sera conservé et la ville châtiée si elle s'oublie en << quelque chose. Je mettrai peine au reste de tenir « Votre Majesté avertie de ce qui se passe, la suppliant << très humblement de ne m'imputer à faute de vigilance « si elle ne l'est plus souvent, étant toutes nos dépêches prises et volées sur les chemins: ce qui me contraint « d'écrire en la sorte.

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<< Je supplierai le Créateur, etc.

« A Saint-Malo le 31 mars 1589. »>

Enfin sur la défiance que les susdits douze principaux d'entre nous autres avaient conçue dudit seigneur de Fontaines, notre assemblée députa, le 9 mars de cettedite année, Guillaume Jonché, sieur du Fougerai, Jean Pepin, sieur de La Blinais, et Alain Maingard, sieur de La Planchette, pour faire le rôle des forains qui de toutes parts et de toutes conditions se réfugiaient en cette ville, pour en faire sortir ceux qui nous seraient suspects.

Ledit seigneur de Fontaines fit semblant de trouver bon ladite assemblée.

Le 29 mars 1589, notre assemblée générale élut quatre capitaines-généraux d'entre nous autres pour faire en cette ville une garde extraordinaire, avec pouvoir de commander aux quatorze capitaines particuliers, et de mettre des corps-de-garde en tous endroits qu'ils jugeraient à propos. Ces quatre capitaines furent Guillaume Jonché, sieur du Fougerai, Jean Pepin, sieur de La Blinais, Guillaume Le Fert, sieur de Gras-Lavon, et Michel Frotet, sieur de La Bardelière, lesquels prêtèrent serment entre les maius du seigneur de Fontaines. Le même jour, Jean Léveillé, sieur des Vaux, et

Julien Gravé, sieur de la Pied-de-Vacherie, refusèrent l'obéissance; au lieu et en conséquence de quoi deux autres furent élus dans leur place. Le 7 avril suivant, notre même assemblée générale, où présida le sieur de La Péraudière, établit un conseil avec un pouvoir de conclure de tout ce qu'ils trouveraient à propos pour la sûreté de cette ville: aux conditions suivantes que ce qu'ils conclûraient serait de pareille force et valeur que s'il avait été conclu par notre assemblée générale, que douze d'entre eux auraient la faculté de conclure en l'absence des autres; que dès le lundi suivant ils commenceraient leurs assemblées; qu'avec eux pourraient assister deux de MM. nos chanoines ainsi dans nos assemblées générales, etc.

et

que

Or, ce conseil s'assembla pour la première fois le lundi 17 avril 1589. Il députa nos quatre capitainesgénéraux pour choisir six des plus gros canons qui se trouveraient dans les navires qui étaient près d'aller tant en Espagne qu'à Terre-Neuve, pour les faire placer au lieu qu'ils verraient convenable pour la sûreté de cette ville, avec les balles nécessaires et pouvoir d'en accorder le prix avec les propriétaires.

Le 24 suivant, ledit conseil ordonna que nos remparts seraient munis de canons et que notre miseur des quais et chaussées acheterait des matériaux pour en faire de neufs.

Le premier jour de mai ensuite, il députa M. Bergeot, chanoine, avec les sieurs de La Barre et Limonais, pour faire observer les défenses que ledit conseil venait de faire à plusieurs forains de demeurer en cette ville, et de nous aider à les faire sortir. Et ledit conseil continua, à ce sujet, ses procédures contre les forains le 8 dudit mois : il défendit à tous les habitans de leur

louer aucunes maisons ni chambres. Il députa même des commissaires pour faire publier aux paroisses, nos voisines, qu'aucun n'eût à s'approcher de nos portes avec des charrettes chargées de bois, de foin ou de paille, qu'elles n'eussent été auparavant visitées par les capitaines qui seraient en garde.

Le 13 dudit mois, ils avaient ordonné que de tous les navires prêts à sortir, tant pour Terre-Neuve qu'autres lieux, il serait retenu cent hommes aux gages de cette ville pour sa conservation, jusqu'au 1er octobre suivant. Ce qui fut exécuté ponctuellement, de sorte que ces cent hommes furent chez plusieurs de nous autres pour les nourrir et loger. Quelques-uns en eurent jusqu'à chacun six sans jamais en faire aucune plainte. Bref, ledit conseil fit par divers jours plusieurs autres surprises.

Notre gouverneur n'y formait aucune opposition, quoique il s'aperçût très bien qu'elles choquaient son autorité; mais il n'en disait mot, dans l'espérance que ce serait un jour autant de preuves de notre rébellion prétendue, et demeurait toujours dans son château duquel il nous envoyait tous les jours le sieur de La Péraudière nous protester qu'il voulait vivre et mourir

avec nous.

Sur les belles promesses que nous faisait M. de Fontaines, comme je viens de le dire, notre conseil, pour lui témoigner le bon sentiment que nous en avions, ordonna, le 5 juin suivant, qu'il lui serait fait un présent de notre part de 2,000 écus, et de 100 écus au sieur de La Péraudière, son lieutenant, lesquelles sommes furent prêtées par cinquante de nos concitoyens, et dont ils furent remboursés sur nos deniers communs, ainsi que de 100 autres écus dont nous fimes aussi

présent au sieur de Château, frère naturel de madame de Fontaines. Le 12 suivant, ces présens leur furent offerts.

Le 26 juin, le sieur de La Péraudière apporta au conseil une défense de M. de Fontaines aux habitans de sortir la ville en armes : elle était datée du 19.

Un jour du mois de mars 1575, le seigneur de Châteauneuf, notre voisin de deux lieues, s'étant départi du duc d'Alençon ligué contre le roi Henri III, pensa surprendre M. de Bouillé dans son château sous prétexte d'y venir dîner avec ce bon gouverneur qui était avant M. de Fontaines, dont nous devons honorer la mémoire; mais, comme il entrait à cette fin dans un bateau, quelqu'un l'avertit que son dessein était découvert. Il s'en retourna sur ses pas, accompagné de quelques gentilshommes, ses complices, et alla joindre quelques gens, tant de pied que de cheval, qui le devaient seconder en cette entreprise, et les mena promptement à Dol qui n'avait point encore de murailles, et leur fit enlever les chevaux de la compagnie des gendarmes dudit seigneur de Bouillé qui s'y rafraîchissaient, sans se défier aucunemeut de cette trahison, sous la conduite du seigneur de La Marzellière, lieutenant d'un enseigne surnommé Gâtemort. En vertu de cette découverte, qui nous fit dès lors éviter notre ruine totale, nous rendîmes grâce à Dieu par une procession génerale.

Au mois de juin 1589, le même seigueur de Châteauneuf se déclara du parti du Roi et se retira dans le château de Brest dont il était gouverneur, et laissa dans son château le sieur de Milly, gentilhomme normand, pour y commander.

Le 4 juillet de ladite année, notre conseil députa le sieur de Limonais, notre procureur-syndic, vers M. de

Fontaines, pour le prier d'écrire au sieur de Milly qu'il eût à s'abstenir de troubler notre commerce tant par terre que par la rivière de Rance. Le 10 dudit mois on députa encore pour cet effet vers notredit gouverneur, et derechef, le 5 août suivant, tant pour ce sujet que pour le prier de ne point permettre au sieur de Beaufort de se retirer en cette ville où il avait pris un logis à ferme. Enfin, le 9 novembre suivant, le seigneur de Fontaines écrivit au sieur de Milly pour le détourner du dessein qu'il avait de rompre le Pont-Blanc; et c'est où se ferait la rupture de notre commerce avec la Normandie.

Quelque temps après, le capitaine Milly prêta serment entre les mains de M. le duc de Mercœur. En conséquence de quoi, le premier jour de novembre, notre conseil, du consentement de notre gouverneur, députa Jean Le Large, sieur de La Barre, Jean Pépin, sieur de La Blinais, et Guillaume Jonché, sieur des Croix (1), vers ledit duc, lequel nous promit de nous protéger contre les garnisons de ces places. Il mit cependant dans ledit Châteauneuf un nommé le capitaine Lamoureux, sous lequel la garnison dudit lieu prit vingt charges de toile, qui venaient de Vitré en cette ville, et dont s'ensuivit la mort du sieur de La MotteNordais.

Le soir du 14 août 1589, M. de Fontaines, après avoir soupé, monta sur la tour de Quinquengrogue avec quelques-uns des siens, et, apercevant une multitude d'enfans dans la place Saint-Thomas, il leur cria qu'ils allassent par toutes les rues crier : Vive le roi de France et de Navarre! Ce qu'ils firent à haute voix,

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(1) Il est qualifié plus haut sieur du Fougerai. (L. D. B.)

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