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<«< tantôt sur le ventre, tantôt sur le dos 65, il s'agite et «se tourmente.

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Quoi! il ne pourra dormir sans une querelle 66 ?—Non : pour quelques-uns, c'est un pré« lude nécessaire au sommeil. Ne crois pas que, malgré «< sa jeunesse et le vin qui fermente dans son estomac, il << s'adresse à celui qu'un manteau de pourpre, une escorte << nombreuse, et la lumière de vingt flambeaux 67 l'aver« tissent d'éviter. C'est à moi qu'il en veut, à moi qui, « pour m'éclairer, n'ai, le plus souvent, que la lune ou <«< la lueur douteuse d'une lampe dont j'économise la « mèche. Veux-tu savoir comment s'engage la querelle? <«< si je puis nommer querelle une rencontre où je reçois, <«< sans me défendre, les coups de ce brutal. D'abord il « se plante devant moi. Arrête, s'écrie-t-il. Que faire? <«< il faut obéir quand la fureur et la force commandent. ((— D'où viens-tu? où t'es-tu farci de fèves et de vinaigre? quel cordonnier daigna partager avec toi ses poireaux et sa tête de mouton bouillie? Tu ne dis rien? parle, sinon d'un coup de pied.... Où loges-tu? dans quel bouge 68 ? -Soit que je médite ma ré«<ponse ou ma retraite, il n'en frappe pas moins, et l'en

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ragé court encore m'intenter un procès. Battu, meurtri,

je le presse et le conjure de me laisser du moins partir « avec quelques dents. Voilà cette liberté tant vantée dont <<< le pauvre, dit-on, jouit en cette ville.

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QUE d'autres risques à courir! on guette votre dépouille, dès que chacun a fermé sa maison, barricadé <«< sa boutique, et qu'un profond silence règne dans la << ville au milieu des ténèbres. Alors un essaim de voleurs,

Armato quoties tutæ custode tenentur

Et Pomptina palus, et Gallinaria pinus:

Sic inde huc omnes, tanquam ad vivaria, currunt.
Qua fornace graves, qua non incude catena?

Maximus in vinclis ferri modus, ut timeas ne

Vomer deficiat, ne marræ et sarcula desint.
Felices proavorum atavos, felicia dicas

Sæcula, quæ quondam sub regibus atque tribunis
Viderunt uno contentam carcere Romam !

His alias poteram et plures subnectere caussas :
Sed jumenta vocant, et sol inclinat; eundum est :
Nam mihi commota jam dudum mulio virga
Adnuit. Ergo vale nostri memor; et, quoties te
Roma tuo refici properantem reddet Aquino,
Me quoque ad Helvinam Cererem vestramque Dianam
Convelle a Cumis satirarum ego, ni pudet illas,
Adjutor gelidos veniam caligatus in agros.

« évitant nos gardes qui les cherchent dans la forêt Gal<«< linaire et le long des marais Pontins, se replient sur «< Rome, où ils accourent comme au pillage. Cependant « aujourd'hui quelles enclumes, quels fourneaux ne sont « pas employés à forger des chaînes ? tant de fer est «< consacré à cet usage, qu'on peut craindre de voir man«< quer la bèche et le soc. Qui ne regretterait pas les « siècles fortunés des aïeux de nos ancêtres, en songeant << qu'une seule prison suffit à Rome 69 gouvernée par des << rois et des tribuns?

« Je pourrais, par bien d'autres motifs, justifier mon <«< départ; mais le soleil baisse, mes mules s'impatientent, <«< il faut nous séparer : déjà, à plusieurs reprises, le «muletier, en agitant son fouet, a donné le signal du départ 70. Adieu donc, souviens-toi d'Umbritius; et, lorsque tu viendras dans Aquinum 71 respirer l'air natal, fais-le savoir à ton ami, afin qu'il sacrifie avec << toi à ta Cérès et à ta Diane. Au moindre avis, je pars <«<de Cumes, et, volant dans tes froides campagnes, j'irai «< t'aider à combattre, si tu m'en juges digne, les vices << de notre siècle. »

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NOTES

SUR LA SATIRE III.

I.

ARGUMENT. Umbritius déclare à Juvénal qu'il abandonne le séjour de Rome, parce que les talens et la probité n'y sont plus de saison parce que la ville est en proie aux intrigans et aux Grecs; que la pauvreté est suspecte; que le luxe triomphe; que tout est vénal, et qu'on risque à chaque instant d'être écrasé, brûlé, volé, battu, etc.

2. De se retirer à Cumes; ville peu fréquentée, v. 2. L'espoir de parvenir, l'attrait des jeux, des plaisirs de toute espèce, et tout ce que suggère la cupidité, amenait dans Rome, sous les règnes des premiers empereurs, les habitans un peu fortunés des villes voisines : c'est pourquoi Juvénal emploie si souvent les épithètes de solitaires, vides et désertes, quand il parle de Gabie, de Fidènes, d'Ulubre, etc.

Les Sibylles étaient des femmes que l'on croyait douées du don de prévenir l'avenir. Différens siècles et différens pays avaient eu leurs Sibylles. Virgile (Enéid., liv. vi) a célébré celle de Cumes.

3. Pour moi j'aimerais mieux habiter l'île même de Prochyta, v. 5. Prochyta, île de la mer Tyrrhène, dans le golfe de Naples, près de la ville Anaria, dont Pline dit qu'elle avait été séparée par un tremblement de terre. Quelques-uns écrivent Porchyta au lieu de Prochyta. Cette île s'appelle aujourd'hui Procita.

4. La chute fréquente des maisons, v. 7. Après la dernière guerre Punique, l'affluence des étrangers fut si grande à Rome, que

non-seulement on en élargit l'enceinte, mais qu'on en exhaussa les édifices. Auguste publia une ordonnance qui défendait de donner aux maisons plus de soixante-dix pieds de hauteur. On lit dans Tacite (liv. xv de ses Annales) qu'après l'incendie qui consuma les deux tiers de la ville, Néron fit plusieurs réglemens sur sa reconstruction, mais il ne marque pas à quelle élévation il avait fixé la hauteur des maisons. Trajan la réduisit à soixante pieds.

5. Près des vieux arcs de la porte Capène, v. 11. On croit que ces arcs avaient été élevés en mémoire du combat des trois Horaces. Quoi qu'il en soit, il est évident qu'ils servaient d'aquéducs: l'épithète de madidam l'indique, et ce vers de Martial le prouve :

Capenæ grandi porta qua pluit gutta.

La porte Capène était ainsi appelée, parce qu'on sortait par cette porte pour aller à une petite ville voisine, du même nom. On l'appelait, par une raison semblable, Porta Appia et Porta triomphalis: maintenant di San Sebastiano.

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6. Égérie, v. 12. Nymphe de la forêt d'Aricie, voisine de Rome, qu'Ovide (Métam., liv. xv) donne pour épouse à Numa Pompilius, mais qui, selon d'autres, n'était qu'une divinité tutélaire qu'il feignait de consulter, dans sa retraite, sur les lois qu'il proposait aux Romains. Après la mort de Numa, ceux-ci, persuadés que le pieux et sage législateur s'entretenait avec Égérie, allèrent chercher la nymphe dans sa forêt, où ils ne trouvèrent qu'une fontaine, en laquelle ils s'imaginèrent qu'elle avait été métamorphosée par la commisération de Diane, touchée des pleurs qu'elle répandait depuis la mort de Numa. Plutarque (Vie de Numa) met au rang des fables tout ce qui regarde Égérie.

7. Semblerait plus auguste, v. 18. J'ai rétabli dans le texe la leçon des anciennes éditions et des manuscrits. Dusaulx, d'après Heinsius, avait introduit præsentius, et avait traduit, 0 que la divinite qui préside à la fontaine s'y plairait davantage.... Ce changement est au moins inutile. J. P.

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