Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

au-dessous d'elles apparaît comme une menace contre leur propre position, si ce n'est contre tout l'édifice social. A notre avis, cette émotion n'était pas suffisamment justifiée; du moins était-elle fort exagérée. Nous pouvons passer rapidement sur le côté personnel du débat, quoique ce soit précisément ce côté-là qui ait fait tort au manifeste ouvrier dans des cercles où les vœux des populations travailleuses devraient rencontrer un accueil empressé; il s'agit de décider si les hommes que les travailleurs de Paris puisque ce sont eux qui, comme majorité, ont décidé du sort des dernières élections avaient récemment envoyés au Corps législatif ont répondu ou non à l'attente de leurs mandants; si les questions auxquelles ceux-ci se croient particulièrement intéressés ont été exposées et soutenues par les députés de la Seine avec toute la connaissance de cause, avec toute la fermeté de conviction et la sympathie communicative que leurs électeurs eussent voulu rencontrer chez eux. C'est une querelle d'intérieur à vider entre mandants et mandataires; la faculté de rappeler l'élu qui aurait perdu la confiance de ses électeurs n'existe pas dans notre législation; le vote de défiance que les ouvriers de Paris décernent aux hommes de leur choix, en répétant avec énergie que les travailleurs de Paris ne sont pas représentés » au Palais-Bourbon, ne saurait donc avoir aucune conséquence pratique. Raison suffisante pour ne pas nous y arrêter. Faisons observer seulement que, si les électeurs ouvriers de Paris sont libres d'être sévères vis-à-vis de leurs élus directs, lorsqu'ils estiment que ceux-ci n'ont pas entièrement répondu à leur attente, aux conditions expresses ou tacites de leur nomination, il n'était ni équitable ni habile de ne pas tenir compte à l'ensemble du Corps législatif, sans en excepter les commissaires du gouvernement, de la sollicitude qu'il a témoignée pour leurs intérêts dans la discussion de l'Adresse. Tout le monde conviendra que la majorité du Corps législatif a été beaucoup plus sympathique aux classes ouvrières que celles-ci ne s'étaient crues en droit de l'attendre; l'accueil chaleureux fait par toute la Chambre aux brillants plaidoyers de M. Jules Simon est encore dans le souvenir de tous. Les ouvriers ne peuvent pas être seuls à l'avoir oublié ; il eût été convenable et adroit de s'en souvenir dans le manifeste.

Quoi qu'il en soit, les ouvriers parisiens ne paraissent pas entièrement satisfaits de leurs derniers choix. Il leur serait loisible de mieux prendre leurs précautions à la prochaine occasion : ils pourraient choisir leurs mandataires avec plus de soin, tâcher de les initier plus profondément aux vœux et aux besoins particuliers de leurs mandants. Ils ne s'arrêtent pas à cet expédient. Serait-ce un hommage indirect qu'ils veulent ainsi rendre à leurs élus du 31 mai, en donnant à entendre qu'après avoir choisi si soigneusement leurs représentants sans avoir réussi, il ne leur reste plus d'autre ressource que de se présenter eux-mêmes, que de confier le soin d'interpréter leurs besoins et leurs réclamations à des hommes appartenant à la classe travailleuse elle-même ? Nous l'ignorons; mais nous le confessons ce désir de la grande majorité des électeurs ouvriers de Paris, de voir entrer au Corps législatif un ou deux des leurs, ne nous paraît pas si déraisonnable qu'on veut bien le dire. Pourquoi, si cette majorité comple

dans son sein des hommes capables de remplir le mandat de député, chercherait-elle en dehors d'elle le représentant qu'elle a le droit d'envoyer au Corps législatif? S'étonnera-t-on que les 100,000 ouvriers électeurs de Paris ne veuillent pas souscrire à un arrêt d'incapacité? En tant qu'ils ne prétendront pas à se faire représenter comme un corps à part dans la nation, nous ne voyons pas à quel titre on leur dénierait le droit qu'ils réclament. On ne porte pas atteinte à la dignité et à la valeur du Corps législatif en rappelant que, parmi les trois cents membres qui le composent, il y en a un grand nombre qni ne doivent pas précisément leur mandat de député à un talent ou un savoir hors ligne, mais à la confiance que leur droiture a su inspirer à leurs concitoyens, à la reconnaissance qu'on leur devait pour des services rendus aux électeurs, à la connaissance spéciale qu'on leur suppose de tels ou tels intérêts particuliers de leurs mandants. Qui contestera qu'il y a dans les ateliers de Paris bon nombre d'ouvriers qui possèdent l'un ou l'autre de ces titres, ou qui les possèdent tous peut-être, au choix de leurs camarades? On n'affaiblira pas non plus l'autorité qui se rattache aux décisions du Corps législatif comme expression unitaire de la volonté nationale, en constatant ce fait patent, qu'un grand nombre de députés, concentrant toute leur attention sur telle ou telle question spéciale, ne paraissent comme individualités qu'à propos de tel ou tel débat, tandis que, dans les questions générales et dans la plupart même des questions spéciales, il se bornent à voter sans parti pris, suivant telle ou telle inspiration, sous telle ou telle influence. Où serait le mal si ie nombre très grand déjà de ces députés qui se spécialisent, et n'interviennent activement que dans les questions qu'ils connaissent à fond, s'augmentait encore de deux ou trois membres? Est-ce que les questions de salaire, de travail dans les fabriques, de conseils de prud'hommes, de brevets d'invention, d'enseignement professionnel, et une foule de questions analogues, où des hommes du métier pourraient donner d'utiles renseignements, de bons avis et de sages conseils, n'ont pas autant d'importance générale que la question, par exemple, de la réforme douanière, sur laquelle maints députés très distingués auront concentré toute leur participation directe et individuelle aux travaux de la session courante? Encore mettons-nous, dans les considérations qui précèdent, les choses au pis; avec les adversaires des députés-ouvriers, nous supposons que ceux-ci ne sauront prendre une part utile aux délibérations du Corps législatif que dans les questions touchant directement les classes d'où ils sortent; mais cette supposition est loin d'être fondée. La classe travailleuse, surtout à Paris, compte dans son sein bon nombre d'hommes dont l'esprit a franchi le cercle étroit de leur profession, qui possèdent une instruction solide et variée, qui utilisent leurs loisirs d'une manière très féconde, suivent avec intelligence le mouvement de l'époque et du pays, et possèdent, sur les questions générales, des notions aussi justes et aussi saines qu'une foule de députés sortis des classes plus aisées. Auront-ils pour cela le don aussi de produire leurs idées et de les faire valoir? Nous n'en savons rien; l'occasion manque aujourd'hui à ceux qui, dans la classe ouvrière, possèdent le don de la parole, d'en faire la preuve et de le développer par l'exercice.

On avouera tout au moins, que le fait d'appartenir à la classe travailleuse n'exclut pas pertinemment la possession de cette faculté; on reconnaîtra encore qu'au pis-aller, ces députés-ouvriers ne seraient pas les seuls, même dans la députation de la Seine, qui dussent renoncer aux grands triomphes oratoires et se contenter d'une activité plus modeste, mais non moins utile, dans les bureaux et dans les commissions.

J.-E. HORN.

Une mort prématurée et inattendue vient de ravir à la Revue un de ses écrivains les plus originaux, au monde intelligent un de ses esprits les plus vifs et les plus aimables, à sa patrie un cœur toujours palpitant, et à nous-même le meilleur et le plus sûr des amis. Le comte Roger Raczynski a succombé le 24 de ce mois, dans sa quarante-troisième année, aux atteintes d'un mal qu'il ressentait depuis longtemps, mais qui ne faisait pas prévoir une fin si prochaine.

Nos lecteurs n'ont pas oublié ses écrits sur les Réformes du gouvernement russe en Pologne (1862), l'Allemagne et le Droit des nationalités, la Politique et le Progrès sous l'Empire (1860). Que de vérités prodiguées dans ces pages qu'il faudrait relire aujourd'hui ! Quel tour original savait prendre sa pensée, toujours noble, toujours élevée, toujours libre, toujours impartiale! Quelle moisson d'idées dans son livre trop peu remarqué, la Justice et la Monarchie populaire! Combien sont venus depuis lors glaner dans ce champ fécond, sans dire où ils avaient pris leurs épis! Le comte Roger Raczynski a fourni à la génération actuelle une partie notable de ses idées politiques; il a été sur bien des points un précurseur, et l'on sera étonné un jour, quand la plupart de ses prévisions se seront accomplies, et que le droit international aura changé de bases en Europe, de retrouver largement motivées dans ses écrits toutes les modifications que le code des nations aura subies. Esprit chercheur, inventeur d'idées, le comte Roger n'a pas été compris de tous ceux qui l'ont lu ou approché ; l'élévation même de sa pensée la faisait quelquefois perdre de vue; mais tous ceux qui l'ont connu l'ont aimé, parce que cette intelligence était fécondée par un cœur excellent, par une bonté souriante, et que l'âme chez lui était une source intarissable de justice et de paix. La Pologne a compté bien des deuils depuis quelque temps; il en est peu qui doivent être plus tristement et plus longtemps portés.

A. DE CALONNE.

ALPHONSE DE CALONNE.

TABLE DES MATIÈRES DU TRENTE-SEPTIÈME VOLUME

JANVIER et FÉVRIER 1864. (13e année. - 2e série.)

[ocr errors]
[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]
[ocr errors]
[blocks in formation]

HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION DANO-ALLEMANDE (1re partie), par M. le docteur
BAMBERG

350

COMPOSITEURS CONTEMPORAINS ROBERT SCHUMANN, SA VIE ET SES OEUVRES, par M. le baron ERNOUF

.....

385

TRAVAUX DES Académies et des SOCIÉTÉS SAVANTES. SCIENCES PHYSIQUES, NATURElles et

422

....

440

448

402

MÉDICALES IX - par M. HENRI MONTUCCI

CHRONIQUE LITTÉRAIRE, par M. A. CLAVEAU..

CHRONIQUE POLITIQUE, par M. ALPHONSE DE CALONNE.

A L'AVENTURE EN ALGÉRIE, de Mme Louise VALORY, par M. C. L.

[ocr errors]

465

499

533

[ocr errors]

563

525

FRANCILLE DE PUYBRUN, roman (2e partie), par M. E. D'ARAQUY
ARISTOPHANE ET LA COMÉDIE ANCIENNE, par M. A. CLAVEAU. . .
YAMINA, Scènes de la vie saharienne (1re partie), par M. THÉODORE SIDARI.
LA RÉFORME SCIentifique de LavOISIER, par M. Pierre-Paul DeHÉRAIN.
LA MORT D'UN DIEU, conte antique, par M. LEO JOUBERT. . .
HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION DANO-ALLEMANDE (2e partie), DE LA MORT DU ROI
FREDERIC VII JUSQU'A L'ENTRÉE DE L'ARMÉE AUSTRO-PRUSSIENNE DANS LE SCHLESWIG,
par M. le docteur BAMBERG.
CHRONIQUE LITTÉRAIRE, par M. A. CLAVEAU.
CHRONIQUE POLITIQUE, par M. J.-E. HORN.

[ocr errors][ocr errors]

JOURNAL ET MÉMOIRES DE MATHIEU MARAIS, par M. EUGÈNE ASSE.
LA MORALE DANS LA RICHESSE, de M. A. RONDELET, par M. B. E.

[ocr errors]
[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors]

FRANCILLE DE PUYBRUN, roman (3e partie), par M. E. D'ARAQUY. . ́
Les Docks de Londres et de LIVERFOOL, par M. JUSTIN AMÉRO.
YAMINA, scènes de la vie saharienne (2e partie), par M. THÉODORE SIDARI
TURIN EN 1863, par M. F.-G. GENSIAC...

[ocr errors]

673

713

747

771

L'OR ET L'ARGENT, LEUR INFLUENCE SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE DU GLOBE, par M. H.
BORDET, maître des requêtes au conseil d'Etat.

[blocks in formation]

LA PESTE DE MARSEILLE D'APRÈS DE NOUVEAUX DOCUMENTS, par M. ANTONIN RONDELET.
CHRONIQUE LITTÉRAIRE, par M. A. CLAVEAU.
CHRONIQUE POLITIQUE, par M. J.-E. HORN..

[merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]
« AnteriorContinuar »