Imágenes de páginas
PDF
EPUB

2. Jaques Bretex ou Bretiaus. Le Tournoi de Chauvency, publié par Gaë

tan Hecq (Société des Bibliophiles belges, n° 31 des publications). Mons, DequesneMasquillier, 1898.

Le poème de Jacques Bretel, intéressant en lui-même, très important au point de vue de l'histoire des tournois au XIIIe siècle, instructif au point de vue belge, à cause des nombreux personnages de notre pays qui y sont mentionnés, avait été édité déjà en 1835, à Valenciennes. Cette édition, due à Philibert Delmotte († 1824) et publiée après sa mort par les soins de son fils, est vraiment bonne pour l'époque où elle a été faite. M. Hecq a eu l'heureuse idée de reprendre ce travail. « Nous avons sur notre devancier, dit-il dans son avantpropos, l'avantage des progrès faits par tout le monde depuis soixante ans ».

En effet. Et tout d'abord, en ce qui concerne le texte du poème, nous n'en sommes plus réduits, pour nous guider, au seul manuscrit de Mons. Un deuxième manuscrit a été découvert en 1867 à la bibliothèque d'Oxford (manuscrit Douce 308) par M. Paul Meyer, qui a également mis au jour, à Reims, un fragment de 224 vers. (Cf. Archives des miss., sc., 2o série, t. V, pp. 154 et 214; Romania, t. X, p. 593). A l'aide de ces manuscrits comparés avec celui de Mons, on aurait pu facilement (les extraits publiés par M. Meyer le prouvent) établir un texte très satisfaisant du Tournoi. Pour faire apprécier la valeur et l'utilité scientifique de l'édition nouvelle, il suffira de dire que son auteur ignore simplement l'existence de ces manuscrits et que, voulant rééditer, en 1898, l'œuvre de Bretel, il se borne à nous apporter la reproduction minutieuse du manuscrit de Mons, très incorrect et quelquefois peu compréhensible. La brusque terminaison du texte montois, auquel manque la fin du poème,

fait supposer à M. Hecq « qu'ici se plaçait un discours ou nouveau récit de l'auteur, poème qui aura été séparé du précédent, comme formant un tout par lui-même. » Or, cette fin (225 vers) se trouve dans le manuscrit d'Oxford et a été publiée dans le Romania (loc. cit.) en 1881!

Cette reproduction du manuscrit de Mons, plus scrupuleuse, certes, que celle de l'édition Delmotte, se distingue encore par une particularité tout à faire bizarre. M. Hecq estime que l'éditeur sérieux, celui qui veut faire une édition scientifique, « doit savoir se renfermer dans son rôle de simple copiste » et que, pour ne point « nous gâter le plaisir que nous aurions à interpréter nous-mêmes en lisant », il doit reproduire son texte diplomatiquement, non seulement sans corrections, mais sans ponctuation ni accentuation aucune, sans même développer les abréviations manuscrites, pour autant que l'outillage de l'imprimerie le permet, et sans notes (sauf les cas d'absolue nécessité). Les « interprétations >> sont bonnes pour les «< éditions de vulgarisation ». (Communic. à la So. ciété d'archéologie de Bruxelles, Annales, t. VIII, p. 292). Ce système, absolument anti-scientifique, n'a qu'un seul avantage, c'est qu'il permettrait à un éditeur de publier un texte auquel il ne comprend rien. M. Hecq - je me hâte de le dire - comprend généralement bien son poème; le résumé étendu qu'il en donne le montre.

Dans son avant-propos, l'éditeur essaie de démontrer, par des considérations inadmissibles, que Jacques Bretel est aussi l'auteur du Châtelain de Couci. Or, celui-ci se nomme lui-même, dans un acrostiche, Jacemes Saqesep. Il est au moins bien plus naturel de lire ainsi, comme le fait M. Gaston Paris dans son bel article de l'Histoire littéraire, t.

XXVIII, que M. Hecq paraît ignorer aussi. | tromper en n'admettant pas, avec les au

Le glossaire « archéologique » qui suit le texte et les citations dont il est émaillé, témoignent de la lecture des ouvrages spéciaux; il n'en est pas moins fort imparfait. Des mots inutiles y figurent; beaucoup de mots importants manquent. Les définitions sont loin d'avoir l'exactitude et la précision désirables. Un glossaire toponymique eut été extrêmement utile; l'édition Delmotte en avait un.

Dans la liste des personnages cités qui termine le volume, je relève un Maisières, mentionné au v. 362. Or, ce Maisières n'est qu'un... bâtiment (mur, clôture ou maison). Le héraut, désignant à Bretel les principaux chevaliers venus pour la fête, lui montre Jean de Rosières :

Celui en coste sez (1. cez) maisieres
Apele on jehan de rosieres,

CH. MARTENS.

3. Arthur Gaillard. Le Conseil de Brabant. Histoire, organisation, procédure, t. 1er, Histoire. Bruxelles, Lebègue, 1898, in-4o de 492 pp.

Le Conseil de Brabant est une des institutious les plus importautes de notre ancien régime. Conseil souverain de justice, il participait en même temps, dans une mesure qui varia, au gouvernement et à l'administration du pays. Nous ne possédions pas d'études spéciales sur ce sujet et le livre de M. Gaillard a sa place marquée dans toutes les bibliothèques. Son travail comportera deux forts volumes. Le premier est consacré à l'histoire du Conseil, le second traitera de l'organisation interne, du ressort et de la juridiction de ce corps, de la procédure civile et criminelle qui y était en vigueur.

Le Conseil de Brabant prétendait jadis dériver du Conseil de Cortenberg. M. Gaillard combat cette théorie qu'il croit contraire aux textes comtemporains et à la Joyeuse Entrée; mais il nous paraît se

teurs modernes, que le Conseil de Brabant est issu de l'ancien Conseil ducal. M. Gaillard en veut voir l'origine dans les chambres de Conseil créées par les ducs de la maison de Bourgogne, mais ces chambres ne sont qu'un développement et un démembrement du Conseil ducal. Cette conclusion résulte des pages même consacrées par l'auteur à ce sujet. Les chambres du Conseil devaient naitre le jour où l'on sentit la nécessité de joindre à l'élément féodal du Conseil ducal, des juristes au courant de la législation et de la procédure romaines, et où l'on voulut assurer le cours régulier de la justice, par la fixité du siège et la périodicité des séances. Cette transformation ne s'opéra pas sans heurts ni sans résistances, mais les protestations des Etats furent inutiles. Philippe-le-Bon compléta l'organisation de la chambre du Conseil, qu'on appela désormais Conseil du Brabant.

La question de l'origine est la seule qui soit discutée par M. Gaillard, il commence, aussitôt après, l'exposé chronologique de l'histoire du Conseil, du xive au XVIIIe siècle. Presque tout est neuf dans ce long récit.

L'auteur connaît mieux que personne le dépôt des Archives du royanme; cette mine féconde lui a fourni un nombre considérable de documents de toutes provenances et de première valeur; les fouilles persévérantes de l'auteur n'auront sans doute rien laissé échapper; mais nous ne pouvons songer à le suivre dans le détail de son exposé.

Le Conseil modifié par Philippe-le-Bon fut transformé par Charles-le-Téméraire qui lui laissa ses fonctions politiques, mais transféra ses attributions judiciaires au parlement de Malines. Il reprit ses fonctions de Conseil souverain à la mort du duc. Soumis par Philippe-le-Beau à l'autorité du grand Conseil, il n'en fut

affranchi que par Charles-Quint. Enfin l'ordonnance de ce prince, en 1591, fut pour le Conseil le règlement organique et le Code de procédure civile. A part quelques modifications de détail, quelques limites apportées à sa compétence, comme sous Marie-Thérèse la perte définitive du droit d'accorder des octrois et grâces, l'organisation du Conseil ne varia plus jusqu'aux réformes de Joseph II. Les édits de 1787 bouleversèrent l'organisation judiciaire de nos provinces, le Conseil de Brabant supprimé puis rétabli en 1789, disparut définitivement en 1795.

Dès les premières années de son existence, les empiètements du Conseil amenèrent des conflits sans nombre avec les villes, le Conseil privé, la Cour féodale, les Etats, avec les gouverneurs généraux, l'archevêque de Malines, voire même avec le chancelier. Pendant trois siècles, ces contestations ne cessèrent pour ainsi dire pas; ainsi la manière assez vague dont Charles-Quint avait défini, en 1531, les droits et attributions de son Conseil privé, fut la cause première des conflits entre ce corps et le Conseil de Brabant pendant toute la durée de leur existence. L'analyse des mémoires auxquels donnèrent lieu ces diverses contestations, l'examen des ordonnances et réglements publiés pour trancher les questions de compétence et remédier aux abus qui s'étaient glissés dans l'administration de la justice, remplissent une bonne partie du volume. L'auteur a enfin consacré plusieurs chapitres pleins d'intérêt aux luttes du Conseil pour empêcher l'introduction de la vénalité des charges, aux emprunts forcés et exorbitants auxquels les conseillers furent soumis à diverses reprises, à la façon dont furent reçus par le Conseil les projets de suppression de la torture et de réforme de l'organisation judiciaire par Joseph II. Ces pages ne sont pas les moins bonnes de l'ouvrage,

On le voit, le travail de M. Gaillard a une importance capitale; il n'est pas un historien belge que ce sujet n'intéresse au plus haut point et qui ne soit appelé à utiliser fréquemment ce livre; il faut féliciter l'auteur d'avoir su réunir tant de renseignements, de les avoir groupés avec un souci scrupuleux d'exactitude jusque dans le moindre détail. Mais ce travail complet est-il définitif? Je ne le pense pas ; j'ai devant les yeux une carte géographique où tous les noms, depuis les grandes ca. pitales jusqu'aux moindres bourgades, sont écrits uniformément, avec les mêmes caractères, de la même couleur ; la carte est complète, mais la lecture en est des plus pénibles. C'est un peu le cas de l'ouvrage de M. Gaillard; œuvre d'érudition laborieuse, elle n'a ni reliefs ni teintes; tout y vient en bon ordre, mais sans que rien distingue le principal de l'accessoire, le corps essentiel et vivant du détail infime de végétation superflue et presque parasitaire.

De plus, l'auteur semble ne pas dominer ses sources, mais les suivre; le plus souvent, il ne met pas ses renseignements en œuvre, il coud ses fiches l'une derrière l'autre. Ainsi, faisant le récit d'une contestation entre deux institutions, il résumera fidèlement le mémoire pro de l'une, puis le mémoire contra de l'autre et le lecteur, à la fin, ne saura guère à quoi s'en tenir. Ceci n'enlève du reste rien à la valeur documentaire du livre de M. Gaillard et je me plais à répéter que, comme richesse d'informations, ce volume est de tout premier ordre. A. DELESCLUSE

[blocks in formation]

sous le titre de Troubles religieux du XVIe siècle dans la Flandre maritime, a ouvert aux historiens de cette région une voie féconde, et fixé le cadre d'un vaste tableau de l'histoire religieuse et sociale du temps, qui ne peut être achevé que par une série de monographies locales. M. Opdebrink a entrepris de s'acquitter de la tâche, en ce qui concerne Poperinghe. Les archives de cette ville, en partie conservées pour le xvie siècle, et trois chroniques contemporaines dues à des West-Flamands, telles sont les sources principales dont il s'est servi. Il les a mises habilement en œuvre et il s'en est aidé pour faire un récit des quarante dernières années du XVIe siècle à Poperinghe, qui pourrait être plus vivant, mais non plus exact.

L'ouvrage est divisé en deux parties. La première raconte les troubles, la deuxième en fait connaître les résultats.

mont et les échevins, ses fidèles qui chantent les psaumes flamands de Dathenus jusque dans la rue, et parmi lesquels l'auteur énumère des membres de la meilleure bourgeoisie. En 1568, quand, après les excès des iconoclastes, le magistrat exigea que les protestants suspendissent leurs prêches à Poperinghe, 140 habitants refusèrent d'obtempérer. L'auteur, il est vrai, croit que la plupart de ces récalcitrants sont des étrangers (p. 119), mais il n'en fournit pas la preuve, et la chose est peu probable d'ailleurs. Cette communauté protestante disparut après la reprise des Pays-Bas espagnols par Alexandre Farnèse, et la ville ne vit plus d'autres hérétiques que les soldats de la garnison d'Ostende, qui venaient dans leurs courses piller les environs et inspirer de continuelles alarmes au magistrat, jusqu'au jour où la prise d'Ostende et la Trève de douze ans mirent fin à quarante années de souffrances et d'inquiétudes.

Nous n'avons pas le temps de refaire, après l'auteur, même d'une manière sommaire, le récit de ces événements, ni le tableau de leurs conséquences désastreuses. Il nous suffira de dire que son livre est hautement instructif, en ce qu'il nous offre, dans un cadre très limité, l'image fidèle de ce qui se passait partout ailleurs pendant ces sombres années. Nous avons affaire à un narrateur exact, consciencieux et sincère, qui veut nous placer immédiatement en présence des faits eux-mêmes et qui ne cède que de temps en temps (par exemple, au chapitre XIII, qu'on pourrait biffer tout entier, parce qu'il ne contient qu'une inutile apologie de Philippe II) à la tentation de plaider plutôt que de raconter.

Le protestantisme s'est introduit à Poperinghe comme dans toute la Flandre, mais, dans cette localité où l'échevinage est à la nomination de l'abbaye de Saint-Bertin et où la classe supérieure semble, dans sa grande majorité, hostile aux idées de la Réforme, il trouva une énergique résistance, que les excès commis par les iconoclastes, ici comme ailleurs, n'ont fait qu'exaspérer, Poperinghe, à part la domination éphémère de la république calviniste de Gand, à laquelle mit fin la prise de la ville par les Malcontents, resta done une cité catholique. Il n'en est que plus intéressant de constater jusqu'à quel point, dans un pareil milieu, furent vivaces les aspirations opposées; on y trouve d'abord une communauté d'anabaptistes, que l'inquisiteur Titelmans se vante en 1561 d'avoir dispersée; plus tard, c'est la secte calviniste qui y possède son temple, son ministre, ses anciens qui négocient avec le comte d'Eg- | ringhe (Messager des sciences histo

Nous avons été surpris de constater que l'auteur, qui a connu l'existence de l'étude publiée par Altmeyer sur Pope

riques, 1840) a jugé inutile d'en prendre | l'étude de la propriété foncière au moyen

connaissance. C'est un tort. Non seulement il aurait été dispensé de reproduire (p. 118) tel document déjà imprimé par Altmeyer (p. 145), mais il y aurait trouvé le plus important texte historique où soit indiqué l'état de la ville à la suite des troubles religieux. Nous voulons parler de l'acte de Philippe II, daté de Tournai, le 4 mai 1584, accordant aux habitants de Poperinghe un delai de six mois, pendant lequel ils ne pourront être recherchés pour dettes, en considération de l'état calamiteux de leur ville où l'on voit « les communs artisans, estimez en nombre, auparavant le désastre, de seize à dix-sept mille personnes, présentement rédigez que à quatre cens testes au plus haut. » (Altmeyer, p. 146). M. Opdebrink vise à deux reprises ce document (pp. 110 et 220), mais sans en indiquer la provenance et manifestement de seconde main, bien qu'il repose aux archives mêmes de Poperinghe.

Pour nous résumer, nous dirons que ce petit volume, coquettement imprimé, ct muni d'une bonne table des noms, est une excellente contribution à l'histoire du xvie siècle. Puisse l'initiative de l'auteur susciter plus d'un imitateur dans le clergé flamand.

[ocr errors]

GODEFROID KURTH.

5. G. Des Marez. Étude sur la propriété foncière dans les villes du moyen âge et spécialement en Flandre, avec plans et tables justificatives. Gand, Engelcke et Paris, Picard, 1898, in-80 de xтv-393 pp. (20o fascicule du Recueil des travaux publiés par la Faculté de philosophie et lettres de l'Univer sité de Gand).

La brièveté qui est imposée aux collaborateurs des Archives belges m'empêche d'insister aussi longuement que je voudrais le faire, sur l'importance et le mérité de cet ouvrage. En abordant

âge, M. Des Marez a choisi un sujet aussi difficile qu'intéressant. Depuis l'apparition en 1861 de la Geschichte des Eigenthums in den deutschen Staedten de W. Arnold, il n'a rien paru dans ce domaine qui, par l'étendue des recherches et la valeur des résultats, puisse être comparé à son livre.

Pour traiter convenablement la ques tion que l'auteur s'est posée, il fallait être juriste et historien. M. Des Marez est l'un et l'autre. Mais il a fort bien compris qui si la connaissance du droit lui était indispensable pour comprendre ses sources, ce n'était pas la méthode du droit, mais celle de l'histoire qu'il fallait employer pour les mettre en œuvre. Rien n'est moins systématique, au sens étroit du mot, que le tableau qu'il retrace de l'évolution de la propriété foncière dans la ville de Gand. Il s'est efforcé d'un bout à l'autre de la mettre en rapport avec le développement général de l'organisation urbaine. Les chapitres qu'il a consacrés à l'établissement des marchands sur le territoire du Portus gandensis, à l'origine de la tenure urbaine, à la formation du territoire des villes flamandes du moyen âge sont des pages excellentes et aussi fortement documentées qu'il est possible, d'histoire municipale. Le résultat le plus intéressant du livre est la démonstration, tout à fait réussie à mon avis, de la libération du sol sur l'influence du jus mercatorum. Les propriétés qui portent à Gand le nom de Vrij huis Vrij erve sont, si l'on veut, des alleux, mais ce ne sont que des alleux de formation postérieure. Elles n'ont rien de commun avec les alleux primitifs de l'époque franque. Si elles nous apparaissent complètement libres de charges, c'est qu'elles se sont dépouillées, sous l'action des causes économiques propres à la vie urbaine,

« AnteriorContinuar »