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à l'intendant que le sieur de la Gaudinaye renouvelait ses anciennes intrigues et se flattait hautement de revenir au pouvoir, ce qui serait désastreux pour la ville. C'est dans l'intérêt général que son office a été réuni à la communauté. « L'amour de l'humanité a seul dicté cette suppression, si désirée depuis un nombre infini d'années. Le possesseur de cet office s'étoit arrogé le droit de diriger seul la communauté. S'il survenoit une représentation sage, c'étoit le principe d'une haine, d'un acharnement éternels. De là une source d'abus, de désordres et de dissipation des deniers de la ville. Depuis la suppression de l'office du sieur de la Gaudinaye, nous n'avons plus à gémir des désordres publics. Loin de repousser, on accueille dans la communauté quiconque voit le bien et le propose. Tout est changé. L'ancienne communauté consommoit chaque année artificieusement les fonds, et la nouvelle a déjà près de 6,000 liv. dans la caisse de son miseur. »>

M. de la Gaudinaye, malgré sa chute, restait toujours populaire à Malestroit. Il s'était réconcilié avec son parent Hervé de la Provostaye, qui se trouvait mal payé des services qu'il avait rendus au marquis de Sérent. Il conservait des amis dévoués, parmi lesquels figurait M. Trévénec, correspondant de la commission intermédiaire. M. Trévénec accusait hautement les officiers municipaux de commettre des injustices dans la répartition des impôts et des corvées. Il les dénigrait en public et adressait contre eux des rapports malveillants à la commission. La communauté demanda vainement à Bertrand de Molleville l'autorisation de le poursuivre devant les tribunaux. En 1788 mourut M. de la Provostaye. Le bruit se répandit que l'intendant allait lui donner pour successeur M. Chaignart de Kernois, cousin du sieur de la Gaudinaye. Le marquis de Sérent se hâta d'intervenir et fit choisir son sénéchal, M. de Launay.

Ce fut son dernier triomphe. La Révolution, en effet, ne tarda pas à éclater. L'agitation démocratique gagna Malestroit, comme les autres villes de la province. Comme partout, les patriotes organisèrent une garde nationale, qui prit pour colonel M. de la Gaudinaye. Pour surveiller la communauté, ils instituèrent un comité permanent qui s'empara de l'administration et choisit pour président M. de la Gaudinaye. Le maire et les agents du marquis de Sérent ayant pris des mesures pour assurer la libre circulation des grains et favoriser la vente des récoltes de leur seigneur, la populace les accusa de tentatives d'accaparement. Ils furent forcés de faire venir des troupes pour maintenir l'ordre public et empêcher une émeute. Ce fut leur dernier effort. Le pouvoir leur échappait; l'intendant, M. de Rochefort, n'était plus en état de les protéger et se bornait à les engager à s'entendre avec le comité permanent. Le véritable maire n'était déjà plus M. de Launay, mais M. de la Gaudinaye. En 1790, la municipalité fut réorganisée conformément aux décrets de l'Assemblée constituante. M. de la Gaudinaye fut rappelé à la mairie par les électeurs de Malestroit.

ANT. DUPUY.

RENNES AU XVII SIÈCLE

DOCUMENTS DE LA VIE PRIVÉE

On commence à apprécier à sa valeur une source d'information à laquelle on n'attachait jadis, au point de vue historique, qu'une médiocre importance. Il y a cinquante ans, qui songeait, sauf peut-être Alexis Monteil, à inventorier ces liasses de minutes poudreuses que les notaires relèguent dans quelque arrière cabinet de leur étude? On y recourait seulement lorsqu'il fallait retrouver un aveu, un partage, une transaction pour la solution d'un litige ou un établissement de propriété.

On sait aujourd'hui ce que recèlent de données certaines, exactes et curieuses sur la vie de nos pères, ces actes notariés qui touchent à tous les intérêts privés, les plus considérables comme les plus minces. Il y a deux cents ans, le tabellion n'avait pas pour unique fonction du moins en province de rédiger des contrats de mariage, de vente et de louage, des procurations et des testaments, des partages et des inventaires. On s'adressait à lui pour les ventes après décès, pour les enquêtes officieuses, pour la constatation authentique des faits dont on voulait garder trace sa plume était toujours et pour tout au service de ses clients.

Si l'on recherche comment nos ancêtres se logeaient, se meublaient, administraient leur fortune, gouvernaient leur famille, c'est dans les minutes notariales qu'on trouve une réponse à toutes ces questions. Et combien de détails minutieux ou naïfs, partant caractéristiques, y rencontre-t-on que leurs successeurs ont éliminés, au grand dommage des chercheurs futurs.

Ce qui est précieux dans beaucoup de ces actes, c'est qu'ils renseignent sur les menus contrats de chaque jour, maintenant insaisissables, parce qu'on ne les passe plus par écrit. A-t-on besoin pour une réparation d'un couvreur, d'un maçon, d'un menuisier, on s'entend verbalement avec lui : tout au plus lui demande-t-on un devis sur un bout de papier. Au XVIIe siècle, la plupart des hommes de métier ne savaient pas écrire; puis, on était défiant. Un bon acte devant notaire, avec stipulation d'exécution, de vente et de prinson fermée à la charge du contrevenant, garantissait efficacement le propriétaire, pensait-on, contre les erreurs de mémoire et les négligences de l'ouvrier. Il en était de même pour les marchés de denrées et de combustibles, comme ceux qu'on conclut maintenant en quelques mots on voulait un contrat en règle.

Et pour l'histoire des familles et des terres, combien de révélations intéressantes sont enfouies dans ces transactions, si nombreuses à cette époque, où le plus clair des revenus se dépensait en frais de justice. Toute succession à partager, tout compte de tutelle à rendre amenait un procès ou pour mieux dire une suite de procès. On commençait par plaider pendant vingt ou trente ans, quelquefois plus, avant de chercher à s'entendre. Les solutions définitives se faisaient attendre si longtemps que de guerre lasse, sur le conseil de sages amis, on se décidait enfin à se faire des concessions réciproques. L'acte qui les relatait débutait presque invaria

blement par ces mots : « Comme ainsy soit que vers l'année... » Suivait un exposé complet des faits, de la procédure et des prétentions réciproques. Cet historique est une mine de renseignements généralement exacts et d'autant plus précieux qu'ils concernent souvent des familles dont les papiers ont disparu.

Il existe une collection de ces vieux actes aux archives de la Cour d'Appel de Rennes; elle provient sans doute de quelques charges supprimées au moment de la Révolution. Par un heureux hasard, on y a compris des minutes du XVIIe siècle provenant des meilleures études de Rennes, de celles qui avaient fixé la clientèle la plus riche et la plus aristocratique.

Au cours de recherches dirigées dans un autre but, nous avons relevé un certain nombre de ces documents, parmi les plus anciens1; il nous ont paru présenter un intérêt général et constituer par leur réunion un ensemble instructif. En les parcourant, nos lecteurs se trouveront transportés dans un état de choses entièrement détruit et depuis longtemps, car cent ans plus tard, des modifications profondes s'étaient introduites dans les mœurs et les habitudes. Ils évoqueront avec nous le vieux Rennes du temps de Louis XIII et des premières années du règne de Louis XIV. Quelques débris encore debout permettent de réédifier par la pensée l'ancienne ville, ses voies étroites, ses maisons de bois obscures et incommodes. En lisant nos textes devant ces reliques archéologiques, on se fera du passé de notre cité et de la vie de nos ancêtres une idée plus précise et plus saisissante.

F. SAULNIER.

1. Ils sont presque tous empruntés aux minutes de Julien Pinot, qui exerça son ministère de 1623 à 1657.

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