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Ces édifices, construits sur le penchant des collines, devaient avoir plusieurs appentis. Les chambres, celles du moins de ces derniers, n'étaient pas rectangulaires; mais, comme nous avons dit, en guise de losange avec deux angles aigus et deux obtus. Par conséquent leurs toits devaient être nécessairement obliques et converger, au sommet, vers un côté ou vers l'autre ('). Ils n'avaient pas besoin d'être longs dans le sens perpendiculaire, les appartements étant peu larges.

Le toit de ces habitations belgo-romaines était muni de deux rangées ou assises de chevrons, l'une superposée à l'autre, et les chevrons supérieurs étant cloués sur ceux d'en bas (*). Il n'y avait pas de lattes. Les chevrons de la rangée inférieure ou première pouvaient être placés horizontalement. Leur distance qui était d'environ 5 pouces (15 c.), devait se mesurer selon la longueur de la tuile plate, de sorte que celle-ci pût reposer sur trois chevrons, par son milieu, tant soit peu enfoncé en courbe, sur le chevron du milieu, et sur les deux autres par ses deux extrémités. La distance de l'un à l'autre des chevrons supérieurs, qui était d'environ 1 pied (30 c.), devait être exactement conforme à la largeur de la tuile plate. Ils devaient suivre la ligne ascendante de ces tuiles à rebords, qui était oblique, et partant être aussi placés obliquement ou en losange. De cette manière, la tuile plate, reposant en quelque sorte, par l'un de ses côtés, contre le chevron supérieur, était, par sa pesanteur, moins entraînée vers la chute, et cela obviait en même temps à l'inconvénient d'une descente trop violente et éparpillée des eaux pluviales. Mais les tuiles plates, encaissées entre les chevrons supérieurs, étaient surtout retenues par leurs échancrures ou entailles aux deux rebords en bas, dans lesquelles entraient des crochets, probablement en bois, attachés aux chevrons. Elles

(') Le toit d'un édifice rectangle se rétrécissait un peu en haut, et les lignes ascendantes des tuiles convergeaient de part et d'autre vers le milieu.

(*) Aussi les substructions fournissent elles, en grande quantité, des clous longs de 15 à 22 centimètres.

l'étaient encore par les rebords de la tuile plate inférieure, dont la partie supérieure, aussi loin que les rebords étaient coupés, entrait sous celle d'un rang plus élevé.

De même, les tuiles convexes qui devaient couvrir les chevrons supérieurs (1) et les rebords des tuiles plates, en s'y enfermant, elles aussi, ne pouvaient descendre, parce qu'étant plus rétrécies en haut qu'en bas, et les rebords des tuiles plates qu'elles couvraient étant plus larges en bas qu'en haut (savoir en s'élargissant insensiblement vers l'intérieur de haut en bas), elles étaient solidement retenues par ces rebords, dans lesquels elles étaient étroitement emboîtées. Elles étaient, en outre, comme collées sur les chevrons et sur les bouts des tuiles convexes inférieures qui entraient sous elles, par un excellent et copieux mortier, auquel leur partie creuse, si informe, si raboteuse et pleine de petits trous, devait fortement s'attacher. Au surplus, les tuiles convexes de la première ligne horizontale en bas étaient retenues par des palmettes ou antefixes, comme les tuiles plates de la dernière ligne en haut paraissent avoir été clouées sur le faîte; car on trouve partout dans les substructions, comme ici à Bertrée, de ces tuiles encore munies d'un clou.

Si après cela on considère, d'un côté, la lourde pesanteur des tuiles romaines, surtout de la tuile plate (8 à 10 kil), et d'autre part, l'impossibilité de couler en bas, étant si solidement enfermées et retenues de toute manière, on pourra, ce semble, difficilement partager l'opinion de M. Schayes (*), estimant que ce mode de couverture indique que les toits des habitations romaines en Belgique devaient être fort surbaissés; nous pensons, au contraire, qu'ils devaient être, au moins sous nos climats froids, en pente assez raide ou rapide et être assez fort

(1) La partie des chevrons supérieurs, qui dépassait les rebords des tuiles plates, était, comme le prouvent les morceaux de mortier qui ont été retrouvés, arrondie, pour mieux s'adapter à la partie creuse de la tuile convexe.

(1) Histoire de l'architecture en Belgique, I, 147.

inclinés (), et que, par conséquent, il n'y a pas là de raison pour ne donner à ces villas qu'un rez-de-chaussée (2) ou un étage tout au plus.

Encore un mot sur les tuiles romaines, car nous avons pu les examiner de près dans les différentes fouilles, surtout dans celles du Weyerbampt, où il y en avait à l'infini. Les tuiles, tant plates que convexes, d'une même ligne horizontale, étaient faites au même moule; mais elles différaient des tuiles des autres lignes, soit en dimension, elles étaient moins lourdes ou moins longues et larges dans les lignes supérieures qu'en bas (3), soit par les entailles dans les rebords en bas de la tuile plate, car pour faire la ligne ascendante oblique, ces échancrures devaient être plus longues à droite ou à gauche, d'après que cette ligne convergeait vers un côté ou l'autre (*), — soit, pour le même motif, par les parties, plus ou moins longues, coupées aux rebords au bout de la tuile plate, par où elle devait, pour monter obliquement, entrer d'un côté plus et de l'autre moins sous la tuile supérieure (3).

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(1) Cf. CIAMPINI, Vet. monim., t. I, pl. I, fig. 4 et pl. VII; et De sacr. ædif. a Constant. M. constr., pl. I. DE CAUMONT, Abécédaire, ch. 2, p. 14, 2e édit. (*) Avec un rez-de-chaussée seulement et en l'absence de toute cave sous les appartements, il serait difficile d'expliquer ce texte de Sénèque parlant des hypocaustes : « Impressos parietibus tubos, per quos circumfunderetur calor, qui ima » simul et summa fovent æqualiter.

(3) Pour connaître les différentes dimensions de la tuile romaine, il faut des tuiles entières, ce qui ne s'offre pas fréquemment. La largeur de la tuile plate (pour ne pas trop m'étendre, je laisse de côté la tuile convexe, car l'une suit l'autre peut encore être connue par de grands fragments ayant encore les deux rebords. Voici la largeur trouvée dans plusieurs tuiles plates, savoir: de 28 c., de 30, de 30 1/2, 31, 31, 32, 33, 34 c. Longueur de 42 c., 47, 48; et pour la tuile convexe, longueur de 35 c., 37 1/2, 39.

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(*) Voici la longueur de ces entailles constatée à Bertrée et au Weyerbampt. Il y en avait qui avaient, à gauche, 4 3/4 C., 5, 5 1/4, 5 1/2, 5 3/4, 6, 6 1/4, 6/2, 7, 7 1/4, 7 1/2,8 1/2 c. -A droite, 5 C., 5 1/2, 5 3/4, 6, 6 1/2, 6 3/4, 7, 8 c.

(*) Longueur mesurée à cette coupe à gauche, de 2 1/2 c. (un quart de rond en creux dit cavet: au côté opposé, à droite, elle est de 5 c.); de 5 c., 5 3/4, 6 1/2, 7, 8 c. A droite, de 5 c., 5 1/4, 5 3/4, 6, 6 1/2, 6 3/4, 7, 7 1/4, 8 1⁄2 c.

Plusieurs signes semblent avoir été employés comme points de repère, pour reconnaître plus aisément les tuiles de la même ligne horizontale. Outre le sigle du tuilier, elles ont été marquées par une grande variété de moulures aux rebords ou, sur le plat, par un ou plusieurs demi-cercles, par des zigzags, etc. Quand on réfléchit à cette grande variété de détails que nous venons d'indiquer, sans pouvoir en dire le dernier mot, détails qui constituaient un mécanisme fort ingénieux, on doit se dire qu'au temps du tuilier NEH, c'était un véritable art que celui de fabricant de tuiles. Leur mode de placement nous ayant paru n'être pas fort bien connu aujourd'hui, nous avons cru pouvoir nous étendre un peu à cet égard.

Les principaux souvenirs que les Romains ont laissés à la campagne, dans nos contrées qu'ils ont occupées au-delà de cinq siècles, ce sont les chaussées, les camps retranchés (Castella), les cimetières, les tumulus et les villas.

Ces villas, ils les établirent, non à l'intérieur des villages d'alors, mais isolément dans leur voisinage. Il y a, à peu près partout absence de vestiges romains dans l'enceinte des villages. Grande présomption existe, selon nous, en faveur de l'ancienneté des villages, près desquels se trouvent des substructions d'une villa romaine. Leur nom seul peut avoir été changé au moyen-âge.

Les habitants de ces villas romaines, soit vrais Romains, soit vétérans licenciés (p. e. Béthasiens, Tungres, Nerviens, etc.), semblent avoir été des fonctionnaires de l'empire et en même temps les seigneurs de l'endroit, servis dans leurs maisons par un personnel qui ne pouvait pas être fort nombreux. Quant aux habitants des villages, anciens Belges ou Franks, peu ou point romanisés et demeurant dans des habitations particulières constituant le village, ils étaient devenus des esclaves agricoles (servi tributarii), devant cultiver les terres et payer à leurs maîtres ou seigneurs, en partie probablement, pour le fisc public,

des tributs et des redevances de toute nature. C'était, paraît-il, déjà la féodalité en ombre (').

Ces villages, en général, n'ont pas cessé, d'après l'opinion communément reçue, d'être peuplés ni au II, ni au III, ni au IVe siècle, etc. Où, du reste, leurs habitants se seraient-ils retirés? Dans la seule cité de Tongres, ou, quant à ces endroitsci, dans les deux petits camps retranchés près de la tombe d'Avernas-le-Bauduin et près de celles de Braives, dont chacun ne comprenait pas un hectare en étendue?

Mais les villas romaines ont été détruites à peu près partout par l'incendie. Cependant celle du Betzveld à Landen, comme nous avons dit, a cessé d'exister par vétusté.

A quelle époque cette destruction violente a-t-elle eu lieu ? L'opinion générale admet que les Franks ont encore pu prendre ces établissements romains pour leurs premières résidences. Voici ce qui semble favoriser cette opinion.

C'est a) un certain mélange de poteries romaines et frankes dans les substructions des villas romaines par exemple, ici à Bertrée, au Kloosterhof, au Rondenbosch, etc. De même dans les cimetières romains et dans les tumulus; ainsi, pour ne parler que de ces contrées, dans le Tombeke d'Overwinde et dans le tumulus de Middelwinde, qui pourrait bien n'être qu'une tombe romaine du IIIe siècle, à cause de certaines particularités de son caveau profond de 3 m., large de 4m20 et long de 4m30 (2), et ayant les parois munies de grandes pierres plates. C'est b) le rapport qui paraît avoir existé entre le cimetière frank du Tombeux et la villa de Bertrée, et entre le cimetière non romain du Haemberg et la villa du Lazaret. C'est encore c) le mélange de tuiles de différentes époques : ainsi aux belles tuiles du fabricant NEH, qui sont de l'époque florissante de la céramique, succèdent ou s'adjoignent au Hemelryk et à Bertrée des tuiles lourdes et

(*) GUÉRARD, Polyptyque de l'abbé Irminon, § 143. (*) Renseignement de M. le comte Georges de Looz.

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