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EXPLORATION

DE LA

TOMBE DITE DE L'EMPEREUR

PRÈS DU VILLAGE DE MOXHE.

L'heureux résultat des fouilles effectuées au mois de mai 1873 dans le tumulus d'Avennes décida l'Institut archéologique liégeois à entreprendre, au mois de juin suivant, l'exploration de la tombe romaine dite de l'Empereur.

Ce tumulus, distant d'une cinquantaine de mètres au nord de la grande chaussée de Tongres à Bavay, est situé près du hameau dit de l'Empereur, hameau dépendant de la commune de Moxhe (1). Toutefois notre tumulus ne fait point partie du territoire de cette dernière commune. Il est détaché, ainsi que deux ou trois maisons, du gros du hameau et forme actuellement l'extrémité sud-ouest du territoire de Villers-le-Peuplier, village dont il est éloigné d'environ deux kilomètres (*).

(1) C'est en ce hameau que la route de Landen à Namur coupe perpendiculairement la chaussée romaine de Tongres à Bavay. Son nom de l'Empereur que nous avons retrouvé dans des registres datant de l'an 1695, paraît lui avoir été donné en souvenir de Charles-Quint. Peut-être aussi ne doit-on lui attribuer d'autre origine que l'enseigne d'une auberge qui existait autrefois dans la localité.

(*) Voir, dans notre rapport sur l'Exploration de la tombe d'Avennes, ce qui est dit sur la situation de la tombe de l'Empereur, relativement aux tumulus d'Avennes et du Soleil, ainsi que sur leurs distances respectives. (Bulletin de l'Institut archéo logique liégeois, tome XII, 2e livraison, page 199.)

La tombe de l'Empereur est une des plus petites qui couvrent le sol de la Hesbaye; elle ne mesure guère que 66 mètres de circonférence à la base et 18 au sommet. Sa pente au nord est de 7,90, à l'ouest de 6,43, à l'est de 7m,80 et au midi de 7,59. On peut constater une légère déclinaison de son assiette dans la direction N.-E. Elle est plantée dans sa partie nord et ouest de trois beaux peupliers du Canada, tandis que sa pente méridionale est couverte de buissons de ronces, qu'il a fallu enlever en partie pour pouvoir ouvrir la galerie d'exploration. Un étroit sentier serpente le long de ses flancs et conduit au sommet, gazonné et nivelé en plate forme, comme chez la plupart de nos tombes hesbignonnes.

Peu d'écrivains font mention de la tombe de l'Empereur; elle semble avoir été beaucoup moins signalée que sa voisine, ja tombe d'Avennes. Les cartes des biens de l'abbaye de SaintTrond l'ont toutefois fait connaître à M. Piot, qui donne sur elle (1) les renseignements suivants : carte des biens situés à Moch et Mocheron (Moxhe, etc., province de Liége), un tumulus « près de la Haute-Chaussée (Chaussée de Tongres à Bavay), entre le chemin de Moch à Villers et le Haut-Tiége. »>(2) N'oublions pas de dire que depuis longtemps ce tumulus avait attiré l'attention de notre infatigable président d'honneur, lors de ses nombreuses excursions dans notre pittoresque province.

(1) Exploration de quelques tumulus de la Hesbaye, par M. H. Schuermans, p. 382 du tiré à part, note V, lettre A.

(*) La carte topographique des Pays-Bas, par W. D. S., ingénieur et architecte (Francfort-sur-le-Mein, 1784), signale une cense et tombe de l'Empereur. Nous ignorons où était située la ferme dont elle fait mention et si elle existe encore aujourd'hui. C'est à tort, croyons-nous, que la carte en question figure deux tombes à l'Empereur, car nous n'y avons trouvé aucune trace de l'existence d'un second tumulus.

La « Nouvelle carte chorographique des Pays-Bas autrichiens, » par J. B. de Bouge (Bruxelles, 1789 ), indique une tombe et un cabaret.

La « Nouvelle carte des Pays-Bas,» réduite d'après celle de Ferraris (Bruxelles, J. Coché), mentionne également un cabaret dit « de l'Empereur. »

La tombe de l'Empereur appartient actuellement à la famille de Woot de Trixhe, ainsi que la terre sur laquelle elle est assise et qui est renseignée au plan cadastral de la commune de Villers-le-Peuplier (canton d'Avennes, arrondissement administratif de Waremme) sous le n° 490 de la section B.

M. le baron Florent de Woot de Trixhe, propriétaire du charmant château de Moxhe, s'empressa, à notre demande, et avec la plus grande affabilité, de nous accorder l'autorisation. d'explorer ce tertre, en abandonnant généreusement au Musée de Liége le produit éventuel des fouilles.

Les travaux d'exploration, dont l'Institut voulut bien nous confier la direction, furent commencés le mardi 10 juin, à onze heures du matin, au moyen d'une galerie horizontale de 2 m. d'élévation ouverte au Sud-Ouest, et avec l'aide de deux ouvriers, le nommé Pierre-Joseph Lamproye, journalier à Moxhe, (déjà employé lors des recherches faites dans la tombe d'Avennes), et son fils, Nicolas Lamproye.

Dès l'après-midi du lendemain 11, la pioche mettait au jour des fragments d'une patère grossière (n° 10 de la fig. 2, pl. III bis), fragments engagés dans l'argile presque à hauteur de notre voûte, et accompagnés d'une côte d'un animal d'assez forte taille. Peu après les ouvriers nous firent appeler en annonçant qu'ils venaient de découvrir le caveau. C'était en effet une sépulture, ou plutôt une réunion d'objets mobiliers qui venait de s'offrir inopinément à la vue dans la paroi de droite de notre galerie et à environ 100 au-dessus du niveau de la campagne voisine.

Avant de passer à un examen détaillé des proportions et de la situation de ce caveau, nous allons donner une description sommaire des objets qu'il renfermait.

A. Deux ollas en terre noire commune (voir pl. IV, fig. 7). Nous

ne nous arrêterons pas à ces deux objets, que l'on rencontre fréquemment dans tous les Musées de l'Europe.

B. Deux très-petites cruches en terre jaune (voir pl. IV, fig. 2). Leur exigüité pourrait faire croire que nous avons affaire à un jouet d'enfant. Les cruches de cette dimension abondent cependant dans les collections, et le Musée de Liége, entre autres, en possède déjà plusieurs.

C. Une cruche de la même terre et du même modèle que les précédentes, mais de plus grandes dimensions (voir pl. IV, fig. 1). La tombe d'Avennes nous avait déjà précédemment fourni deux cruches de ce modèle, mais d'une taille encore plus forte (voir le rapport sur cette dernière exploration, pl. VI, fig. 12). Ces sortes d'objets sont généralement considérés comme ayant servi à contenir de l'eau ou du vin. D. Un vase en terre grise très-commune, peu cuite et excessivement friable; la panse est ornée de lignes circulaires en creux (voir pl. IV, fig. 4).

E. Un autre vase, ne différant guère du précédent qu'en ce qu'il est un peu moins élevé, mais plus large à la panse; celle-ci est garnie de lignes circulaires semblables (voir pl. IV, fig. 3). La poterie dont il est ici question paraît se rapprocher de celle dont M. Schuermans a trouvé un spécimen dans la tombe de Middelwinden (Neerwinden) et qu'il décrit en ces termes : « poterie grossière à peine cuite, » poterie s'émiettant dans les doigts, et n'ayant pas du >> tout les caractères de la poterie romaine, mais pouvant >> être tout simplement un vase fait sur les lieux mêmes, et » accidentellement mêlé à des vases plus recherchés (1).» F. Deux cruches identiques en terre jaunâtre et munies chacune d'une double anse. Ces deux objets, brisés en une infinité de morceaux, dont une bonne partie se trouvait même en dehors du caveau, n'ont pu, malgré des recherches poussées à plus de deux mètres de celui-ci, être retrouvés

(*) Bulletin des com, roy, d'art et d'archéologie, IV, p. 392, pl. III, fig. 14.

en entier; on a pu toutefois en rétablir la forme et les dimensions (pl. IV, fig. 6).

G. Deux autres cruches à panse fort large et à goulot évasé

formé de plusieurs lobes successifs qui s'étagent en gradins, auxquels l'anse vient se rattacher (pl. IV, fig. 5). Cette forme, d'une très-grande élégance et que nous n'avons rencontrée jusqu'ici dans aucune collection du pays, pourrait bien être nouvelle.

Remarquons ici cette particularité que presque tous les vases recueillis avaient été déposés par couple dans le

caveau.

H. Une patère grossière, très-basse de forme et recouverte d'un vernis d'un rouge jaunâtre (pl. IV, fig. 8). Nous en avons déjà parlé précédemment en la signalant comme le premier objet trouvé par les ouvriers, et ainsi que nous l'avons déjà dit, un peu en dehors du caveau. Elle est cependant d'une fabrication indubitablement romaine, et semble avoir une grande analogie avec celle trouvée dans la tombe Hémava et décrite par M. Schuermans comme << patère de terre cuite revêtue d'un vernis rouge, mais >> qui est moins adhérent que celui de la poterie » samienne (1). » C'est du reste un objet que l'on rencontre très-fréquemment dans les substructions romaines, ainsi que dans les tumulus (2). Notre patère diffère de celles qui ont été recueillies dans la tombe d'Avennes, en ce que ces dernières sont de moindre dimension et recouvertes d'un vernis d'un rouge plus foncé (3).

(1) Bulletin des com. roy. d'art et d'archéologie, IV, p. 374, no VII, pl. I, fig. 10. (*) Voir entre autres, Bulletin des com. roy. d'art et d'archéologie, IV, p. 383, pl. II, fig. 26; IV, p. 424, pl. IV, fig. 33; VI, p. 278, pl. XII, fig. 26, 27, 28; VI, p. 166, pl. V, fig. 23 à 28, etc.

(3) Voir notre rapport sur les fouilles exécutées dans le tumulus d'Avennes ( Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, tome XII, 2me livraison, page 211, planche VI, fig. 3).

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