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Prêtait un nouveau lustre aux beautés de Racine,

Un voile aux défauts de Pradon.

Comme auteur, Baron se présente avec sept comédies, tant en prose qu'en vers, savoir: le Jaloux, la Coquette, le Coquet trompé, les Enlèvements, l'Homme à bonnes fortunes, l'Andrienne et les Adelphes. Ces deux dernières, imitées de Térence, ont été attribuées au P. La Rue, jésuite.

On lit encore dans La Bruyère à propos de Baron :

« Ce n'est point assez que les mœurs du théâtre ne soient point mauvaises, il faut encore qu'elles soient décentes et instructives.... C'est le propre de l'efféminé (l'Homme à bonnes fortunes) de se lever tard, de passer une partie du jour à sa toilette, de se voir au miroir, de se parfumer, de se mettre des mouches, de recevoir des billets et d'y faire réponse : mettez ce rôle sur la scène; plus longtemps vous le ferez durer, un acte, deux actes, plus il sera naturel et conforme à son original. mais plus aussi il sera froid et insipide. (Caractères).

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Hauteroche, Boursault,

Hauteroche, (Noël le Breton, sieur de), fils d'un riche huissier, fut conduit par la misère, résultat d'une mauvaise conduite, à se faire acteur en Espagne, en Allemagne, puis en France. Il a donné huit comédies tant en prose qu'en vers, qui eurent plus ou moins de succès, et dont quelques-unes sont empruntées au théâtre espagnol. Les seules qui soient restées au répertoire sont le Deuil, l'Esprit follet, ou la Dame invisible, et Crispin médecin. On y trouve de la gaieté, et cette entente de la scène que la profession de comédien doit donner à tout homme qui n'est pas dépourvu d'esprit; mais il n'y a aucune peinture de mœurs ni de caractères, et trop souvent le comique y dégénère en farce et même en gravelure. D'Hauteroche mourut en 1707 à l'âge de quatre-vingt-dix ans.

Edme Boursault, né l'an 1638, en Bourgogne, vint à Paris en 1651, ne parlant encore que le patois de sa province. Il se mit à l'étude avec tant d'ardeur, et tels furent ses progrès, qu'on le chargea de composer un livre pour l'éducation du Dauphin :

il a pour titre : La véritable étude des Souverains (1671.) Après avoir entrepris deux gazettes qui ne purent se continuer, il se livra au théâtre. Plusieurs de ses pièces eurent un succès qui ne s'est point démenti, telle que le Mercure galant, Esope à la ville et Esope à la cour. Il fit aussi deux tragédies qui sont oubliées, Marie-Stuart et Germanicus. On lui doit encore :

1o Le Portrait du peintre, mauvaise critique de l'Ecole des femmes de Molière, qui l'en punit assez durement dans l'Inpromptu de Versailles;

2o Quatre nouvelles : le Prince de Condé, le Marquis de Chavigny, Artémise et Poliante, Ne pas croire ce qu'on voit, pièces qui sont bien écrites et qui se lisent encore avec intérêt ;

3o Lettres à Babet, et des Lettres nouvelles accompagnées de fables, de contes, d'épigrammes, de remarques et de bons

mots.

Boursault mourut en 1701.

Charles Chevillet, sieur de Champmeslé, le mari de l'actrice fameuse qui créa de nombreux et beaux rôles dans les tragédies de Racine, (Bérénice, Roxane, Monime, Iphigénie, Phedre, etc.) a laissé quelques belles pièces, les Grisettes, ou Crispin chevalier, l'Heure du berger, la Rue Saint-Denis, le Parisien, les Fragments de Molière, la Veuve. Ces pièces ne manquent pas d'intérêt; le dialogue en est naturel; l'auteur sait trouver des incidents heureux et plaisants, des situations neuves et intéressantes; mais son style est peu correct, et la conduite du plan ne répond pas au mérite des détails. On prétend qu'il a eu une grande part dans quatre pièces de La Fontaine : le Florentin, la Coupe enchantée, le Veau perdu et Je vous prends sans verd.

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Brueys (16401723) et Palaprat (1650 1721), natifs l'un d'Aix, et l'autre de Toulouse, le premier ecclésiastique, le second secrétaire du grand-prieur de Vendôme, contractèrent, par suite de leur goût commun pour le théâtre, une association dramatique, dont le Grondeur et le Mue! furent les principaux fruits. «La petite comédie du Grondeur, dit Voltaire, est supérieure à toutes les farces de Molière. » Le Muet, imité de l'Eunuque de Térence, ne peut lui être mis en parallèle; mais il est

soutenu par la vivacité de l'intrigue, l'intérêt de l'action, la verve et le comique d'un rôle dont l'effet dépend néanmoins en grande partie du jeu de l'acteur. Dans ces deux pièces et d'autres (le Concert ridicule, le Secret révélé, le Sot toujours sot, ou la Force du sang), c'est Brueys qui mit la plus large part d'esprit et de talent.

On doit à Brueys seul l'Avocat Patelin, ancien monument de la gaieté française, qu'il rajeunit, l'Important, les Empiriques, l'Opiniâtre, les Quiproquo, les Embarras du derrière du théâtre, et trois tragédies, Gabinie, Asba et Lysimacus, dont la première fut jouée avec quelques succès.

Au commencement de sa carrière, Brueys avait composé des ouvrages théologiques de controverse; il finit comine il avait commencé, pour réparer les erreurs de son âge mûr. Avant de travailler pour le théâtre, il avait publié:

-

L'Examen des raisons qui ont donné lieu à la séparation des protestants; la Défense du culte extérieur de l'Eglise catholique; les Traités de l'Eucharistie et de la sainte Messe, Lorsqu'il eut renoncé aux frivolités dangereuses de la scène, il donna:

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etc.

Le Traité de l'Obéissance des chrétiens aux puissances temporelles; -l'Histoire du fanatisme; le Traité du légitime usage de la raison.

Palaprat a fait seul plusieurs pièces, entre autres Hercule et Omphale, les Sifflets, le Ballet extravagant et la Prude du temps.

L'association de Brueys et de Palaprat a fourni à M. Etienne le sujet d'une comédie qui se joue au Théâtre Français.

Montfleury, né en 1640, fils d'un acteur, a donné au théâtre un assez grand nombre de pièces dont une seule a été conservée: c'est la Femme juge et partie, dont l'intrigue est fondée sur l'aventure d'un marquis de Fresne, accusé d'avoir vendu sa femme à un corsaire. Montfleury connaît la scène, mais il est trop licencieux.

Jean Donneau de Visé ou Vizé (1640 — 1710), le créateur du Mercure galant, se fit d'abord connaitre par son goût satirique, en publiant (1663), à la suite d'un recueil de Nouvelles, l'exa

men des ouvrages de Molière et de la Sophonisbe de Corneille. Il eut au sujet de cette pièce un démêlé fort vif avec l'abbé d'Aubignac. Contre Molière, qu'il ne cessa de poursuivre, il fit, la même année, Zelinde ou la véritable critique de l'Ecole des femmes et la Critique de la critique, comédie qui ne fut pas jouée. Deux ans après, il débuta sur le théâtre par la Mère coquette, ou les Amants brouillés, sujet traité par Quinault d'une manière supérieure. Il donna successivement la Veuve à la mode, Délie, Vénus et Adonis, le Gentilhomme Guespin, ou le Campagnard, les Intrigues de la loterie, les Amours du soleil, le Mariage d' Ariane et de Bacchus, toutes pièces écrites en vers et qui furent souvent représentées. En 1672, il conçut l'idée de publier, sous le titre de Mercure galant, un journal dans lequel, aux nouvelles de la cour, il joignit les anecdotes qu'il pouvait recueillir, des pièces de vers, l'indication des modes, et l'annonce des ouvrages nouveaux. Il y attaqua sans décence les chefs-d'œuvre de Racine et de Molière, réservant ses éloges pour les Cotin, les Perrault, etc. En 1689, il s'associa Thomas Corneille, avec lequel il avait déjà donné quelques comédies (Circé, l'Inconnu, Madame Jobin, ou la Devineresse, la Pierre philosophale). Il composa seul les Dames vengées, ou la Dupe de soi-même, l'Aventurier, et le Vieillard couru, comédies en cinq actes. On doit encore à Visé des Mémoires pour servir à l'histoire de Louis XIV, l'Histoire du siége de Toulon etc.

Après la mort de Visé, son journal fut continué sous le nom de Mercure de France.

Charles Rivière-Dufresny, né l'an 1648, à Paris, était arrièrepetit-fils de cette paysanne d'Anet, connue sous le nom de la Belle-Jardinière et qui fut distinguée par Henri IV. Comme Molière, il fut valet de chambre de Louis XIV: ce prince, qui l'aimait beaucoup, le combla de bienfaits, mais il ne put l'enrichir. Dufresny dissipait en plaisirs tout ce qu'il obtenait d'un maitre trop indulgent; il épousa, pour se libérer, sa blanchisseuse, dont il était le débiteur; trait que Lesage a placé dans son Diable boiteux. Dufresny travailla alors pour le théâtre. Après avoir aidé Regnard dans ses premières compositions, il fit jouer un grand nombre de pièces qu'il avait composées seul,

et parmi lesquelles on remarqua le Mariage fait et rompu, le Double veuvage, la Réconciliation normande et l'Esprit de contradiction, petit acte en prose. Ces pièces et celles qui réussirent moins (la Noce interrompue, le Faux honnéte homme, où Voltaire a pris son rôle de Freeport, le Faux instinct, le Jaloux honteux de l'être, réduit en trois actes par Collé, le Lot supposé, le Dépit, etc) sont remplies de choses ingénieuses. Dufresny, qui pétillait d'esprit, prêtait cet esprit à tous ses personnages, ce qui jette dans ses comédies une couleur un peu monotone. Néanmoins, sa prose est agréable à lire, et son dialogue a un tour aisé. On ne peut en dire autant de ses vers : à force de vouloir exprimer beaucoup de choses en peu de mots, il hache son style, et prive sa versification d'harmonie et de facilité.

Dufresny a travaillé aussi au Mercure de France. Les volumes qui sont de lui fourmillent de ces traits d'esprit et d'enjouement qu'il savait répandre dans toutes ses productions. On a encore de lui le Puits de la vérité, histoire gauloise, des Nouvelles historiques, diverses Poésies et les Entretiens ou Amusements sérieux et comiques. Dans ce dernier ouvrage, il introduisit un Siamois, faisant une critique de nos usages et de nos mœurs. Il est vraisemblable que cette ingénieuse production a fourni l'idée des Lettres persanes, des Lettres turcques, des Lettres chinoises, etc; mais les imitateurs n'ont pas imité la sagesse et la réserve de leur modèle.

Florent Carton-Dancourt (1661-1726), d'abord assez bon avocat, se laissa détourner de cette carrière par l'ardente passion qu'il conçut pour la fille du comédien La Thorillière. Il l'épousa et entra avec elle au théâtre (1685). C'est de cette année que date sa première pièce, le Notaire obligeant ou les Fonds perdus, qui fut jouée treize fois de suite, grand succès pour le temps. Bientôt la fécondité de son esprit devint telle que, dans l'espace de trente-trois ans, il composa plus de soixante ouvrages dramatiques. Il faut dire aussi que l'auteur courait après l'historiette ou l'objet du moment, pour en faire un vaudeville qu'on oubliait aussi vite que le fait qui l'avait fait naître. De ce genre sont: la Foire de Bezons, la Foire de Saint

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