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Commirus jacet hìc, ipsâ re et nomine mirus :
Turo fuit patria; moribus Huro fuit.

Rapin.

Rapin (René), savant Jésuite, célèbre par son talent pour la poésie latine, naquit à Tours en 1621. Il enseigna pendant neuf ans les belles lettres avec un succès distingué, et s'appliqua toujours avec ardeur à l'étude. A un génie heureux et à un goût éclairé, il joignait une probité exacte, un cœur droit et un caractère aimable: aussi fut-il regretté, non-seulement pour ses talents, mais encore pour ses mœurs douces et honnêtes. Comme écrivain, il a laissé des titres nombreux; mais le premier de tous est sans contredit son poème sur les Jardins, ouvrage charmant quoique écrit en latin par un auteur moderne. Delille, en travaillant sur le même sujet, a bien pu le surpasser, et réunir un plus grand nombre de suffrages, mais il ne l'a point fait oublier. Virgile semble lui-même avoir indiqué ce sujet aux poètes, en regrettant de ne pouvoir le traiter, dans ces vers du quatrième livre des Géorgiques :

Si mon vaisseau, longtemps égaré loin du bord,
Ne se hâtait enfin de regagner le port,
Peut-être je peindrais les lieux chéris de Flore;
Le narcisse en mes vers s'empresserait d'éclore;
Les roses m'ouvriraient leurs calices brillants;
Le tortueux concombre arrondirait ses flancs;
Du persil toujours vert, des pâles chicorées,
Ma Muse abreuverait les tiges altérées;

Je courberais le lierre et l'acanthe en berceaux,
Et le myrte amoureux ombragerait les eaux.

C'est à ces vers, dit le traducteur des Géorgiques, que Rapin a dû la première idée de son poème. Dryden prétend que cette esquisse de Virgile, que nous venons de citer, vaut mieux que tout l'ouvrage de Rapin. Ce jugement nous paraît injuste. Le poème des Jardins est plein d'agréments et de poésie. On n'y trouve pas cependant la précision dont le loue l'abbé Desfontaines. Il est moins long que Vanière; mais ni l'un ni l'autre n'ont connu comme Virgile cette heureuse distribution, cette sage éco

nomie d'ornements. L'harmonie imitative, cette qualité essentielle de la poésie, qui est portée à un si haut point par le poète romain, se trouve rarement dans les deux poètes modernes, et presque jamais ils n'ont eu ni sa force ni son élévation. Les épisodes des Géorgiques suffisent seuls pour mettre une distance immense entre cet ouvrage et les deux autres, dont les digressions sont toujours froides. Virgile a encore un avantage sur Rapin: c'est l'importance de l'objet de ses leçons. L'art qui féconde les guérets est bien autrement intéressant que celui qui embellit les jardins; et l'on ne partage pas aussi volontiers les transports d'un fleuriste passionné à la vue du plus beau parterre de fleurs, que ceux d'un laboureur à la vue d'une abondante moisson.

On doit critiquer dans l'ouvrage du Père Rapin la profusion des détails mythologiques qui lui impriment un caractère trop peu chrétien. Ainsi, c'est une grande faute que d'avoir mêlé au nom de tant de divinités païennes celui de Jésus-Christ à propos du lis et de la fleur de la passion.

On fait cas aussi des Eglogues sacrées de Rapin, quoiqu'elles n'approchent pas non plus des Bucoliques de Virgile. Malgré les talents de ce pieux Jésuite pour la poésie, il n'en était pas entêté, et n'en faisait pas son unique occupation. On sait qu'ayant été choisi pour juge par Du Perrier et Santeuil, qui avaient parié à qui ferait le mieux des vers latins, il leur reprocha leur vanité, et, loin de consentir à être leur arbitre, il alla jeter dans un tronc des pauvres l'argent déposé entre ses mains. Il composait aussi souvent des ouvrages de piété, et, d'ordinaire, c'était alternativement qu'il publiait un livre de religion et un ouvrage de littérature: aussi l'abbé de La Chambre disait que ce Père servait Dieu et le monde par semestre.

Ces occupations remplirent sa vie tout entière, et il mourut à Paris en 1687.

Parmi les œuvres de Rapin nous citerons, outre ses Jardins et ses Eglogues, ses Comparaisons d'Homère et de Virgile, de Démosthène et de Cicéron, d'Aristote et de Platon; ses Réflexions sur l'éloquence, son Esprit du Christianisme, son Importance du salut, ses Remarques sur la poésie, et ses Instructions pour l'histoire, tous ouvrages aussi distingués par la précision et la

netteté du style, que par la sagacité des observations et la solidité des préceptes.

Vanière.

Jacques Vanière, Jésuite, naquit à Caux, bourg du diocèse de Béziers, en 1664, et mourut à Toulouse en 1739. Son talent pour la poésie latine s'annonça par deux poèmes, l'un intitulé Stagna, et l'autre Columbæ, qui lui firent beaucoup de réputation. Santeuil, après les avoir lus, dit, en parlant de l'auteur, que ce nouveau-venu les avait tous dérangés sur le Parnasse. Les poèmes snr la vigne (Vitis) et le potager (Olus) accrurent encore la renommée de Vanière. Encouragé par le succès de ces opuscules, il conçut le projet de les refondre et de les réunir dans un seul ouvrage qui contiendrait la description des travaux et de la vie des champs. C'est ce qu'il exécuta dans le Prædium rusticum. Ce poème est divisé en seize livres. Dans le premier, l'auteur traite du choix et de l'achat de la ferme; dans le deuxième, des qualités qu'il faut chercher dans ses serviteurs. Les deux suivants sont consacrés aux soins des troupeaux; le cinquième et le sixième aux arbres; le septième et le huitième. aux travaux annuels de la campagne; le neuvième contient le potager; le dixième et le onzième, la vigne et l'art de faire le vin; le douzième, la basse-cour; le treizième, le colombier; le quatorzième, les abeilles ; le quinzième, les étangs ; le seizième, la garenne et le parc. C'est moins un poème qu'une suite de petits poèmes charmants. On peut reprocher à l'auteur quelques fautes de goût, quelques épisodes déplacés; mais la douceur et la grâce du style, le charme des descriptions, en font toujours les délices des amateurs de la poésie latine.

Le jugement de Delille sur Vanière mérite d'être rapporté. « De tous les poèmes dont Virgile a fourni l'idée et le modèle, dit-il, le plus considérable est le Prædium rusticum du Père Vanière. Il a traité dans le plus grand détail toutes les parties de l'agriculture, et c'est peut-être le défaut de son ouvrage. Il est plus abondant que Virgile; Virgile est plus rapide que lui. Le poète romain est plus agréable, dans des détails arides, que le poète toulousain dans les objets les plus riants. Celui-ci explique

nomie d'ornements. L'harmonie imitative, cette qualité essentielle de la poésie, qui est portée à un si haut point par le poète romain, se trouve rarement dans les deux poètes modernes, et presque jamais ils n'ont eu ni sa force ni son élévation. Les épisodes des Géorgiques suffisent seuls pour mettre une distance immense entre cet ouvrage et les deux autres, dont les digressions sont toujours froides. Virgile a encore un avantage sur Rapin: c'est l'importance de l'objet de ses leçons. L'art qui féconde les guérets est bien autrement intéressant que celui qui embellit les jardins; et l'on ne partage pas aussi volontiers les transports d'un fleuriste passionné à la vue du plus beau parterre de fleurs, que ceux d'un laboureur à la vue d'une abondante moisson.

On doit critiquer dans l'ouvrage du Père Rapin la profusion des détails mythologiques qui lui impriment un caractère trop peu chrétien. Ainsi, c'est une grande faute que d'avoir mêlé au nom de tant de divinités païennes celui de Jésus-Christ à propos lis et de la fleur de la passion.

On fait cas aussi des Eglogues sacrées de Rapin, quoiqu'elles n'approchent pas non plus des Bucoliques de Virgile. Malgré les talents de ce pieux Jésuite pour la poésie, il n'en était pas entêté, et n'en faisait pas son unique occupation. On sait qu'ayant été choisi pour juge par Du Perrier et Santeuil, qui avaient parié à qui ferait le mieux des vers latins, il leur reprocha leur vanité, et, loin de consentir à être leur arbitre, il alla jeter dans un tronc des pauvres l'argent déposé entre ses mains. Il composait aussi souvent des ouvrages de piété, et, d'ordinaire, c'était alternativement qu'il publiait un livre de religion et un ouvrage de littérature: aussi l'abbé de La Chambre disait que ce Père servait Dieu et le monde par semestre.

Ces occupations remplirent sa vie tout entière, et il mourut à Paris en 1687.

Parmi les œuvres de Rapin nous citerons, outre ses Jardins et ses Eglogues, ses Comparaisons d'Homère et de Virgile, de n mosthène et de Cicéron, d'Aristote et de Platon; ses Réf sur l'éloquence, son Esprit du Christianisme, son 1 du salut, ses Remarques sur la poésie

l'histoire, tous ouvrages au

plusieurs fois dans les colléges des Jésuites, ainsi que ses autres pièces.

Sa meilleure comédie, les Incommodités de la grandeur, dont il a peut-être emprunté le sujet au Roi de Cocagne, de Legrand, fut jouée au Louvre devant Louis XV.

Le recueil de ses Poésies françaises, consistant en épitres, fables, contes, épigrammes, a été souvent imprimé. On y remarque le joli conte de la Nouvelle Eve.

« On trouve dans ses poésies françaises, dit Voltaire, qui sont du genre médiocre, quelques vers naïfs et heureux. Il a mělé à la langue épurée de son siècle le langage marotique, qui énerve la poésie par sa malheureuse facilité, et qui gâte la langue de nos jours par des mots et des tours surannés. » (Siècle de Louis XIV.)

Le Père Du Cerceau a encore laissé de nombreux ouvrages en prose, dont voici les principaux :

Réflexions sur la poésie française; les Vies de Socrate et de Platon, dans les Vies des anciens philosophes, attribuées à Fénélon; l'Histoire de Thamas-Kouli-Kan, sophi de Perse; la Conjuration de Rienzi, achevée par le Père Brumoy.

Du Cerceau périt d'une mort tragique, le 4 juillet 1730, au château du duc d'Estrées, situé à Véret, près de Tours. Le jeune prince de Conti, dont il était précepteur, le tua, par imprudence, d'un coup de fusil.

Je ne suis point surpris, dit J.-B. Rousseau, que les poésies du Père Du Cerceau n'aient pu soutenir le jour de l'impression, non qu'elles ne soient pleines d'esprit et de traits fort gracieux, mais par une certaine abondance malheureuse et ordinaire aux esprits qui ne savent ni choisir ni se borner. Un auteur discret et qui veut ménager ses lecteurs, est obligé de sacrifier souvent de bonnes choses, et il doit regarder son ouvrage comme un festin auquel ses convives ne peuvent plus prendre plaisir dès que leur appétit est rassasié. Le Père Du Cerceau n'a point songé au précepte d'Horace luxuriantia compescet. J'ai entendu trois ou quatre de ses pièces chez madame sa sœur, que je voyais souvent au Palais-Royal, et il m'a toujours paru qu'on pouvait dire de lui ce qui a été dit d'Ovide, qu'il aurait

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