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gnements puisés dans les dépôts publics du Nord et de la Belgique. Le Coup d'œil sur Belleforière (t. XIX, p. 5-84) est un travail du même genre, renfermant, avec une analyse des titres de cette seigneurie depuis 1076, une généalogie détaillée de la famille de ce nom de 1344 à 1751, qui, sur un certain nombre de points, apporte des corrections à l'Histoire généalogique du P. Anselme.

La charte relative à la donation faite aux templiers par Baudouin Brochat d'Henin' est un document important pour l'histoire des ordres militaires, si l'on peut, ainsi que le propose l'éditeur de ce document, le faire remonter à 1120. Seulement nous regrettons que M. Brassart ait cru devoir en donner le texte en conservant les abréviations. C'est un procédé trop souvent employé dans les publications faites en province et nous ne saurions trop nous associer aux observations que faisait à ce sujet notre confrère M. Servois dans un récent compte rendu au comité des sociétés savantes.

Ne pouvant nous arrêter plus longtemps sur les autres travaux que renferment ces deux volumes, je me bornerai à signaler deux notices sur Jean Wauquelin, traducteur de Jacques de Guise, et sur Jean de Magnicourt de Verchin, chroniqueur flamand du xve siècle, notices intéressantes et rédigées à l'aide de documents nouveaux. Une biographie de M. Auguste Preux termine le dernier de ces volumes et rend un hommage mérité au fondateur des Souvenirs de la Flandre wallonne. Comte DE MARSY.

De arte scribendi epistolas apud Gallicos medii ævi scriptores rhetoresve facultati litterarum Parisiensi thesim proponebat N. VALOIS. Paris, A. Picard, 1880, in-8°, 95 p.

Cette thèse n'est pas une dissertation purement académique, mais une œuvre d'érudition qui mérite, à ce titre, d'être signalée aux lecteurs de la Bibliothèque. Elle se rattache en outre par certains côtés à la diplomatique. L'auteur y décrit les procédés de composition suivis par les écrivains du moyen âge; sans doute il se préoccupe surtout des lettres, mais les préceptes de l'art épistolaire étaient souvent appliqués à la rédaction des actes. Ne trouve-t-on pas dans des chartes du XIIe siècle des exordes empruntés à l'Écriture sainte et semblables à ceux qu'on plaçait souvent en tête des lettres? M. Valois s'est presque exclusivement servi de documents qui ont été jusqu'ici fort peu utilisés pour les études de diplomatique : ce sont les traités d'art épistolaire et les formulaires; il en signale une vingtaine, presque tous inédits, qui sont

1. Un Seigneur d'Henin-Liétard, bienfaiteur des templiers (tome XIX, p. 116-138).

d'origine française et vont de l'année 1180 jusqu'à la fin du xve siècle. Les deux premiers chapitres ne sont qu'une introduction; le troisième, consacré à l'enseignement de l'art épistolaire, est un des plus intéressants de tout le travail. Au xòe siècle, cet enseignement n'existait pas encore. On se formait le style en apprenant par cœur les ouvrages de Cicéron, ou en transcrivant les lettres d'un écrivain renommé de l'époque; celles de Hildebert, évêque du Mans, furent longtemps considérées comme des modèles du genre. Dès le commencement du XIe siècle, on voit apparaître des professeurs d'art épistolaire; les traités sur cette matière, Dictamina, Summæ dictaminis, Artes dictandi, se succèdent sans interruption. La science nouvelle, importée d'Italie, fut accueillie avec tant de faveur que non seulement les études sérieuses, mais la poésie même furent délaissées. Cet enthousiasme s'explique moins par l'attrait de la nouveauté que par les perspectives brillantes qu'on faisait miroiter aux yeux des étudiants. « L'art épistolaire, écrit l'un d'eux à un de ses amis, « vous ouvre le palais des rois et vous fait arriver aux plus hautes <charges de l'Église. >> Aussi les maîtres en cet art ne manquent-ils jamais de faire ressortir les avantages qu'offre cette étude lucrative.

L'enseignement de l'art épistolaire en France a pris naissance dans les écoles de rhétorique et de grammaire fondées à Orléans par l'évêque Théodulf; mais c'est à Meung que cet enseignement a jeté le plus d'éclat. Les auteurs de Dictamina célèbrent à l'envi dans un langage hyperbolique l'école de Meung, cette source vive qui ne tarit jamais et coule d'autant plus abondante qu'on y vient puiser en plus grand nombre. Quelquefois leur admiration les conduit à d'étranges méprises les uns font de Meung un siège archiepiscopal; les autres remplacent les mots fons Magdunum par l'expression bizarre de fons madidus. L'étude de l'art épistolaire s'était répandue de l'Orléanais dans toute la France; elle avait pénétré jusque dans les cloîtres, à Clairvaux notamment. Et cependant cette extension coïncide avec la décadence de cette branche de la littérature. On ne trouve plus en effet, au XIIe siècle, de collections de lettres comme on en rencontre tant au XII. C'était la conséquence du développement qu'avait pris ce genre d'études. La composition d'une lettre n'étant plus une œuvre d'art, mais une affaire de routine, les écrivains de mérite dédaignèrent de composer des livres de lettres comme eût pu le faire le premier étudiant venu.

Après avoir décrit les Dictamina qu'il a consultés et en avoir fixé la date, M. Valois expose les règles contenues dans ces traités, que leurs auteurs s'efforcent de rendre aussi intéressants que possible. Ils donnent pour exemples des lettres qui devaient être d'un usage fréquent, telles que l'épître d'un étudiant qui demande de l'argent à son père ou à son oncle, et la réponse du père à son fils. Ils traitent parfois des sujets étranges Job écrira à la Fortune pour se plaindre de sa pauvreté ; l'âme exposera au Créateur ses griefs contre le corps. La lettre du corps

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est suivie d'une réponse du Créateur qui l'engage à se corriger, et d'une réplique du corps qui s'excuse sur sa faiblesse. Ces bizarreries ne suppléent point au manque d'originalité qui est le défaut commun de tous ces traités. Les auteurs de Dictamina imitent presque toujours leurs devanciers, qui s'étaient inspirés des ouvrages de Cicéron, de Quintilien ou d'Isidore de Séville. Ils se bornent souvent à augmenter le nombre des exemples donnés précédemment; tout au plus s'efforcent-ils de les disposer d'une façon quelquefois plus ingénieuse, toujours plus recherchée.

Les deux points dont ils se préoccupaient le plus sont la construction et le nombre oratoire. La première de ces matières est traitée avec un grand soin dans les Dictamina. On distingue l'ordre naturel et l'ordre artificiel. L'ordre artificiel est l'objet de prescriptions minutieuses qu'on trouve appliquées dans les bulles et même dans les chartes du xir et du XIIe siècle. Voici quelques exemples de cet ordre artificiel. Tantôt on disposera les mots selon l'ordre des cas dans la déclinaison, en plaçant d'abord le nominatif ou le génitif et en terminant par l'ablatif, comme dans cette phrase: Trium puerorum laudibus hymnum debitum voce consona persolvamus. Tantôt on intercalera une préposition, qui régit un mot accompagné d'un qualificatif, entre le substantif et l'épithète et on dira: Vado socium ad meum dilectum. Ces transpositions sont parfois peu heureuses, mais M. Valois va peut-être un peu loin quand il leur reproche de prêter à l'obscurité. Les constructions recommandées dans les Dictamina ne nuisent pas en général à la clarté; il suffit de citer pour exemple la locution courante Vestre probitatis fama nostras pervenit ad aures. Quant au reproche de redondance qu'on a fait aux maîtres d'art épistolaire, il est plus justifié; mais on ne saurait les blâmer beaucoup de remplacer les pronoms personnels par ces formules de politesse mea parvitas, mea humilitas, ou de multiplier les adverbes comme sane, profecto, quidem, scilicet, puisqu'ils ne font que se conformer en cela aux préceptes des rhéteurs latins. Du reste ils ne s'abusaient pas autant qu'on serait tenté de le croire sur la valeur des divers ornements du style; c'est ainsi que la recherche des désinences semblables, fort en honneur au xre et au XIIe siècle, était presque complétement abandonnée au xiv.

Le nombre oratoire est aussi l'objet de détails minutieux. Les auteurs de Dictamina en ont emprunté les règles à l'Orator de Cicéron et ils les ont appliquées au style épistolaire, en les modifiant toutefois considérablement. Jusqu'au xır° siècle les écrivains semblent surtout chercher å flatter l'oreille par un heureux choix de mots. On voit à cette époque les règles du nombre s'introduire pour la première fois dans la chancellerie pontificale; elles y ont été depuis toujours observées. On se préoccupait surtout de la fin des phrases: elles devaient se terminer par un mot dont la pénultième était brève quand le mot précédent avait

sa pénultième longue et réciproquement. C'était là le mode grégorien, le cursus Romane Ecclesie vel Curie qu'enseignaient la plupart des maîtres d'art épistolaire. On le trouve déjà observé au XIIe siècle dans les lettres de Jean de Salisbury; mais les esprits élevés, tels que saint Bernard et Pierre le Vénérable, ne s'inquiètent guère du nombre oratoire. C'est au xi° siècle que le mode grégorien devient d'un usage fréquent; on le rencontre alors dans la plupart des lettres et même dans des actes privés et des chartes.

Bien que les auteurs de Dictamina français s'inspirent de l'antiquité, les règles de quantité qu'ils donnent ressemblent bien peu à celles de la métrique latine. Ils appellent spondée tout dissyllabe, que ce soit un véritable spondée (præbē), un pyrrhique (mărě), un ïambe (ămā) ou un trochée (Roma). Ils entendent par dactyle tout mot de trois syllabes dont la médiane est brève; quant aux polyssyllabes, ils les considèrent comme des dactyles ou des spondées suivant que leur pénultième est brève ou longue. Cette confusion des brèves et des longues ne pouvait manquer de choquer l'oreille italienne. Aussi trouve-t-on dans les traités composés en Italie de vives protestations contre la doctrine des maîtres de l'école d'Orléans; on leur reproche de créer des spondées et des dactyles imaginaires et de s'attacher plutôt au nombre et à la place des syllabes qu'à leur valeur. Les auteurs de Dictamina recommandent de ne pas accumuler spondées sur spondées, dactyles sur dactyles, mais de les mélanger agréablement. Il faut se garder de commencer une phrase par un dactyle, à moins que la phrase précédente ne se termine par plusieurs spondées, ou qu'il ne s'agisse de mots tels que ceterum, igitur, quoniam, siquidem.

M. Valois a eu le mérite de se servir presque exclusivement de textes peu connus et pour la plupart inédits; c'est là ce qui fait la grande valeur de son travail. Il a tiré bon parti des documents nombreux qu'il a trouvés et il a su exposer des matières fort arides avec autant de clarté que d'élégance. Sa thèse contient une analyse fort complète et très instructive des préceptes contenus dans les Dictamina. Si M. Valois la publie de nouveau en français, comme nous l'espérons, cette forme nouvelle lui permettra de donner une plus large place aux recherches critiques sur la date et les auteurs des Dictamina, sur les principaux maîtres de l'art épistolaire, Bernard de Meung, Transmundus, Pons de Provence, Antoine Haneron'. On pourrait alors montrer, avec les développements nécessaires, l'application des préceptes des Dictamina à la rédaction des bulles, des chartes et des autres actes privés. Ce serait là un intéressant chapitre de diplomatique qui ajouterait encore au mérite du travail de M. Valois.

E.-J. TARDIF.

1. Antoine Haneron n'est-il pas l'auteur du Compendium de brevibus epistolis ad archidiaconum Tornacensem ? Voy. Pertz, Archiv, X, p. 552 et 571.

Eustache des Champs, sa vie et ses œuvres, par A. SARRADIN. Versailles, Cerf; Paris, Baudry; 1879, in-8°.

Il y a une année que M. Sarradin a soutenu cette thèse de doctorat devant la faculté des lettres de Paris. Elle n'a pas gagné en vieillissant. Nous attendions pour en parler que l'édition d'Eustache des Champs, entreprise sous les auspices de la Société des anciens textes par M. le marquis de Queux de Saint-Hilaire, se fût enrichie d'un nouveau volume, espérant trouver dans les pièces méthodiquement classées ou dans les notes explicatives une confirmation aux hypothèses personnelles de M. Sarradin. Il n'en a rien été. L'auteur ne s'est nullement préoccupé d'établir son étude critique sur des bases sérieuses. Il a pris les éditions de MM. Crapelet et Tarbé, en a tiré ce qu'elles contenaient sur la vie du poète, a fait quelques extraits de ballades ou de fabliaux, a interrogé de loin en loin l'un des mss. de Des Champs qui sont à la Bibliothèque nationale (fr. 830), et, en y joignant quelques passages de chroniques relatifs aux mœurs et aux événements généraux, il a composé son livre. C'est commode et très littéraire; mais, au milieu des excellentes études faites chaque jour sur notre vieille littérature, à la veille d'une édition définitive d'Eustache des Champs, n'était-on pas en droit d'espérer autre chose?

Il est vrai que l'auteur se soucie médiocrement des derniers travaux1. MM. Tarbé et Crapelet sont pour lui une autorité presque sans appel. Même après les publications de MM. Crapelet et Tarbé, est-il écrit dans l'introduction, il reste quelque chose à prendre dans l'immense collection de ses œuvres poétiques : erat quod tollere velles. » Quelque chose? on y pouvait prendre dix volumes in-8°, comme le fait à cette heure M. de Queux de Saint-Hilaire, et à plus forte raison une monographie bien faite. Or, il est impossible, chez M. Sarradin, de suivre les principaux traits, les grandes lignes de l'existence du poète champenois. Nous le voyons marié et père de famille, envoyant son fils en 1395 à l'université d'Orléans (p. 99), mariant sa fille et la dotant avec un appoint du duc d'Orléans en 1393 (p. 101), et l'instant d'après nous remontons au temps où, poète galant, il recueille la succession littéraire de Guillaume de Machaut (1377). Nous le suivons à l'expédition avortée de Charles VI contre l'Angleterre en 1386 (ch. X), nous lisons les ballades qu'il compose à cette occasion, nous descendons même aux fiançailles de Richard II avec la fille de Charles VI, et deux chapitres plus

1. La bibliographie même du sujet ne lui semble pas très familière. La moitié du chapitre XIX est consacrée au Traicté de Géta et d'Amphitryon, et rien ne fait supposer que l'auteur connaisse l'édition de cette comédie » donnée par M. de Queux de Saint-Hilaire, à la librairie Jouaust, en 1875.

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