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ments religieux, il ne voulut plus composer de vers que pour chanter les louanges de Dieu; ce qui donna occasion à Perrault de rappeler les quatre premiers vers d'un poème que Quinault avait commencé sur la destruction de l'hérésie.

Je n'ai que trop chanté les jeux et les amours;
Sur un ton plus sublime il faut nous faire entendre:
Je vous dis adieu, Muse tendre,

Et vous dis adieu pour toujours.

Quinault mourut le 26 novembre 1688, à l'âge de cinquante-trois ans. Il fut, dit-on, l'un des hommes les plus aimables et les plus agréables de son siècle, comme il en fut l'un des plus distingués par son esprit.

Les œuvres de Quinault ont été imprimées avec sa Vie, Paris, 1739 et 1778, 5 vol. in-12. M. Crapelet a publié pour la première fois, dans le format in-octavo, les OEuvres choisies de Quinault, précédées d'une Notice, qu'il a composée, sur la vie et les ouvrages de ce poète, et dont celle-ci est extraite.

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On ne peut trop aimer la douceur, la mollesse, la facilité et l'harmonie tendre et touchante de la

*

Voyez les jugements de Marmontel sur Quinault, Art. PROLOGUE et OPERA. Le même critique caractérise ainsi Quinault dans son Épitre aux Poètes :

Chantre immortel d'Atys et de Renaud,

O toi, galant et sensible Quinault,

poésie de Quinault. On peut même estimer beaucoup l'art de quelques-uns de ses opéra, intéressans par le spectacle dont ils sont remplis, par l'invention ou la disposition des faits qui les composent, par le merveilleux qui y règne, et enfin par le pathétique des situations, qui donne lieu à celui de la musique, et qui l'augmente nécessairement. Ni la grâce, ni la noblesse, ni le naturel, n'ont manqué à l'auteur de ces poèmes singuliers. Il y a presque toujours de la naïveté dans son dialogue, et quelquefois du sentiment. Ses vers sont semés d'images charmantes et de pensées ingénieuses. On admirerait trop les fleurs dont il se pare, s'il eût évité les défauts qui font languir quelquefois ses beaux ouvrages. Je n'aime pas les familiarités qu'il a introduites dans ses tragédies: je suis fâché qu'on trouve dans beaucoup de scènes, qui sont faites pour inspirer la terreur et la pitié,

L'illusion, aimable enchanteresse,
Mela son philtre à tes vives couleurs.

Le dieu des vers, le dieu de la tendresse,
T'ont couronné de lauriers et de fleurs.
Et qui jamais ouvrit à l'harmonie

Un champ plus vaste, un plus riche trésor?
En créant l'art, ton cœur fut ton génie.
En vain ta gloire en naissant fut ternie;
Elle renaît plus radieuse encor.

Dans tes tableaux quelle noble magie!

Dans tes beaux vers quelle douce énergie!

Si le Français, par Racine embelli,

Lui doit la grâce unie à la noblesse,

Il tient de toi, par ton style amolli,

Un tour liant et nombreux sans faiblesse.

F.

des personnages qui, par le contraste de leurs discours avec les intérêts des malheureux, rendent ces mêmes scènes ridicules, et en détruisent tout le pathétique. Je ne puis m'empêcher encore de trouver ses meilleurs opéra trop vides de choses trop négligés dans les détails, trop fades même dans bien des endroits. Enfin je pense qu'on a dit de lui avec vérité qu'il n'avait fait qu'effleurer d'ordinaire les passions. Il me paraît que Lulli a donné à sa musique un caractère supérieur à la poésie de Quinault. Lulli s'est élevé souvent jusqu'au sublime par la grandeur et par le pathétique de ses expressions; et Quinault n'a d'autre mérite à cet égard que celui d'avoir fourni les situations et les canevas auxquels le musicien a fait recevoir la profonde empreinte de son génie..... Avec des talents si aimables que ceux de Quinault, et la gloire qu'il a d'être l'inventeur de son genre, on ne saurait être surpris qu'il ait des partisans trèspassionnés, qui pensent qu'on doit respecter ses défauts mêmes. Mais cette excessive indulgence de ses admirateurs me fait comprendre encore l'extrême rigueur de ses critiques........ Les beautés que Quinault a imaginées demandent grâce pour ses défauts; mais j'avoue que je voudrais bien qu'on se dispensât de copier jusqu'à ses fautes. Je suis fâché qu'on désespère de mettre plus de passion, plus de conduite, plus de raison et plus de force dans nos opéra que leur inventeur n'y en a mis. VAUVENARGUES, Réflexions critiques sur quelques poètes.

Despréaux n'a jugé de Quinault que par ses

défauts, et les amateurs du poète lyrique n'en jugent que par ses beautés.

LE MÊME. Supplément, Réflexions et Maximes.

II.

Que Despréaux ait écrit:

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Pour trouver un auteur sans défaut, La raison dit Virgile, et la rime Quinault;

c'est de la satire, et de la satire même assez injuste en tous sens * (avec le respect que je lui dois); car la rime de défaut n'est point assez belle pour rimer avec Quinault; et il est aussi peu vrai de dire que Virgile est sans défaut que de dire que Quinault est sans naturel et sans grâces.

VOLTAIRE. Lettre sur le Temple du Gout.

Despréaux, par un ordre exprès du dieu du goût, se réconciliait avec Quinault, qui est le poète des grâces, comme Despréaux est le poète de la raison.

Mais le sévère satirique

Embrassait encore en grondant
Cet aimable et tendre lyrique,
Qui lui pardonnait en riant.

*Boileau, dans la Préface de la dernière édition de ses œuvres, a dit cependant, que dans le temps où il écrivit contre Quinault, tous deux étaient fort jeunes, et que Quinault n'avait pas fait alors beaucoup d'ouvrages qui lui ont acquis dans la suite une juste réputation.

Je ne me réconcilie point avec vous, disait Despréaux, que vous ne conveniez qu'il y a bien des fadaises dans ces opéra si agréables. Cela peut bien être, dit Quinault; mais avouez aussi que vous n'eussiez jamais fait Atys ni Armide.

Dans vos scrupuleuses beautés,
Soyez vrai, précis, raisonnable :
Que vos écrits soient respectés;
Mais permettez-moi d'être aimable.

LE MÊME, Temple du Goût.

III.

la

Quoiqu'on se plaise aujourd'hui à venger mémoire de ce poète des satires de Despréaux, ceux qui le réduisent au seul mérite de ses opéra, ne lui rendent pas encore une justice entière. Ses tragédies sont, à la verité, faibles et romanesques; mais il faut observer qu'elles avaient toutes précédé l'Andromaque de Racine; que le style en est naturel, assez pur pour le temps, et qu'enfin nous avons vu de nos jours reparaître l'Astrate, non sans quelque succès. Boileau, que l'habitude des grands modèles et la sévérité de son goût avaient élevé à des idées de perfection bien supérieures, eut raison cependant d'être rigoureux envers ces productions molles et négligées, dont la réussite eût perdu le théâtre.

La comédie de la Mère coquette est encore une de nos plus agréables comédies d'intrigue elle eût suffi seule pour assurer à Quinault une répu tation distinguée, sur-tout si l'on réfléchit combien alors les bons modèles étaient rares.

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