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QUINAULT (PHILIPPE ) naquit à Paris, le 3 juin 1635, année de la fondation de l'Académie française, dont il devint membre en 1670, à l'âge de trente-cinq ans. On croit être certain aujourd'hui qu'il était fils d'un boulanger, * quoique l'abbé d'Olivet ait regardé cette allégation de Furetière comme dictée par la médisance et par la colère. « Quand cela serait vrai, ajoute l'abbé, Quinault n'en mériterait que plus d'estime pour » avoir si bien réparé le tort de sa naissance. »

Après avoir fait quelques études, le jeune Quinault eut le bonheur de s'attacher à Tristan l'ermite, auteur de Mariamne, qui le prit en affection, et l'associa à l'éducation qu'il donnait lui-même à son fils unique. Le vieux poète reconnaissant dans son élève une grande facilité et un goût décidé pour la poésie, encouragea ses heureuses dispositions, et ne tarda pas à recueillir le fruit de ses soins. Dès l'âge de quinze ans, selon Perrult, il composa des pièces de théâtre, et à dixhuit ans il donna au Théâtre français, sous la protection de Tristan, sa première comédie des Rivales, 1653. On rapporte que c'est à l'occasion de cette pièce que fut établi le droit de part des auteurs sur une portion de la recette des comédiens, tandis que précédemment le prix était débattu avec les auteurs, et une fois payé.

*Des recherches qui ont été faites à cet égard par M. Beffara, qui en a publié de semblables sur Molière et Regnard, prouvent que Philippe Quinault était fils de Thomas Quinault, maître boulanger, et de Perrine Riquier, sa femme, demeurants rue de Grenelle. » C'est ce qui résulte des registres de la paroisse Saint-Eustache où il fut baptisé.

La pièce des Rivales et celles qui la suivirent eurent un grand nombre de réprésentations. «Lorsqu'il fit ses premières pièces, dit Ménage, elles étaient tellement goûtées et si fort applaudies, que l'on entendait le brouhaha à deux rues de l'hôtel de Bourgogne.» Cependant Quinault eut la sagesse, très-rare à son âge, de ne point se laisser éblouir par de si brillants succès; et le parti qu'il prit, d'après les conseils de ses amis, d'entrer chez un avocat, pour étudier quelque chose de plus solide que le théâtre, prouve qu'il avait en partage un jugement précoce et d'excellents amis. La noblesse de ses sentiments, la bonté de son coeur, l'aménité de son caractère et l'agrément de son esprit lui permettaient en effet de compter déjà des amis, dans un âge où les liaisons ne sont d'ordinaire que de frivoles connaissances. Il joignait à toutes ces qualités la vraie modestie qui en rehausse le prix et une flexibilité d'humeur qui lui a fait trouver le bonheur et la tranquillité dans une carrière où il est très rare de les rencontrer.

Il fallait sur-tout que le jeune Quinault eût une grande ardeur pour le travail puisqu'en consacrant une partie de son temps aux études de sa nouvelle profession, il en trouvait encore pour composer des comédies qui se succédaient au théâtre chaque année sans interruption. L'Amant indiscret, qu'il fit représenter en 1654 fut couvert d'applaudissements. Cette comédie se distingue entre celles de Quinault par un style plus vif et plus comique; et l'on pense que Voltaire l'a mise à profit pour sa comédie de L'Indiscret.

Après la mort de son bienfaiteur et de son second père, auquel il avait donné les soins les plus tendres et les plus délicats, Quinault continua à travailler pour le théâtre, et donna, en 1655, la Comédie sans comédie; dans laquelle il réunit les différents genres de composition théâtrale pastorale, comédie, tragédie, et tragicomédie à machines ou opéra. L'année suivante, parut sa première tragédie, la Mort de Cyrus, en cinq actes, qui avait été précédée, dans la même année, des Coups de l'amour et de la fortune, tragi-comédie, aussi en cinq actes. On voit avec quelle rapidité se succédaient les ouvrages de notre poète, qui s'abandonnant de plus en plus à sa trop grande facilité, ne pouvait guère leur donner toute la perfection désirable.

Depuis la tragédie de la Mort de Cyrus, Quinault donna successivement six autres pièces jusqu'en 1661 que parut la tragédie d'Agrippa, ou le faux Tibérinus, qui fut jouée deux mois de suite, et reprise plusieurs fois. C'est vers cette même année que l'on peut placer l'époque du mariage de Quinault. Il prit alors le titre d'avocat en parlement, et acheta une charge de valet de chambre du roi.

Donnant désormais aux soins et aux plaisirs de son ménage une partie du temps qu'il consacrait auparavant à la littérature, il s'écoula trois ans sans que Quinault fit rien paraître. Enfin, en 1664, le succès prodigieux d'Astrate vint mettre le comble à sa réputation. Pendant trois mois cette tragédie attira une telle affluence de specta

teurs, que les comédiens doublèrent le prix des places. Mais Boileau, qui apparemment ne tenait aucun compte du produit des recettes, ne voulut pas y reconnaître des preuves de mérite, et son jugement, motivé en quatre vers contre l'Astrate l'emporta, et devait en effet l'emporter contre celui de tous les spectateurs et de tous les panégyristes.

Jusqu'alors notre poète n'avait encore rien produit qui fût vraiment digne des suffrages des connaisseurs et de la postérité. Les succès amenaient les succès; car il est a remarquer qu'aucune de ses pièces ne reçut un mauvais accueil, si ce n'est Bellerophon, son avant-dernière tragédie, qui tomba dès la premiére représentation. Mais sa comédie de la Mère coquette, ou les Amants brouillés, représentée en 1665, aurait suffi pour faire vivre la mémoire de son auteur, et raffermir зa réputation dramatique qui avait souffert quelque atteinte.

Pausanias, qu'il fit représenter en 1666, fut sa dernière tragédie. Il n'était alors âgé que de trenteun ans, et avait donné seize pièces au théâtre français, tant comédies que tragédies et tragicomédies. En 1670, il reçut la plus noble et la plus digne récompense de ses travaux les portes de l'Académie lui furent ouvertes.

La première tragédie-opéra donnée par Quinault fut représentée le 1er février 1673. Cette pièce intitulée Cadmus et Hermione, quoique loin de la perfection à laquelle il parvint plus tard, annonçait déjà que Lulli, qui avait obtenu le pri

vilège de l'opéra, ne s'était pas trompé dans son choix en préférant Quinault aux autres poètes de son temps, pour de semblables compositions. «Il » disait qu'il était le seul qui pût l'accommoder, » et qui sût aussi bien varier les mesures et les >> rimes dans la poésie, qu'il savait lui-même varier » les tours et les cadences en musique. » L'alliance de ces deux talents éleva bientôt la scène lyrique française au-dessus de toutes les autres, mais avec cette différence que la musique du compositeur a passé de mode, et que les vers du poète seront toujours goûtés, tant que subsistera la langue française.

Déjà gratifié par le roi d'une pension de deux mille livres, et décoré du cordon de Saint-Michel, notre poète reçut, en 1674, une nouvelle marque de l'estime que l'on faisait de ses talents et de ses connaissances: il fut nommé membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

Pleins de zèle et d'ardeur pour servir les plaisirs du roi, Lulli et Quinault continuèrent å élever la renommée de l'opéra français jusqu'en 1686, que parut Armide. Ce fut le dernier ouvrage et le chef-d'œuvre de Quinault. Depuis cette époque il cessa entièrement de travailler pour le théâtre. Quelques auteurs ont pensé qu'il prit cette résolution dans la crainte de rester inférieur à lui-même. Un tel excès de prudence n'est guère le propre du génie, il faut des causes plus puissantes pour en comprimer tout-à-coup les ressorts. Il paraît plus vraisemblable que, pressé par les sollicitations de sa femme, qui lui avait communiqué ses senti

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