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su profiter du sage conseil d'Horace, et avoir mieur aimé succomber que se retirer; c'est le reproche qu'on lui fit : malle eum deficere, quàm desinere. Domitius Afer mourut la 59o. année de l'ère de Jésus-Christ; et Juvénal vint au monde cette même année.

Deux ans après, Néron envoya Galba dans l'Espagne Tarraconnaise en qualité de Gouverneur. On croit que Quintilien l'y suivit; et qu'après y avoir enseigné la rhétorique, et exercé la profession d'avocat pendant plus de sept ans, il revint à Rome avec lui.

Ce fut sur la fin de cette année-là même que Galba fut déclaré empereur, et que Quintilien ouvrit à Rome une école de rhétorique. Il fut le premier qui l'y enseigna par autorité publique, et aux gages de l'état; de quoi il eut l'obligation à Vespasien. Car, selon Suétone, ce prince fut le premier qui assigna sur le trésor public aux rhéteurs tant grecs que latins des pensions qui montaient par an à douze mille cinq cents livres **. Avant cet établissement il y avait des maîtres de rhétorique qui l'enseignaient sans être autorisés du public. Outre ce que ces rhéteurs recevaient du public, les pères dont ils instruisaient les enfants leur donnaient une somme, que Juvénal trouve fort modique par comparaison à celles qu'ils employaient pour des dépenses frivoles. Car, selon lui, rien ne

Solve senescentem maturè, sanus, equum ; ne
Peccet ad extremum ridendus, et ilia ducat,
Horat. Epist. I, 1.

*Primus è fisco latinis græcisque rhetoribus annua centena constituit,

coûtait moins à un père que son fils*, et il plaignait tout pour son éducation : Res nulla minoris constabit patri quàm filius. Cette somme montait à deux cent cinquante livres : duo sestertia. Quintilien remplit la chaire de rhétorique pendant vingt ans, avec un applaudissement général.

Il exerça en même temps et avec un pareil succès la fonction d'avocat, et se fit aussi un grand nom dans le barreau. Quand on distribuait les différentes parties d'une cause à différents avocats, comme c'était autrefois la coutume, on le chargeait pour l'ordinaire du soin d'exposer le fait, ce qui demande un esprit d'ordre et une grande netteté. Il excellait aussi dans l'art d'émouvoir les passions; et il avoue, avec cet air de franchise modeste qui lui était naturel, qu'on le voyait souvent, lorsqu'il plaidait, non-seulement répandre des larmes, mais changer de visage, pâlir, et donner toutes les marques d'une vive et sincère douleur**. Il ne dissimule pas que c'est à ce talent qu'il devait la réputation qu'il s'était faite au barreau. En effet c'est par cet endroit principalement que l'orateur se distingue, et qu'il enlève les suffrages.

Nous verrons bientôt combien il était propre pour instruire la jeunesse, et comment il venait à

* Hos inter sumptus sestertia Quintiliano
Ut multùm duo sufficient. Res nulla minoris

Constabit patri quàm filius.

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** Hæc dissimulanda mihi non fuerunt, quibus ipse, quantuscumque sum aut fui, (nam pervenisse me ad aliquod nomen ingenii credo) frequenter motus sum, ut me non lacrymæ solùm deprehenderint, sed pallor, et vero similis dolor. Quintil. VI, 3.

bout de s'en faire aimer et respecter. Entre plusieurs illustres disciples qui fréquentèrent son école, Pline le jeune est celui qui lui a fait le plus d'honneur par la beauté de son génie, par l'élégance et la solidité de son style, par la douceur admirable de son caractère, par sa libéralité envers les gens de lettres, et sur-tout par sa vive reconnaissance pour son maître, dont il lui donnera une illustre preuve dans la suite.

Après avoir employé de suite et sans interruption vingt années, tant pour instruire la jeunesse dans l'école, que pour défendre les particuliers dans le barreau, il obtint de l'empereur Domitien la permission de quitter ces deux emplois également utiles et pénibles. Instruit par le triste exemple de Domitius Afer son maître, il crut qu'il fallait songer à la retraite avant qu'elle lui devînt absolument nécessaire, et qu'il ne pouvait mettre une fin plus honnête à ses travaux qu'en y renonçant dans un temps où on le regretterait : Honestissimum finem putabamus, desinere dum desideraremur; au lieu que Domitius avait mieux aimé succomber sous le fardeau, que le déposer. C'est à cette occasion qu'il donne aux avocats un sage conseil. L'Orateur, dit-il, s'il m'en croit, battra en retraite avant que de tomber dans les pièges de la caducité, et gagnera le port pendant que son vaisseau est encore

bon et entier*.

Quintilien n'avait pourtant alors que quarantesix ans, qui est un âge encore vert et robuste.

*Antequam in has ætatis veniat insidias, receptui canet, et in portum integra nave perveniet. Quintil. XII, 11.

Peut-être que ses longs travaux avaient commencé d'affaiblir sa santé. Quoiqu'il en soit, son loisir ne fut point un loisir de langueur et de paresse, mais d'activité et d'ardeur, de sorte qu'il devint, en un certain sens, encore plus utile au public, qu'il ne l'avait été par tous ses travaux passés. Car enfin ceux-ci furent renfermés dans les bornes étroites d'un certain nombre de personnes et d'années, au lieu que les ouvrages qui furent le fruit de son repos, ont instruit tous les siècles de sorte qu'on

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peut dire que l'école de Quintilien est demeurée ouverte, depuis sa mort à tous les peuples, et qu'elle retentit encore tous les jours des admirables préceptes qu'il nous a laissés sur l'éloquence. Il commença par composer un traité sur les Causes de la corruption de l'éloquence, dont on ne saurait trop regretter la perte. Ce n'est point certainement celui que nous avons sous le titre de Dialogue sur les Orateurs.

Dans le temps qu'il commençait cet ouvrage, il perdit le plus jeune de ses deux fils qui n'avait que cinq ans : et peu de mois auparavant une mort prématurée lui avait enlevé sa femme, qui n'était âgée que de dix-neuf ans, et même un peu moins.

Quelque temps après, pressé par les prières de ses amis, il commença son grand ouvrage des Institutions oratoires, composé de douze livres : j'en rendrai compte dans la suite.

Il en avait achevé les trois premiers, lorsque l'empereur Domitien lui confia le soin de deux jeunes princes ses petits-neveux, qu'il destinait pour lui succéder à l'empire. Ils étaient petits-fils de Domi

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tille sa soeur, dont la fille, nommée aussi Domitille, avait épousé Flavius Clemens, cousin germain de l'empereur elle en avait eu les deux princes dont il s'agit. Ce fut une nouvelle raison pour lui de redoubler ses soins pour perfectionner son travail. Il est bon de l'entendre lui-même : l'endroit est remarquable* «< Jusqu'ici, dit-il, en s'adressant à » Victorius à qui il avait dédié son ouvrage, j'écri» vais seulement pour vous et pour moi; et renfer» mant ces instructions dans notre domestique, quand elles n'auraient pas été goûtées du public, je m'estimais trop heureux qu'elles pussent être » utiles à votre fils et au mien. Mais depuis que l'empereur m'a chargé de l'éducation de ses petits» neveux, serait-ce faire le cas que je dois de l'approbation d'un dieu, et connaître le prix de l'honneur que je viens de recevoir, que de ne pas

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Adhuc velut studia inter nos conferebamus; et, si parum nostra institutio probaretur à ceteris, contenti fore domestico usu videbamur, ut tui meique filii disciplinam formare, satis putaremus. Cùm verò mihi Domitianus Augustus sororis suæ nepotum delegaverit curam, non satis honorem judiciorum cœlestium intelligam, nisi ex hoc quoque oneris magnitudinem metiar. Quis enim mihi aut mores excolendi sit modus, ut eos non immeritò probaverit sanctissimus Censor? aut studia, ne fefellisse in his videar Principem, ut in omnibus, ita in eloquentiâ quoque eminentissimum? Quòd si nemo miratur Poëtas maximos sæpè fecisse, ut non solúm initiis operum suorum Musas invocarent, sed provecti quoque longiùs, cùm ad aliquem graviorem locum venissent, repeterent vota, et velut nova precatione uterentur : mihi quoque profectò poterit ignosci, si quod initio, cùm primùm hanc materiam inchoavi, non fecerim, nunc omnes in auxilium deos ipsumque imprimis, quo neque præsentiùs aliud, neque studiis magis propitium numen est, invocem; ut, quantum nobis expectationis adjecit, tantum ingenii aspiret, dexterque ac volens adsit, et me, qualem esse credidit, faciat.

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