Combien de maux, De tristesses, d'ennuis, de larmes, de déboires, Cet homme est un amant, je l'absous ! Quand nous vous disions que ce commissaire-là ne ressemble guère à ses collègues d'aujourd'hui ! Mais, soudain, il a vu se dresser devant lui l'image de la Loi, et le voilà qui change de manières et de ton: Honteux sous ce regard fictif mais accablant, Et, d'un ton raffermi, digne et froid, sans crier, Qu'un indigne, coupable et piètre citoyen, Quel que soit le motif, quel que soit le moyen, Choisit pour se livrer à ses tristes folies, Fût-il duc ou marquis, préfet ou sénateur, Fût-il dans un journal principal rédacteur, Puissant au Parlement, souverain dans la Presse, L'homme qui, sans vergogne et sans crainte, transgresse La bienséance avec la Loi, les réglements, La tirade continue, continue toujours, mais il nous faut arriver à la conclusion de cette harangue et à la fin du poème : Vous serez puni. Mais pour l'instant, dites-moi L'homme, alors, se leva sans courroux; Il ne restait plus rien du vieux bourgeois voûté Etait-ce un vieillard? Oui! sans la décrépitude; Des lueurs, ainsi que pour les apothéoses, Le commissaire avait laissé choir de sa main Parmi les chourineurs et parmi les escarpes, Parmi les meurt-de-faim et parmi les soulards, Bon! voici Que les femmes, là-bas, se transformaient aussi : Et c'était, sous le bleu vibrant d'un ciel d'été, Le commissaire était béant; l'âme éperdue, Et, telle une marée cscaladant les grèves, Sur son esprit passait une houle de rêves. « Qu'êtes-vous donc ? » fit-il enfin, épouvanté. Un silence régna tout plein de majesté, Et l'homme au nez camard sur une barbe jaune, Je suis le dernier Faune ! Nous aurions voulu, Messieurs, vous laisser sous l'impression de ces derniers beaux vers. Mais notre tâche resterait incomplète, si nous ne vous indiquions rapidement les pièces qui ont emporté le suffrage de la Commission. Mais, au fait, est-ce bien nécessaire ? et déjà les citations que vous avez entendues ne vous les ont-elles pas désignées assez clairement ? N'avez-vous pas applaudi comme nous aux qualités brillantes et même un peu tapageuses du « dernier Faune » : la verve, l'entrain, la bonne humeur communicative, la finesse d'esprit, l'inspiration large et facile et cette faculté de versification réellement remarquable qui semble se jouer de toutes les difficultés? Ne vous a-t-il pas semblé être en face d'un tempérament d'artiste, d'un véritable poète, à qui il suffirait de légères retouches et de quelques coups de ciseaux pour faire du « dernier Faune » une œuvre excellente ? A côté de cet épanouissement, de cette exubérance, les autres pièces devaient nécessairement perdre de leur éclat. Le talent ferme et sobre, un peu froid, peut-être, de l'auteur de << Bernard Palissy » et des « Mois » ne nous a cependant pas laissés indifférents. Vous avez apprécié le sentiment littéraire qui distingue ces deux pièces; vous avez goûté pleinement le charme doux et discret qui se dégage de ces poésies intimes: les Mois. Que pourrions-nous dire de plus ? Et ne vaut-il pas mieux borner ici ce trop long rapport en vous faisant connaître que votre Commission propose de décerner : Au poète du « dernier Faune »> un premier prix avec médaille d'or ; Et à l'auteur de « Bernard Palissy » et des « Mois » une mention honorable avec médaille d'argent grand module. Conformément aux propositions de la Commission, la Société Académique décerne : 1o Un premier prix avec médaille d'or à M. Claude Couturier, de Paris, auteur du Dernier Faune; 2o Une mention honorable avec médaille d'argent grand module à M. Edmond Maguier, au château de Thénac, par Saintes (Charente-Inférieure). LITTÉRATURE LE DERNIER FAUNE Par M. CLAUDE COUTURIER (1er Prix et Médaille d'Or du Concours de Poésie de 1887) Les dieux, s'ils ne sont pas tous morts, sont en exil! Ils fourreraient au bloc tous ces Porte-lumière ! |