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liberté ne pouvait pas être mal reçue. Car, sans parler de Ronsard,' qui a choisi ce même Astyanax pour le héros de sa Franciade, qui ne sait que l'on fait descendre nos anciens rois de ce fils d'Hector, et que nos vieilles chroniques sauvent la vie à ce jeune prince, après la désolation de son pays, 5 pour en faire le fondateur de notre monarchie?

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Combien Euripide a-t-il été plus hardi dans sa tragédie d'Hélène ! Il y choque ouvertement la créance3 commune de toute la Grèce. Il suppose qu'Hélène n'a jamais mis le pied dans Troie; et qu'après l'embrasement de cette ville, Méné- 10 las trouve sa femme en Egypte, dont elle n'était point partie. Tout cela fondé sur une opinion qui n'était reçue que parmi les Égyptiens, comme on le peut voir dans Hérodote.*

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Je ne crois pas que j'eusse besoin de cet exemple d'Euripide pour justifier le peu de liberté que j'ai prise. Car il y 15 a bien de la différence entre détruire le principal fondement d'une fable, et en altérer quelques incidents, qui changent presque de face dans toutes les mains qui les traitent. Ainsi Achille, selon la plupart des poètes, ne peut être blessé qu'au talon, quoique Homère le fasse blesser au bras et ne 20 le croie invulnérable en aucune partie de son corps. Ainsi Sophocle fait mourir Jocaste aussitôt après la reconnaissance d'Edipe, tout au contraire d'Euripide,' qui la fait vivre jusqu'au combat et à la mort de ces deux fils. Et c'est à propos de quelque contrariété de cette nature qu'un ancien 25 commentateur de Sophocle remarque fort bien, « qu'il ne faut point s'amuser à chicaner les poètes pour quelques changements qu'ils ont pu faire dans la fable; mais qu'il faut s'attacher à considérer l'excellent usage qu'ils ont fait de ces changements, et la manière ingénieuse dont ils ont su accom- 30 moder la fable à leur sujet.»>

ANDROMAQUE

TRAGÉDIE.

ACTEURS1

ANDROMAQUE, veuve d'Hector, captive de Pyrrhus.
PYRRHUS, fils d'Achille, roi d'Épire.

ORESTE, fils d'Agamemnon.

HERMIONE, fille d'Hélène, accordée avec Pyrrhus.
PYLADE, ami d'Oreste.

CLÉONE, confidente d'Hermione.

CÉPHISE, Confidente d'Andromaque.

PHOENIX, gouverneur d'Achille, et ensuite de Pyrrhus.
SUITE D'ORESTE.

La scène est à Buthrote, ville d'Épire,2 dans une salle du palais de Pyrrhus.

IO

ACTE I

SCÈNE PREMIÈRE

ORESTE, PYLADE

ORESTE.

Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle,
Ma fortune va prendre une face nouvelle;
Et déjà son courroux semble s'être adouci,
Depuis qu'elle a pris soin de nous rejoindre ici.
Qui l'eût dit, qu'un rivage à mes vœux si funeste
Présenterait d'abord Pylade aux yeux d'Oreste ?
Qu'après plus de six mois que je t'avais perdu,
A la cour de Pyrrhus tu me serais rendu ?

PYLADE.

J'en rends grâces au ciel, qui m'arrêtant sans cesse
Semblait m'avoir fermé le chemin de la Grèce,

Depuis le jour fatal que la fureur des eaux

Presque aux yeux de l'Épire écarta nos vaisseaux.

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Combien dans cet exil ai-je souffert d'alarmes !

Combien à vos malheurs ai-je donné de larmes,

Craignant toujours pour vous quelque nouveau danger
Que ma triste amitié ne pouvait partager!

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Surtout je redoutais cette mélancolie

Où j'ai vu si longtemps votre âme ensevelie,

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