La Grèce le demande, et je ne prétends pas Mettre toujours ma gloire à sauver des ingrats.
Hélas! il mourra donc. Il n'a pour sa défense Que les pleurs de sa mère, et que son innocence. Et peut-être après tout, en l'état où je suis, Sa mort avancera la fin de mes ennuis. Je prolongeais pour lui ma vie et ma misère; Mais enfin sur ses pas j'irai revoir son père. Ainsi tous trois, Seigneur, par vos soins réunis, Nous vous....
Allez, Madame, allez voir votre fils. Peut-être, en le voyant, votre amour plus timide Ne prendra pas toujours sa colère pour guide. Pour savoir nos destins, j'irai vous retrouver. Madame, en l'embrassant, songez à le sauver.
Je fais ce que tu veux. Je consens qu'il me voie :
Je lui veux bien encore accorder cette joie. Pylade va bientôt conduire ici ses pas ;
Mais si je m'en croyais, je ne le verrais pas.
Et qu'est-ce que sa vue a pour vous de funeste? Madame, n'est-ce pas toujours le même Oreste Dont vous avez cent fois souhaité le retour, Et dont vous regrettiez la constance et l'amour?
C'est cet amour payé de trop d'ingratitude Qui me rend en ces lieux sa présence si rude. Quelle honte pour moi, quel triomphe pour lui
De voir mon infortune égaler son ennui! Est-ce là, dira-t-il, cette fière Hermione? Elle me dédaignait; un autre l'abandonne.
L'ingrate, qui mettait son cœur à si haut prix, Apprend donc à son tour à souffrir des mépris ?
Ah! dissipez ces indignes alarmes :
Il a trop bien senti le pouvoir de vos charmes. Vous croyez qu'un amant vienne vous insulter ? Il vous rapporte un cœur qu'il n'a pu vous ôter. Mais vous ne dites point ce que vous mande un père.
Dans ses retardements, si Pyrrhus persévère,
A la mort du Troyen s'il ne veut consentir, Mon père avec les Grecs m'ordonne de partir.
Hé bien, Madame, hé bien! écoutez donc Oreste. Pyrrhus a commencé, faites au moins le reste. Pour bien faire, il faudrait que vous le prévinssiez. Ne m'avez-vous pas dit que vous le haïssiez ?
Si je le haïs, Cléone! Il y va de ma gloire, Après tant de bontés dont il perd la mémoire. Lui qui me fut si cher, et qui m'a pu trahir ! Ah! je l'ai trop aimé pour ne le point haïr.
Fuyez-le donc, Madame; et puisqu'on vous adore....
Ah! laisse à ma fureur le temps de croître encore ; Contre mon ennemi laisse-moi m'assurer :
Cléone, avec horreur je m'en veux séparer. Il n'y travaillera que trop bien, l'infidèle !
Quoi? vous en attendez quelque injure nouvelle ? Aimer une captive, et l'aimer à vos yeux, Tout cela n'a donc pu vous le rendre odieux ? Après ce qu'il a fait, que saurait-il donc faire ? Il vous aurait déplu, s'il pouvait vous déplaire.
Pourquoi veux-tu, cruelle, irriter mes ennuis? Je crains de me connaître en l'état où je suis. De tout ce que tu vois tâche de ne rien croire; Crois que je n'aime plus, vante-moi ma victoire; Crois que dans son dépit mon cœur est endurci ; Hélas! et s'il se peut, fais-le-moi croire aussi. Tu veux que je le fuie. Hé bien rien ne m'arrête : Allons. N'envions plus son indigne conquête ; Que sur lui sa captive étende son pouvoir. Fuyons... Mais si l'ingrat rentrait dans son devoir ! Si la foi dans son cœur retrouvait quelque place!
S'il venait à mes pieds me demander sa grâce! Si sous mes lois, Amour, tu pouvais l'engager !
S'il voulait ! . . . . Mais l'ingrat ne veut que m'outrager. 440 Demeurons toutefois pour troubler leur fortune;
Prenons quelque plaisir à leur être importune;
Ou le forçant de rompre un nœud si solennel, Aux yeux de tous les Grecs rendons-le criminel. J'ai déjà sur le fils attiré leur colère ;
Je veux qu'on vienne encore lui demander la mère. Rendons-lui les tourments qu'elle me fait souffrir: Qu'elle le perde, ou bien qu'il la fasse périr.
Vous pensez que des yeux toujours ouverts aux larmes Se plaisent à troubler le pouvoir de vos charmes, Et qu'un cœur accablé de tant de déplaisirs De son persécuteur ait brigué les soupirs?
Voyez si sa douleur en paraît soulagée.
Pourquoi donc les chagrins où son âme est plongée ? Contre un amant qui plaît pourquoi tant de fierté ?
Hélas! pour mon malheur, je l'ai trop écouté.
Je n'ai point du silence affecté le mystère :
Je croyais sans péril pouvoir être sincère;
Je n'ai pour lui parler consulté que mon cœur.
Et sans armer mes yeux d'un moment de rigueur,
Et qui ne se serait comme moi déclarée
Sur la foi d'une amour si saintement jurée ?
Me voyait-il de l'œil qu'il me voit aujourd'hui ?
Tu t'en souviens encore, tout conspirait pour lui : Ma famille vengée, et les Grecs dans la joie, Nos vaisseaux tout chargés des dépouilles de Troie, Les exploits de son père effacés par les siens, Les feux que je croyais plus ardents que les miens,
« AnteriorContinuar » |