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infiniment au-dessous de la noblesse et de la délicatesse de

vos pensées ?

On sait, MADAME, et VOTRE ALTESSE ROYALE a beau s'en cacher, que dans ce haut degré de gloire où la nature et la fortune ont pris plaisir de vous élever, vous ne dédaignez pas 5 cette gloire obscure que les gens de lettres s'étaient réservée. Et il semble que vous ayez voulu avoir autant d'avantage sur notre sexe par les connaissances et par la solidité de votre esprit, que vous excellez dans le vôtre par toutes les grâces qui vous environnent. La cour vous regarde comme l'arbitre 10 de tout ce qui se fait d'agréable. Et nous, qui travaillons pour plaire au public, nous n'avons plus que faire de demander aux savants si nous travaillons selon les règles.' règle souveraine est de plaire à VOTRE ALTESSE ROYALE. Voilà sans doute la moindre de vos excellentes qualités. 15 Mais, MADAME, c'est la seule dont j'ai pu parler avec quelques connaissances: les autres sont trop élevées au-dessus de moi. Je n'en puis parler sans les rabaisser par la faiblesse de mes pensées, et sans sortir de la profonde vénération avec laquelle je suis,

MADAME,

De VOTRE ALTESSE ROYALE

Le très humble, très obéissant

La

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PREMIÈRE PRÉFACE

VIRGILE

AU TROISIÈME LIVRE

DE L'ÉNÉIDE

Cest Énée qui parle.

Littoraque Epiri legimus, portuque subimus !
Chaonio, et celsam Buthroti ascendimus urbem....
Solemnes tum forte dapes et tristia dona....
Libabat cineri Andromache, Manesque vocabat
Hectoreum ad tumulum, viridi quem cespite inanem,
Et geminas, causam lacrymis, sacraverat aras....
Dejecit vultum, et demissa voce locuta est:
“O felix una ante alias Priameia virgo,

Hostilem ad tumulum, Trojæ sub mœnibus altis,
Jussa mori! quæ sortitus non pertulit ullos,
Nec victoris heri tetigit captiva cubile.

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ΙΟ

Nos, patria incensa, diversa per æquora vectæ,
Stirpis Achilleæ fastus, juvenemque superbum,

Servitio enixa, tulimus, qui deinde secutus

Ledæam Hermionem, Lacedæmoniosque hymenæos....
Ast illum, ereptæ magno inflammatus amore

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Conjugis, et scelerum Furiis agitatus, Orestes

Excipit incautum, patriasque obtruncat ad aras.”

Voilà, en peu de vers, tout le sujet de cette tragédie. Voilà le lieu de la scène, l'action qui s'y passe, les quatre 20

principaux acteurs, et même leurs caractères. Excepté celui d'Hermione, dont la jalousie et les emportements sont assez marqués dans l'Andromaque d'Euripide.'

Mais véritablement mes personnages sont si fameux dans l'antiquité, que pour peu qu'on la connaisse, on verra fort 5 bien que je les ai rendus tels que les anciens poètes nous les ont donnés.. Aussi n'ai-je pas pensé qu'il me fût permis de rien changer à leurs mœurs. Toute la liberté que j'ai prise, ç'a été d'adoucir un peu la férocité de Pyrrhus, que Sénèque, dans sa Troade, et Virgile, dans le second de l'Enéide, ont 10 poussé beaucoup plus loin que je n'ai cru le devoir faire.

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Encore s'est-il trouvé des gens qui se sont plaints qu'il s'emportât contre Andromaque, et qu'il voulût épouser cette captive à quelque prix que ce fût. J'avoue qu'il n'est pas assez résigné à la volonté de sa maîtresse et que Céladon a 15 mieux connu que lui le parfait amour. Mais que faire ? Pyrrhus n'avait pas lu nos romans. Il était violent de son naturel. Et tous les héros ne sont pas faits pour être des Céladons.

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Quoi qu'il en soit, le public m'a été trop favorable pour 20 m'embarrasser du chagrin particulier de deux ou trois personnes qui voudraient qu'on réformât tous les héros de l'antiquité pour en faire des héros parfaits. Je trouve leur intention fort bonne de vouloir qu'on ne mette sur la scène que des hommes impeccables. Mais je les prie de se souve- 25 nir que ce n'est pas à moi de changer les règles du théâtre. Horace' nous recommande de dépeindre Achille farouche, inexorable, violent, tel qu'il était, et tel qu'on dépeint son fils. Et Aristote, bien éloigné de nous demander des héros parfaits, veut au contraire que les personnages tragiques, 30 c'est-à-dire ceux dont le malheur fait la catastrophe de la

tragédie, ne soient ni tout à fait bons, ni tout à fait méchants. Il ne veut pas qu'ils soient extrêmement bons, parce que la punition d'un homme de bien exciterait plutôt l'indignation que la pitié du spectateur; ni qu'ils soient méchants avec excès, parce qu'on n'a point pitié d'un scélérat. Il faut donc 5 qu'ils aient une bonté médiocre, c'est-à-dire une vertu capable de faiblesse, et qu'ils tombent dans le malheur par quelque faute qui les fasse plaindre sans les faire détester.

SECONDE PRÉFACE

VIRGILE

(1676 ET ÉDITIONS SUIVANTES)

(This Preface repeats the first as far as page 4, line 5, and then proceeds as follows.)

C'est presque la seule chose que j'emprunte ici de cet auteur. Car, quoique ma tragédie porte le même nom que la sienne, le sujet en est pourtant très différent. Andromaque, dans Euripide, craint pour la vie de Molossus, qui est un fils qu'elle a eu de Pyrrhus et qu'Hermione veut faire 5 mourir avec sa mère. Mais ici il ne s'agit point de Molossus, Andromaque ne connait point d'autre mari qu'Hector, ni d'autres fils qu'Astyanax. J'ai cru en cela me conformer à l'idée que nous avons maintenant de cette princesse. La plupart de ceux qui ont entendu parler d'Andromaque, ne la 10 connaissent guère que pour la veuve d'Hector et pour la mère d'Astyanax. On ne croit point qu'elle doive aimer ni un autre mari, ni un autre fils. Et je doute que les larmes d'Andromaque eussent fait sur l'esprit de mes spectateurs l'impression qu'elles y ont faite, si elles avaient coulé pour 15 un autre fils que celui qu'elle avait d'Hector.

Il est vrai que j'ai été obligé de faire vivre Astyanax un peu plus qu'il n'a vécu; mais j'écris dans un pays où cette

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