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Si d'un heureux hymen la mémoire t'est chère,
Montre au fils à quel point tu chérissais le père.»
Et je puis voir répandre un sang si précieux?
Et je laisse avec lui périr tous ses aïeux ?
Roi barbare, faut-il que mon crime l'entraîne ?
Si je te haïs, est-il coupable de ma haine ?
T'a-t-il de tous les siens reproché le trépas?
S'est-il plaint à tes yeux des maux qu'il ne sent pas ?
Mais cependant, mon fils, tu meurs, si je n'arrête
Le fer que le cruel tient levé sur ta tête.
Je l'en puis détourner, et je t'y vais offrir?

Non, tu ne mourras point: je ne le puis souffrir.
Allons trouver Pyrrhus.

Va le trouver pour moi.

Mais non, chère Céphise,

CÉPHISE.

Que faut-il que je dise?

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ANDROMAQUE.

de mon fils l'amour est assez fort....

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Dis-lui que
Crois-tu que dans son cœur il ait juré sa mort?
L'amour peut-il si loin pousser sa barbarie?

CÉPHISE.

Madame, il va bientôt revenir en furie.

ANDROMAQUE.

Hé bien va l'assurer. . . .

CÉPHISE.

De quoi? de votre foi?

ANDROMAQUE.

Hélas! pour la promettre est-elle encore à moi?
O cendres d'un époux! ô Troyens ! ô mon père !
O mon fils, que tes jours coûtent cher à ta mère !
Allons.

CÉPHISE.

Où donc, Madame? et que résolvez-vous ?

ANDROMAQUE.

Allons sur son tombeau consulter mon époux.

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ACTE IV

SCÈNE PREMIÈRE

ANDROMAQUE, CÉPHISE

CÉPHISE.

Ah! je n'en doute point: c'est votre époux, Madame,
C'est Hector qui produit ce miracle en votre âme.
Il veut que Troie encore se puisse relever

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Avec cet heureux fils qu'il vous fait conserver.

Pyrrhus vous l'a promis. Vous venez de l'entendre,

:

Madame il n'attendait qu'un mot pour vous le rendre,

Croyez-en ses transports : père, sceptre, alliés,
Content de votre cœur, il met tout à vos pieds.

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Sur lui, sur tout son peuple il vous rend souveraine.
Est-ce là ce vainqueur digne de tant de haine?
Déjà contre les Grecs plein d'un noble courroux,
Le soin de votre fils le touche autant que vous:
Il prévient leur fureur, il lui laisse sa garde;
Pour ne pas l'exposer, lui-même il se hasarde.
Mais tout s'apprête au temple, et vous avez promis.

ANDROMAQUE.

Oui, je m'y trouverai. Mais allons voir mon fils.

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CÉPHISE.

Madame, qui vous presse? Il suffit que sa vue
Désormais à vos yeux ne soit plus défendue.
Vous lui pourrez bientôt prodiguer vos bontés,
Et vos embrassements ne seront plus comptés,
Quel plaisir d'élever un enfant qu'on voit craître,
Non plus comme un esclave élevé pour son maître,
Mais pour voir avec lui renaître tant de rois !

ANDROMAQUE.

Céphise, allons le voir pour la dernière fois.

Que dites-vous ? ô Dieux !

CÉPHISE.

ANDROMAQUE.

O ma chère Céphise,

Ce n'est point avec toi que mon cœur se déguise.

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Ta foi, dans mon malheur, s'est montrée à mes yeux; 1075
Mais j'ai cru qu'à mon tour tu me connaissais mieux.

Quoi donc as-tu pensé qu'Andromaque infidèle
Pût trahir un époux qui croit revivre en elle;
Et que de tant de morts réveillant la douleur,
Le soin de mon repos me fit troubler le leur?
Est-ce là cette ardeur tant promise à sa cendre?
Mais son fils périssait: il l'a fallu défendre,
Pyrrhus en m'épousant s'en déclare l'appui ;

:

Il suffit je veux bien m'en réposer sur lui.
Je sais quel est Pyrrhus. Violent, mais sincère,
Céphise, il fera plus qu'il n'a promis de faire.

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Sur le courroux des Grecs je m'en repose encore :
Leur haine va donner un père au fils d'Hector.
Je vais donc, pusqu'il faut que je me sacrifie,
Assurer à Pyrrhus le reste de ma vie;

Je vais, en recevant sa foi sur les autels,
L'engager à mon fils par des nœuds immortels,
Mais aussitôt ma main, à moi seule funeste,
D'une infidèle vie abrégera le reste,
Et sauvant ma vertu, rendra ce que je dois
A Pyrrhus, à mon fils, à mon époux, à moi.
Voilà de mon amour l'innocent stratagème;
Voilà ce qu'un époux m'a commandé lui-même.
J'irai seule rejoindre Hector et mes aïeux.
Céphise, c'est à toi de me fermer les yeux.

CÉPHISE.

Ah! ne prétendez pas que je puisse survivre....

ANDROMAQUE.

Non, non, je te dèfends, Céphise, de me suivre.

Je confie à tes soins mon unique trésor :
Si tu vivais pour moi, vis pour le fils d'Hector.
De l'espoir des Troyens seule dépositaire,
Songe à combien de rois tu deviens nécessaire.
Veille auprès de Pyrrhus; fais-lui garder sa foi :
S'il le faut, je consens qu'on lui parle de moi.
Fais-lui valoir l'hymen où je me suis rangée;
Dis-lui qu'avant ma mort je lui fus engagée,
Que ses ressentiments doivent être effacés,
Qu'en lui laissant mon fils, c'est l'estimer assez.

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