Imágenes de páginas
PDF
EPUB

l'importance de la Commune dont nous nous occupons. Nous lui sommes redevables d'une édition princeps du Petit Thalamus, accompagnée d'une bonne Introduction. Nous lui devons aussi d'intéressants Mémoires, dont nous avons déjà mentionné les uns, et dont nous citerons les autres à mesure que l'occasion s'en présentera.

Nous bornerons là ces indications bibliographiques, sauf à les compléter chemin faisant. Nous avons cru devoir les donner tout d'abord, afin que, si fantaisie vient à quelqu'un de se livrer à des recherches sérieuses sur le sujet que nous traitons, il puisse immédiatement se mettre à l'œuvre et profiter sans hésitation de notre expérience personnelle. Il n'est pas toujours facile de s'orienter dans l'étude d'une question historique avec des documents vulgaires. A plus forte raison n'est-ce point aisé quand il faut recourir à des textes enfouis dans de poudreuses archives. Connaissant à l'avance les sources de l'histoire soumise au contrôle de sa critique, le lecteur appréciera mieux nos efforts, et nous suivra avec d'autant plus d'attention dans les développements d'un sujet nouveau pour lui. Nous pouvons dès-lors entrer en matière, et retracer les origines de la Commune dont cet ouvrage a pour but d'explorer les divers aspects.

II.

ORIGINES DE LA COMMUNE DE MONTPELLIER. SES PREMIERS DÉVELOPPEMENTS SOUS LES GUILLEMS.

L'origine de la Commune de Montpellier remonte au XIIe siècle. Alors régnait partout, comme on sait, une prodigieuse passion pour les libertés bourgeoises; partout les habitants des villes s'exerçaient à les conquérir. Cette conquête s'effectuait diversement selon les localités, les humeurs, les circonstances: mais elle ne s'en accomplissait pas moins par toute l'Europe occidentale. Les gens de Montpellier s'associèrent à cet élan universel: en 1141, à la suite d'évènements mal connus, ils se soulevèrent contre leur seigneur Guillem VI. C'était un homme, pourtant, d'une exquise bravoure et d'une rare vertu. Il avait fait la croisade de Jérusalem, et en avait rapporté de précieuses reliques; il avait aussi guerroyé contre les Infidèles en Espagne, où il pouvait revendiquer une part glorieuse à la prise de Saragosse; plus tard, il devait s'enrôler, sous la bannière de S. Bernard,

dans la chaste milice de Cîteaux. Guillem VI n'était donc ni un homme méchant, ni un homme méprisable; mais c'était un féodal, et il n'en fallait pas davantage pour mettre en goût de révolte une population avide de liberté. Or, un jour de l'année 1141, le peuple de Montpellier se souleva, violent et impétueux comme les flots de la mer; il s'insurgea plein de rancune et d'audace. Vainement Guillem VI aurait entrepris de l'apaiser qu'aurait-il fait seul contre tous? Il se retira au château de Lattes, et pendant deux ans ne reparut point dans sa ville seigneuriale 2.

Pendant deux ans ! Quel parti ne durent pas tirer de cette absence les habitants de Montpellier! Ce fut alors vraisemblablement qu'ils s'organisèrent en commune. Nous manquons de détails sur ce fait: mais les résultats parlent trop haut pour qu'on puisse le contester. Quand, après une absence de deux ans, Guillem VI voulut reprendre possession de Montpellier, il lui fallut employer, avec les armes spirituelles de l'Église, le double secours du comte de Barcelone et de la république de Gênes 3. Il lui fallut se livrer à toutes les opérations d'un siége régulièrement conduit, et, une fois rentré dans sa ville reconquise, y bâtir une grosse tour, sorte de cita

1

2

Voy. Introduction, p. xxvi sq.

«< En l'an de Me C e XLI, giteron los homes de Montpellier >>En Guillem de Montpellier de la vila, et anet sen a Latas, e >>duret la batalla II ans. » Petit Thalamus, p, 329.

3 Pet. Thal., ibid., et Mémorial des Nobles, fol. 144 v°.

delle où il pùt se réfugier désormais en cas d'émeute 1. Malgré les héroïques qualités de Guillem VI, la population ne l'accepta de nouveau pour seigneur qu'au prix de certaines concessions : elle l'accepta, terrifiée par les foudres de Rome, et harcelée par une flotte et une armée victorieuses; elle l'accepta afin de s'abréger les horreurs d'une famine 2.

Guillem VI rentra dans Montpellier, grâce à ces puissants auxiliaires, et il s'y abrita derrière les murs d'une forteresse. Mais notre ville n'en était pas moins initiée à la vie communale. Dans diverses bulles d'Innocent II il est expressément question de consuls dirigeant et encourageant nos bourgeois 3, ce qui ne saurait laisser le moindre doute sur le caractère du mouvement de 1141.

[ocr errors]

«

Els coms de Barsalona basti la torre de Montpellier. >> Pet. Thal. ibid.

2 « Et adoncs valian X favas 1 den. » Pet. Thal. ibid. 3 « In illos qui consules appellantur », écrit en cette occasion Innocent II à Guillem VI, « et eos qui hujus malitie capita sunt, »eorumque fautores, excommunicationis sententiam promul»gavimus. Consulatum vero de quo presumunt, et judiciariam »potestatem, absque tua tuorumque successorum voluntate, in >ipsa villa non eos habere permittimus, sed omnino interdici>>mus. >> Innocent. pap. II epist., ap. Mém. des Nobles, fol. 14 vo. - Le même pape écrit à peu près dans les mêmes termes à l'archevêque de Narbone : « In illos qui ipsius loci consules »appellantur, et alios omnes qui tante malitie capita esse nos>>cuntur, excommunicationis sententiam promulgavimus. . . . . » Ibid., fol. 12; Cf. Gariel, Ser. Præs., I, 181.

T. 1.

7

Il paraîtrait, du reste, que les vicaires de Montpellier ne furent pas étrangers à ce mouvement. Le pape Célestin II, successeur immédiat d'Innocent II, désigne parmi les instigateurs de la sédition «< certains traîtres », du nom d'Aimoin, qui avaient cherché asile dans le voisinage, d'où ils essayaient de rallumer la guerre 1, et qui semblent avoir appartenu à la branche cadette de la maison des Guillems 2. Aucun autre document n'explique cette particularité. Mais il ne serait pas impossible que nos vicaires eussent vu dans le soulèvement de 1444 une occasion de supplanter leurs aînés

1

<< Dilectus filius noster Guillelmus Montispessulani, sicut >>vos ignorare non credimus », écrit-il à l'archevêque de Narbone et à ses suffragants, « villam suam per Dei gratiam re>>cuperavit, et maxima pars hominum ejusdem ville ad ipsius >>fidelitatem rediit. Nunc autem, sicut accepimus, quidam pro>>ditores ipsius, Aimuini videlicet, cum quibusdam complicibus >>>suis in vestris episcopatibus commorantes, pacem perturbare >>et guerram ei facere machinantur. Quia igitur proditores et >>pacis violatores ecclesiastica sunt coercendi justitia, per pre>>sentia vobis scripta mandamus ut parochianos vestros ne ipsos >>contra eumdem dominum suum retinere presumant districtius >>moneatis. >> Cœlest. pap. II epist., ap. Mém. des Nobles.

2 Le nom d'Aimoin était très-commun dans la branche des vicaires de Montpellier. Un Guillem Aimoin prend possession du vicariat en 1119, lors du départ de son père Bernard Guillem pour Jérusalem, et est ensuite confirmé dans cette possession, en 1139, par Guillem VI, ainsi que ses frères Gaucelm de Claret et Raymond Aimoin. Ce Guillem Aimoin, à son tour, a pour fils un autre Raymond Aimoin. Voy. Mém. des Nobles, fol. 57, 58, 59 et 61.

« AnteriorContinuar »