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nouvelle bande gothique récemment descendue des Pyrénées. Car, avant de devenir française, la ville de Montpellier a long-temps été espagnole. Elle a eu, du moins, durant certains siècles, plus de rapports avec l'Espagne qu'avec la France. Il n'est pas jusqu'au Propre de son Église qui ne reflète celui de l'Église d'Espagne. Aussi les Espagnols ont-ils toujours été traités en frères par les habitants de Montpellier : ne les a-t-on pas vus dernièrement encore venir chercher un asile parmi nous 2 ?

1 Montpellier célèbre encore aujourd'hui annuellement la fête de plusieurs saints d'Espagne, tels que S. Hermenegilde, S. Just et S. Pasteur, S. Aciscle et Ste Victoire, Ste Léocadie, Ste Eulalie. Nous avons même une église dédiée à cette dernière sainte, la grande sainte de Barcelone, comme on sait. L'ordre civilisateur de Notre-Dame de la Merci, à peine fondé en Espagne, eut, au XIII siècle, une maison florissante à Montpellier.

* La ville de Girone n'a pas discontinué d'être, à l'heure où nous écrivons, propriétaire d'une maison de la rue St.-Matthieu, qui lui a servi autrefois de collége. Et que de noms chez nous à physionomie espagnole ou gothique! - La chronique de notre Petit Thalamus est également espagnole, sous bien des rapports, dans sa première partie: elle s'y occupe à peine des grands évènements de la France. Elle ne sait pas au juste quand a cessé de vivre Charlemagne, dont elle place la mort en 809. Mais elle enregistre tout d'abord la prise de Barcelone par les Chrétiens en 1088, la prise de Majorque en 1114, la prise d'Alméria et de Tortose en 1148 et 1149. Tout au plus un souvenir donné en passant à la conquête de Jérusalem et à la croisade d'Orient. Ce

Ce dut être, au moyen-âge, une existence tout-àfait originale que celle de Montpellier. Il y eut là comme un monde à part, un monde qui, tout en participant à la vie commune, vécut de sa vie propre. Soit qu'on examine son histoire au temps des Guillems, soit qu'on l'étudie sous la domination des rois d'Aragon, de Majorque ou de Navarre, on lui trouve un caractère qu'ont rarement les histoires provinciales. L'histoire de la Seigneurie et de la Commune de Montpellier forme un des plus remarquables épisodes des siècles féodaux.

Parlons d'abord de la Seigneurie. Son histoire est une introduction naturelle et nécessaire à celle de la Commune.

C'est vers 990 qu'on place les commencements de cette seigneurie. Un évêque de Maguelone venait alors, selon une tradition très-respectable, de recevoir de deux pieuses et nobles damoiselles, qu'on dit avoir été sœurs de S. Fulcran, et qui appartenaient à la maison des

qui y préoccupe surtout le chroniqueur, c'est l'Espagne; il note soigneusement les exploits des barons de la Péninsule, il tient un compte rigoureux de leurs mariages et de leurs morts. La chronique du Petit Thalamus ne commence guère à devenir un peu explicite sur l'histoire de la France qu'à partir du XIII siècle.

comtes de Melgueil et de Substantion, les bourgs de Montpellier et de Montpellieret. Ces bourgs avaient été donnés à l'Église de Maguelone avec leurs dépendances, comme cela se pratiquait fréquemment au moyen-âge, dans le but tout religieux de ménager à leurs anciens possesseurs, en échange des biens passagers de la terre, les biens impérissables du ciel. Un des vassaux du comte de Melgueil, déjà pourvu de certain bénéfice dans le voisinage, et desireux de s'arrondir, saisit bien vite l'occasion. Il s'entendit avec l'évêque, et en obtint, à titre de fief, l'un des deux bourgs. L'évêque céda Montpellier, et garda Montpelliéret. Gui ou Guillaume, ainsi se nommait le contractant, prêta à l'Église de Maguelone, dans la personne de son évêque, l'hommage et le serment usités en pareil cas, s'engagea à payer une redevance, et fut déclaré légitime détenteur du territoire concédé.

Telle a été, dit-on, l'origine de la Seigneurie de

1 Le Mémorial des Nobles de nos Archives municipales renferme une donation du comte Bernard de Melgueil à ce seigneur, datée de la 32o année du règne de Lothaire (985), et où l'origine franke des comtes de cette maison est formellement établie par un appel à la Loi Salique. Cette pièce, infiniment curieuse, a été éditée par les Bénédictins dans leur Histoire générale de Languedoc, II, Pr. 139.

Montpellier. Le Guillaume en question est devenu le père des Guillems, et ses descendants se sont perpétués dans la possession de ses domaines durant deux siècles. En lui ont pris naissance les droits héréditaires qu'un mariage célèbre a transférés, en 1204, aux rois d'Aragon.

Ainsi se manifeste de plus en plus, au seuil de notre histoire, la dualité dont nous constations tout-à-l'heure l'existence. A partir de 990, elle n'est plus seulement dans le territoire; elle est aussi dans la propriété et le gouvernement. Le bourg de Montpellier forme dèslors une seigneurie distincte de celle de Montpelliéret: il passe sous la juridiction des Guillems, pendant que Montpelliéret continue d'appartenir aux évêques de Maguelone. Les deux bourgs auront beau se rapprocher par des accroissements successifs; le sommet intermédiaire de la colline aura beau se couvrir d'habitations jusqu'à effacer tout intervalle; l'unité pour eux ne sera long-temps encore qu'apparente. Les deux tiers de la grande ville qui va naître de ce rapprochement obéiront à des seigneurs laïques; mais le reste demeurera sous la dépendance épiscopale. Alors même que, par le mariage de l'héritière des Guillems avec le puissant Pierre II, en 1204, la part des seigneurs laïques sera devenue celle du

lion, la juridiction des évêques de Maguelone, directe et indirecte, à titre de propriétaires et de suzerains, n'en subsistera pas moins. Et ce sera par là que, quatre-vingt-neuf ans plus tard, les rois de France, dans la personne de Philippe-le-Bel, mettront la main sur nous. Une fois maîtres de Montpelliéret, ils voudront avoir le tout, et, en 1349, ils achèteront aux rois de Majorque, successeurs des rois d'Aragon dans la Seigneurie de Montpellier, ce que ceux-ci en auront gardé, afin de compléter l'œuvre de leur domination sur le Midi, et de sceller d'un sceau indestructible la conquête inaugurée par l'extermination des Albigeois.

Tout devait céder devant le merveilleux esprit de suite de la dynastie capétienne. Ce fut assurément une grande race que celle des Raymond, de ces tout-puissants comtes de Saint-Gilles et de Toulouse qui faillirent s'asseoir sur le trône de Jérusalem, reçurent le baptême chevaleresque du Jourdain, et présidèrent près de trois siècles aux destinées du Midi. Ce fut aussi une imposante lignée que celle de nos vieux Guillems, de ces vaillants seigneurs de Montpellier, qui, à l'exemple des comtes de Saint-Gilles, leurs voisins, se signalèrent aux croisades en Palestine et en Espagne, comme eux se montrèrent les protecteurs zélés du commerce et des

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