vj préoccupaient beaucoup d'esprits, il nous parut piquant de relever les vieux titres d'une cité de l'importance de celle de Montpellier, d'autant mieux que sa Commune avait tout d'abord frappé notre attention, et que, malgré son éclat incontestable, elle était, comme presque toutes les anciennes Communes du Midi, à peine mentionnée dans les ouvrages des maîtres de la science. Afin de pouvoir creuser à loisir ce sujet, nous lui réservâmes tout de suite une place dans notre enseignement, et nous nous rappelons encore quel accueil sympathique il reçut de nos premiers auditeurs. L'essai avait réussi au-delà de nos espérances, et nous nous mîmes en mesure de faire de ce premier travail l'objet d'une publication. Non-seulement nous lûmes tous les documents épars dans les polygraphes, mais nous interrogeâmes toutes les archives, enregistrant minutieusement leurs réponses, et moissonnant çà et là nombre de pièces inédites. On trouvera les principales, soit entières, soit analysées, dans les Appendices de nos trois volumes. Telle est, en quelques mots, l'histoire de ce livre : il est sorti, comme on voit, de nos débuts dans l'enseignement supérieur. Mais la forme primitive a dû presque toujours disparaître la forme actuelle, avec son cortége indispensable d'érudition, n'eût pu s'accommoder aux exigences d'un cours public. Le sujet que nous traitons est encore à peu près neuf, vij moins toutefois par les faits qui le constituent que par la manière de les envisager. Quant aux faits pris isolément, D'Aigrefeuille les avait inventoriés avant nous en très-grande partie. Mais de son temps on ne songeait guère aux Communes, et on aurait tort de lui en vouloir pour n'avoir pas soupçonné le rôle de celle de Montpellier. Le bon chanoine eût volontiers dit comme Guibert de Nogent : « Commune est un nouveau et très-méchant mot. » Combien citerait-on d'historiens qui, publiant en 1737 un in-folio sur les annales d'une ville, y aient assigné un rang convenable aux institutions communales, et aient surtout bien compris le sens et la portée de ces institutions! Si nous avions nous-même vécu au temps de D'Aigrefeuille, il nous eût été probablement impossible d'accomplir le travail que nous donnons aujourd'hui. C'est dire que nous devons beaucoup à nos contemporains, et que nous avons obligation entre autres à MM. Guizot et Augustin Thierry. Non que nous soyons directement leur tributaire, néanmoins; car, à de très-rares exceptions près, nous le remarquions tout à l'heure, les savants modernes ont négligé les Communes du Midi pour celles du Nord. Ils ont écrit de fort belles pages sur les Communes de Cambrai, de Laon, de Soissons, de Reims, de Sens, d'Amiens, etc., mais n'ont guère poussé leurs investigations au-delà de la Loire. Ils nous ont cependant ouvert la voie par leurs doctrines d'ensemble, et, grâce à leurs travaux, nous avons pu laisser de viij côté la question générale pour nous renfermer dans la question particulière. Notre livre, à ce point de vue, aura l'avantage d'ajouter quelques détails à leurs précieux aperçus. On y verra par un exemple saillant que les Communes de la France Méridionale ne le cédèrent pas à celles de la France du Nord, et que l'horizon historique n'aurait qu'à gagner à s'étendre de ce côté. Si l'on faisait pour toutes les villes du Midi ce que nous avons entrepris pour celle de Montpellier, on mettrait sans nul doute en circulation bon nombre de textes et de documents nouveaux. C'est surtout cette considération qui nous a engagé à éditer, sous le titre de Pièces justificatives, quantité d'actes dont bien peu étaient connus jusqu'ici, indépendamment des extraits que nous avons donnés d'une foule d'autres, soit dans les notes du corps de l'ouvrage, soit dans la première partie de nos Appendices. Ces actes ne concernent pas uniquement la Commune, mais aussi la Seigneurie de Montpellier; car on ne peut raisonnablement séparer ces deux juridictions, l'histoire de l'une expliquant ou complétant celle de l'autre. Ils éclaireront dans tous les cas les jugements du lecteur, et ne seront pas sans quelque profit pour la science. Afin de mieux transmettre l'empreinte de leur originalité, nous les avons scrupuleusement reproduits avec leur vieille orthographe, au risque de blesser les règles de la grammaire et ix d'alarmer les susceptibilités cicéroniennes, nous bornant à y marquer la ponctuation et à insérer entre parenthèses ies lettres ou les mots oubliés dans les manuscrits. Ce livre est donc, par suite, à la fois une histoire et une collection de pièces. Ce n'est nullement un livre de politique ; nous avons eu soin de nous tenir en garde contre cet écueil. Mais l'abstention sévère que nous nous sommes imposée là-dessus ne saurait pourtant lui ravir son à-propos. Tout le monde sent de nos jours la nécessité de raviver les institutions municipales contre les excès de la centralisation administrative. Les libertés municipales occupent une large place dans notre droit national, et pourraient bien être appelées tôt ou tard à sauver la France à bout de révolutions. « C'est dans la Commune >> a dit M. de Tocqueville, «< que >> réside la force des peuples libres. Les institutions commu»> nales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la » science: elles la mettent à la portée du peuple; elles lui en » font goûter l'usage paisible, et l'habituent à s'en servir. >> Si, comme l'a professé un de nos plus considérables représentants, M. De Laboulie 2, la Commune est de nos jours la base de l'édifice social, à plus forte raison en était-il 1 Voir à ce sujet l'excellent livre de M. Béchard, intitulé: De l'administration de la France, ou Essai sur les abus de la centralisation, 2 vol. in-8°. 2 Rapport sur le projet de loi relatif à la nomination des maires et adjoints, Moniteur du 3 mai 1850. ४ ainsi autrefois. « L'histoire municipale du moyen-âge peut »>, selon M. Augustin Thierry, « donner de grandes leçons au >> temps présent. Il y a là en petit, sous une foule d'aspects >> divers, des exemples de ce qui nous arrive en grand depuis ́» un demi-siècle, de ce qui nous arrivera dans la carrière où >> nous sommes lancés désormais. Toutes les traditions de »> notre régime administratif sont nées dans les villes; elles y » ont existé long-temps avant de passer dans l'État.......... L'éga» lité devant la loi, le gouvernement de la société par elle» même, l'intervention des citoyens dans toutes les affaires >> publiques, sont des règles que pratiquaient et maintenaient » énergiquement les grandes Communes; nos institutions >> présentes se trouvent dans leur histoire, et peut-être aussi >> nos institutions à venir. La révolution de 1789 n'a pas créé » de rien; la pensée de l'Assemblée constituante n'a pas élevé >> sans matériaux l'ordre social de nos jours... Si l'histoire des >> Communes et des cités municipales n'est pas toute l'histoire » des origines du tiers-état, elle en est la partie héroïque; » là sont les plus profondes racines de notre ordre social >> actuel 1. » La raison d'être du présent et le salut de l'avenir, telles nous apparaissent, à nous aussi, les Communes. Mais il faut qu'elles se retrempent dans les eaux vivifiantes du Christianisme. Ce qui a fait principalement leur force et leur grandeur au 1 Récits des Temps mérovingiens, I, 305. |