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A M. L'ABBÉ GUALTERIO.

La Ferté, 11 novembre 1728.

Vous aurez su, Monsieur, que le Roi a eu la petite vérole, qu'elle est si heureusement sortie qu'elle fut prise pour de simples boutons, qu'il fut en cet état dix heures à la chasse avec la pluie sur le corps, et que la protection de Dieu a été telle sur sa personne et sur le Royaume, que cette méprise, qui auroit tué tout autre, ne lui a fait aucun mal, et n'a servi qu'à le préserver des remèdes, qui, en ce pays-ci, sont devenus fort violents pour ce mal, et qu'on n'a pas eu le temps de proposer.Dieu l'a donc guéri, sans presque nul autre secours; et si la petite vérole a été très réelle, et telle qu'elle le peut préserver d'y retomber. Nous en eûmes ici toute l'alarme, et, quoiqu'il y ait trente-huit lieues d'ici à Fontainebleau, je partis aussitôt en poste. J'eus l'honneur et le plaisir de voir Sa Majesté, en arrivant, dans ce bon état, gai, parlant, et comme s'il n'étoit au lit que pour se reposer; je lui ai fait quatre jours ma cour, pendant lesquels l'honneur de votre lettre du 2 est arrivé ici. Je me réjouis de vos amusements du Corgnolo, et même de l'assiduité avec laquelle Sa Sainteté vous tient aux fonctions ecclésiastiques. Je desire fort qu'elle y joigne bientôt les politiques, malgré votre âge et votre modestie, qui ne vous en rend que plus digne, et que je puisse vous témoigner, Monsieur, au moins par ma joie, tout le dévouement avec lequel je vous honorerai toujours.

Le duc DE SAINT-SIMON.

A M. L'ABBÉ GUALTERIO.

La Ferté, 18 novembre 1728.

Mille remerciements, Monsieur, du gazettin de Rome, qui est curieux et qui pourroit être bien commenté. Je comprends le goût du Corgnolo et le déplaisir de n'y avoir que de la pluie. Notre climat est, pour cette année, plus heureux, et j'en jouis ici tout à mon aise. Je vous crois maintenant rendu aux cérémonies et aux fonctions de Rome. Je souhaite que vous les souteniez avec autant de santé que le Pape. Je ne vous y desire pas tant de goût qu'il en a, mais beaucoup qu'il vous donne lieu d'en prendre pour ce à quoi il n'en a guère, et, qu'il me vienne des occasions de vous témoigner, Monsieur, tout le dévouement avec lequel je vous honore parfaitement. Le duc DE SAINT-SIMON.

A M. L'ABBÉ GUALTERIO.

La Ferté, 4 février 1729.

Un voyage que j'ai été obligé de faire à Paris et à la cour, Monsieur, d'où je ne suis arrivé qu'hier au soir, et pendant lequel j'ai été sans cesse dans un mouvement à ne me pouvoir reconnoître, m'a ôté tout moyen de répondre à ce que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire et à la confiance dont je suis fort flatté; et je le fais au premier moment que je le puis.

Je sens tout l'embarras de la chose et toute la délicatesse du sentiment. Parmi mon voyage, je l'ai bien et mûrement pesé, et, tout bien examiné, je crois notre cour dans l'impossibilité de récompenser votre maison du titre, peut-être dans l'embarras de la récompenser du

fief utile, et celle d'Espagne encore plus. Celle d'Espagne se gouverne si diversement, qu'on ne peut juger de ses sentiments. Pour la nôtre, je la tiens trop juste pour trouver mauvais que votre maison se conserve ce qui lui est acquis, même par sa protection, mais dont elle ne peut récompenser le sacrifice que vous lui en feriez. Ainsi c'est à vous-même à vous décider entre une perte volontaire, que le bon gré que notre cour vous en saura ne réparera point, et la conservation d'un bien utile et d'un titre honorable, dont elle ne peut ni vous blâmer, ni vous savoir aucun mauvais gré. C'est, à mon avis, en quoi tout cela consiste, et que les plus longs raisonnements n'éclairciroient pas davantage.

Vous me pardonnerez si je suis court à répondre dans la fatigue d'une course d'où je ne fais qu'arriver, et qui me donne à faire beaucoup de choses demeurées en arrière. Soyez persuadé, s'il vous plaît, que cette brèveté ne prend rien sur la maturité de la réflexion, ni sur la vivacité de l'intérêt que je prendrai toujours à votre maison et à votre personne, que j'honore, Monsieur, avec les desirs les plus véritables et les plus empressés de ce qui peut vous être utile et avantageux.

Le duc DE SAINT-SIMON.

Je vous rends de très humbles grâces de la lettre et nouvelles du 23 janvier, et ne manquerai pas, Monsieur, à m'acquitter de ce que vous desirez dès que j'en serai à portée.

A M. L'ABBÉ Gualterio.

Paris, dernier avril 1729.

Une fâcheuse maladie de Mm de Saint-Simon, dont elle

commence à se rétablir, et beaucoup d'affaires qui me sont survenues m'ont empêché, Monsieur, de vous faire mes remerciements. Vous êtes maintenant sans pape, et en loisir de respirer un peu des continuelles fonctions, que je crois bien fatigantes et bien ennuyeuses, et auxquelles il est surprenant qu'un homme de cet âge puisse résister et s'y plaire. Tant que cela sera ainsi, ce sera signe d'une force et d'une santé durable, et qui donnera loisir au sacré collège de penser longuement et mûrement au successeur. Je ne pense pas qu'ils concourent à un religieux ni à un homme qui n'ait jamais vu les pays étrangers ni ouï parler d'affaires, ni encore qui aime tant et si inutilement à voyager. Notre cour chasse et travaille à Compiègne. Il faut en espérer la pa ix, et ne se point lasser dans cette espérance. La mienne sera toujours pour vous, Monsieur, très intéressée pour les emplois qui peuvent vous convenir, et pour pouvoir vous témoigner combien véritablement je vous honore.

Le duc DE SAINT-SIMON.

Vous m'avez oublié pour un almanach de Rome, et je suis jaloux de M. le duc de Berwick, à qui vous en avez envoyé un.

A M. L'ABBÉ GUALTERIO.

La Ferté, 12 juin 1729.

J'ai reçu, Monsieur, l'honneur de votre lettre et les nouvelles y jointes dans un mouvement de voyage qu'il faut bien faire de temps en temps à la cour, et qui m'a empêché d'y répondre plus tôt, quoique j'y sois toujours fort sensible. Nos nouvelles ici ne sont pas plus intéressantes que les vôtres. Les dévotions de Bénévent, les mou

vements des Bénéventins, l'épuisement de la Chambre apostolique sont en spectacle à l'Italie. Les féeries de Séville, les voyages de Leurs Majestés Catholiques, le silence sur les galions, les ténèbres sur l'avancement des affaires générales, tiennent toute l'Europe en suspens et le négoce des Indes fort en presse. Parmi tout cela, chacun attend, espère, se lasse, et la scène change toujours pour quelques particuliers. M. Bentivoglio a la grandesse à bon marché. Le chapeau de M. Bichi sera plus cher. Notre nouvel archevêque de Paris remplacera avec peine un prédécesseur qui, sans parler de tout le reste, a donné trois millions aux pauvres, depuis qu'il a été nommé à cette place jusqu'à sa mort. Trois chapeaux vacants ne contenteront guère de gens. Je ne pense encore qu'à des prélatures et à des charges qui y frayent le chemin, et que je vous desire avec passion, Monsieur, par tout le dévouement avec lequel je vous honore.

Le duc DE SAINT-SIMON.

A M. L'ABBÉ GUALTERIO.

La Ferté, 23 juin 1729.

Je n'aurois pas manqué, Monsieur, de vous faire mes remerciements de l'almanach de Rome, si je l'avois reçu plus tôt qu'à présent, et je m'en acquitte doublement, et pour celui-ci qui m'est parvenu, et pour celui que vous me destinâtes dès la fin de janvier, et dont je n'ai pas oui parler jusqu'à présent que vous me faites la grâce de me le mander, très sensible à cette attention obligeante, et non moins à la friponnerie de qui me l'a volé en supprimant en même temps l'honneur de votre lettre, que je n'ai point reçue.

Je ne suis point surpris que M. le cardinal de Noailles

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