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velle affaire qui ne trouveroit pas la même protection, et de se prêter à l'intérêt des jésuites d'exciter des orages, et d'en substituer un nouveau à celui de la Constitution, qui est bien usé. Quels que soient nos évêques, je doute qu'ils s'accommodassent d'être traités comme le sont ceux des pays d'Inquisition, et en simples grands vicaires sacrés d'un évêque unique et universel pour une certaine portion de son diocèse, qui est tout le monde chrétien. A cela, je n'y prends ni n'y mets, mais je vois ce qui se passe, et je ne puis m'empêcher de gémir de cet ancien levain qui trouble l'Église et les États pour des intérêts purement particuliers, qui prennent des riens pour prétexte, avec lesquels ils dupent hardiment et impunément ce qu'il y a de plus grand et de plus sacré, et s'en moquent. Mais je m'aperçois que je fais trop le politique; et voilà la liberté d'être sans conséquence et de ne se mêler de rien que de cultiver ses livres et ses arbres. C'est aussi ce que je fais uniquement dans cette solitude, d'où, comme de tout autre lieu, je vous honore, Monsieur, avec un très sincère attachement.

Le duc DE SAint-Simon.

Je suis ravi de ce que vous me mandez de la santé du Pape, qui m'avoit alarmé, sans être connu de lui; mais je ne crois pas que l'Église en puisse avoir un meilleur, ni une âme plus de grand seigneur, ni une tête plus de grand prince.

A M. LE DUC DE CUMIA.

Monsieur,

Paris, 30 décembre 1736.

On ne peut recevoir avec plus de reconnoissance que

je fais tout ce que Votre Excellence me fait l'honneur de me mander sur ce renouvellement d'année. Je la supplie d'être persuadée que rien ne me seroit plus cher que d'y trouver des occasions de lui témoigner, et à toute sa famille, combien je l'honore, et suis parfaitement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Le duc DE SAINT-SIMON.

A M. L'ABBÉ GUALTERIO.

Paris, 7 janvier 1737.

Mille très humbles remerciements, Monsieur, de tout ce que vous voulez bien me dire en ce renouvellement d'année. Vous connoissez mes desirs pour vous, qui seront toujours les mêmes, et qui ne font que s'accroître en impatience. Quoique tout semble être pour les compatriotes, la commission de Bénévent doit vous distinguer, et tous les soins que la mortalité des bestiaux vous donne, quoique communs à plusieurs, vous doivent faire espérer qu'on songera à vous pour des choses plus considérables.

Vous touchez à des temps tranquilles; mais cette tranquillité aura aussi ses épines. L'Empereur, plus maître et plus arrondi que jamais en Italie, le lui fera sentir, et à Rome plus qu'ailleurs, et l'âge du Pape produira bientôt des changements qui influeront sur tous les particuliers. Cette cour naissante et chancelante de Naples aura et donnera aussi ses embarras. Au sortir de tant et de si pesantes affaires, celle d'Espagne, non contente de celle qu'elle s'est si légèrement faite avec le Portugal, et qui ne fait que grossir, en embrasse d'autres avec Rome assez de gaieté de cœur, dont je ne vois pas trop les issues. Les entreprises à temps et pied à pied, quand on en veut faire, ont d'ordinaire plus de succès que tant de vastes et

de concurrentes. Je pense que nous nous éloignerons de cet exemple et que nous allons songer à goûter le repos, et au rétablissement des peuples. Il paroît que les évacuations sont instantes partout, et que nous n'aurons plus qu'à être spectateurs tranquilles de la guerre du Turc avec la Russie, l'Empereur, et peut-être les Vénitiens, qu'on soupçonne que le comte de Traun a débauchés à son passage. Ils sont, sans comparaison, les plus foibles, et j'ai peur qu'ils ne se trouvent guère bien de ce triumvirat, qui semble pour eux une société léonine.

Ce pays-ci, pour le présent, ne fournit aucune nouvelle. Ce n'en sauroit être une pour vous, Monsieur, que notre attachement à tous pour vous, et les sentiments avec lesquels je vous honore.

Le duc DE SAINT-SIMON.

A M. L'ABBÉ GUALTERIO.

Paris, 5 mai 1737.

Les rhumes qui infestent l'Italie, et même toute l'Europe, m'ont empêché, Monsieur, de répondre plus tôt à l'honneur de votre lettre. Paris en est encore for1 attaqué; l'Angleterre en a beaucoup souffert, et, en deux mois, il est mort quinze mille personnes à Madrid. C'est un fléau général, dont il faut espérer que la belle saison va déli

vrer.

Ce sera un grand bien que la fin des mécontentements entre les cours de Rome, de Madrid et de Naples, et il me semble que les deux dernières ont eu tant d'occasions d'être contentes de la première, pendant la guerre, qu'il y a eu lieu d'être surpris de ces brouilleries. Leur nature même n'est pas aisée à ajuster, quand on fait tant que de les remuer. Il est naturel à des rois de vouloir être mai

tres chez eux, et de ne vouloir pas dépendre d'une jurisdiction étrangère et lui voir donner chez soi des grâces considérables et très fréquentes; et les conséquences de cela sont infinies. D'autre part, la puissance qui en est en longue possession souffre impatiemment de s'y voir troublée, et encore plus qu'on veuille compter avec elle et remonter à des sources qui, entre deux particuliers, ne lui seroient pas favorables. Elle ne veut rien perdre ni diminuer, et l'autre ne veut pas avoir entrepris son soulagement en vain. Le temps coule, on se fatigue, on veut finir, et le comment dure encore longtemps. Voilà l'Espagne en paix avec le Portugal et avec tous ses anciens ennemis. Il me semble qu'elle ne doit plus songer qu'à un gouvernement sage, qui répare ses finances et ses forces et qui la mette en état de ne manquer aucune des conjonctures qui lui pourront faciliter le recouvrement de ce que la force ou une étrange complaisance ont acquis aux Anglois à ses dépens. Ces derniers ont à présent bien des affaires chez eux, par le discrédit de leur banque et la découverte de son peu de fonds, si disproportionné à ses charges. C'est le plus grand coup qui leur peut être porté, et qui ne le leur a été que par eux-mêmes. La Hollande, dont les riches particuliers y ont presque tous confié leurs fonds, en sentira le contre-coup, et ce grand vol qu'ont pris ces puissances maritimes en souffrira longtemps, si on sait profiter de leur situation et s'affranchir, pour le commerce, qui a fait leur grandeur, et pour les autres affaires, de cette espèce de dictature dont elles se sont mises en possession sur toute l'Europe depuis 1688. Il en faut maintenant craindre une autre de l'union de l'Empereur et de la Czarine. Il est dur de souhaiter en faveur des Turcs; il est pourtant vrai que, si leur foiblesse et leur épuisement est tel qu'on le dit, ils risquent tout pour la restitution d'une place, et qu'ils peuvent mettre par leur défaite un poids et sur eux et sur l'Europe, qu'ils ne pourront porter, et que toute l'Europe aura peine à éviter, et qui en changera tout le système. La vie des mo

narques et la révolution de leurs cours apportent souvent bien des mutations qui renversent ces raisonnements généraux; mais ces derniers ont d'autant plus de force que les monarques sont d'âge à vivre longtemps, et leurs cours de consistance à durer pour le moins autant qu'eux. Il faut donc attendre tranquillement les décrets de la Providence. C'est, sur tous, le partage des particuliers qui n'ont à se mêler de rien. Je vous la souhaite, Monsieur, favorable en santé et en fortune, avec tout le sincère attachement que vous me connoissez pour vous. Le duc DE SAINT-SIMON.

Monsieur,

A M. LE DUC DE CUMIA.

Paris, 6 janvier 1738.

C'est toujours avec un nouveau plaisir et beaucoup de reconnoissance que je reçois les marques de la continuation de l'honneur de votre amitié en ce renouvellement d'année. Je me l'estimerois fort heureuse, si elle me fournissoit occasion de témoigner à Votre Excellence tous mes desirs par mes services, et combien parfaitement je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Le duc DE SAINT-SIMON.

A M. L'ABBÉ GUALTERIO.

Paris, 15 juin 1738.

J'apprends, Monsieur, que vous passez à Malte pour y

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