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trouble le repos de l'esprit, on auroit seu trouver en ce lieu plus propre pour le précipiter, l'on aurait donc peu lui avoir donné ce nom comme si l'on voulait dire que quiconque seroit tourmenté de soucis il falloit qu'il s'en allast les abymer dans ce trou.

J'aime mieux pourtant croire avec plusieurs du voisinage, que ce nom lui ait été donné par ceux du païs qui s'y allant souvente fois promener pour le voir et le montrer aux étrangers qui étoient curieux de le voir après l'avoir cherché durant bien longtemps, celuy qui plustot le rencontroit crioit à tous les autres assos cycy: c'est icy. Ce mot donc de soucy ou soussy est composé de assos et cycy et de ces deux mots corrompus vient soussy ou soucy, comme le nom de Notre-Dame de Vassivière qui en est à demy lieue vient de ces trois mots corrompus, vas-y-veyre: vas y voir. Monsieur Branche, qui en a fait l'histoire, a donné cette éthymologie et en apporte cette raison dans son livre, savoir que ceux qui avoient quelque difficulté à croire les merveilles que Notre-Dame de Vassivière faisoit au commencement, les pélerins avaient accoutumé de leur dire: Vas y veyre.

Ce creux est en forme d'emphithéâtre profond de deux piques et de trente ou quarante de diamètre, on y descend sur la pelouse jusques au centre où il y a une ouverture ronde, d'un pied et demy de diamètre. Cette ouverture s'en va toujours en augmentant à mesure qu'elle est profonde, si bien qu'il faut qu'elle aye en bas une très grande étendue. On le conjecture du bruit qu'on y entend après y avoir jetté des grandes pierres, lesquelles demeurent à tomber dans l'eau qui est au fond toute espace qu'il faut pour réciter un Ave Maria sans se hater. C'est après que la pierre est tombée dans l'eau que l'on entend retentir en bas de tous cotés durant longtemps cet abyme, ny plus ny moins que si on tirait quelques pièces de campagne. Je ne veux pas oublier de dire qu'il y a en tems d'hiver des exalaisons si chaudes qu'au plus fort de l'hiver lorsque les montagnes sont chargées d'une pique de neige il ne s'en voit presque point sur toute la superficie du creux. Pour les exalaisons qui en sortent en tems d'été elles sont intolérables à cause de leurs froideurs excessives, si bien qu'il faut s'en tenir nécessairement éloigné si l'on veut éviter des frissons et des tremblements, on croit et avec raison que cette merveille est la cause d'une seconde, je veux dire la source d'un des beaux lacs qui sont dans l'Europe, qu'on voit à un petit quart de lieue de la, près le chemin de Besse à Notre-Dame de Vassivière, à main gauche. J'ay dis un des beaux lacs, 1o à raison de la situation, étant au milieu d'une montée qui l'environne en forme de croissant, une fort étroite ouverture pour donner cours aux eaux du lac, le sommet de cette montagne, de quel côté qu'on la prene, est extremement

éloigné du bord du lac, bien que le penchant soit fort roide tellement que de quel côté qu'on y veuille aller excepté du côté par où le lac se décharge, il faut descendre beaucoup et passer à travers d'un talif qui l'environne, et qui rend ce lac aussi agréable à la veue quand on le considère du lieu par ou il donne cours a ses eaux, que la montagne qui l'environne le rend effroyable quant on le regarde du haut en bas; 2o à cause de la figure parfaitement ronde et bordée d'un rocher fort haut et scarpé, on voit à l'entour de ce lac un pavé de trois à quatre pieds de largeur que l'eau couvre entièrement et après lequel on ne voit plus le fond, ce pavé est aussy régulier que ceux de nos rues avec cette différence néanmoins que ce sont de grands quartiers de pierres de divers espèces et de grandes entremelées, marque infaillible qu'il y a plus de l'art que de la nature; 3° à raison de la profondeur qu'on croit être sans fond; pour le moins sçait-on bien que les années passées quelques habitants de Besse et des environs qui vivent encore aujourd'huy aussy courageux que curieux, étant allés avec un futureau vers le milieu du lac, y jetterent jusques trois cent treize brasses de corde sans avoir jamais pu trouver le fond. Cette profondeur s'augmente à mesure qu'elle s'approche du milieu du lac; 4o à cause de la source qui est bien si féconde qu'il en sort aussy bien les jours les plus chauds de la canicule qu'aux plus froids de l'hiver autant d'eau qu'il en faudrait pour faire moudre deux moulins; 50 pour les propriétés de l'eau, elle est entierement claire; ceux qui en ont goust et l'odorat plus délicats trouvent qu'elle est un peu amère et qu'elle sent ce que sentent ces eaux qui lavent les rochers dont on tire le fer dans le mont pyrénées. Au reste on y a jamais pris ny veu poissons petits ou grands, on y voit pas même la plus petite pointe d'herbes aux extrémités.

Les oiseaux, ces hotes des bois, sont rares dans ceux qui environnent le lac et la raison en est parce que les fréquens brouillards que l'on voit sortir de ce lac presque en tout temps les en chassent leur en rendant ce lieu inhabitable.

On a appelé de tout tems ce lac le lac de Pavent. Ce pavé qu'on y voit à l'entour pourroit avoir donné lieu à cette dénomination, laquelle viendroit originairement du verbe paveo duquel on se servoit anciennement et signifie en françois paver. Quelques uns veulent que ce nom luy ait été donné du verbe grec avera qui signifie en latin quiesco et en françois reposer, parce que les eaux de ce lac sont dormantes et toujours dans une perpétuelle tranquilité à cause des montagnes qui l'environnent et qui les metent à l'abry de tout.

1883

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Suivant donc cette dénomination, le lac de Pavent serait la même chose que le lac ou il ne fait pas vent.

Néanmoins il semble plus vraisemblable qu'il s'appelle lac de Pavent à raison de la frayeur et de la peur qu'il cause à tous ceux qui le regardent, l'eussent-ils veu tous les jours de leur vie. Pavent viendroit donc de ces deux mots patois Par-ven ou du verbe paveo qui signifie j'ai peur, soit que cette peur soit excitée par la seule vue et considération du lac, soit parce qu'il s'élève de ce lac pendant l'été plusieurs exalaisons et vapeurs qui peu de temps après dégénerent en nues et finalement en tempettes qui tiennent en crainte et en peur tout le païs.

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C'est dans ses nombreux voyages que Belon, le père de l'ornithologie moderne, a recueilli les matériaux de son livre, l'Histoire de la nature des oiseaux (1). Celui qu'il fit en Orient est bien connu, mais en outre il a été étudier en Allemagne, il a traversé la Suisse, l'Italie, l'Angleterre et habité diverses parties de la France à la suite de ses protecteurs. Il a notamment habité l'Auvergne alors que, comme il le dit lui-même, il était de la famille de Guillaume Duprat, le célèbre évêque de Clermont « docte et sage prélat et curieux de sciences. » Les observations qu'il y a faites sont assez importantes pour qu'il nous ait paru bon de les mettre en lumière. Nous montrerons ainsi la part fournie par notre pays à la rédaction de cet ouvrage-type de l'ornithologie européenne et écrirons en même temps un chapitre de l'histoire ornithologique de la province, en comparant ce que nous apprend le livre de Belon sur la distribution des espèces au XVI° siècle avec ce qu'elle est aujourd'hui (2).

(1) L'Histoire de la nature des Oyseaux, par P. Belon, du Mans. Paris, chez Gilles Corrozet. 1555. Les citations de Belon de cette étude se rapportent toutes à cet ouvrage.

(2) Voici un résumé de la vie de Belon. Pierre Belon, né à la Soulletière, dépendant du bourg d'Oizé (Sarthe), fut d'abord protégé par René de Bellay, évêque du Mans. René de Bellay possédait des jardins où il se livrait à des études botaniques et à des expériences d'acclimatation. Belon y fit son

Peu de passages de Belon sont aussi connus que celui où il parle de la Bondrée (p. 101). « Il n'est si petit berger en la Limagne d'Auvergne qui ne sasche connoistre le Goiran et le prendre par engins avec des grenoilles, telles foiz avec de la gluz mais plus le souvent au lascet. » Buffon cite ces mots et remarque que de son temps la Buse était beaucoup plus commune en France que la Bondrée. « Goiran, ajoute Belon, est si gras » qu'il y a autant à manger que dans une poule... Les Auver>> gnats le lardent ou font bouillir... on ne tend pas à l'aven>>ture pour le prendre mais seulement quant on l'a aperçu >> voler, ou se reposer sur quelque arbre. » Ceci a été écrit il y a trois siècles. Il pourrait l'être aujourd'hui. Le nom de Goiran est resté; on dit le Goueiran près du Pont-du-Château, la Gouérande près de Maringues. Autour de cette dernière ville on prenait, il y a une vingtaine d'années, la Gouérande avec un lacet amorcé avec une grenouille et on la man

premier apprentissage de naturaliste, puis vint à Paris où il étudia la médecine. Il s'y lia avec Ronsard et autres littérateurs et savants du temps. Il parcourut l'Allemagne avec le botaniste Valerius Cordus. A son retour, il fut arrêté à Thionville et emprisonné quelque temps. La Biographie universelle, de Didot, dit que ce fut à cause de sa propension pour les idées nouvelles. Ceci ne s'accorde guère avec ce que nous savons de ses divers protecteurs, les cardinaux de Lorraine et de Tournon, Daniel Barbarus, patriarche d'Aquilée, G. Duprat, l'introducteur en France de la Compagnie de Jésus, tous champions de l'orthodoxie. De 1546 à 1549, Belon voyagea en Orient. Le cardinal de Tournon faisait les frais de ce voyage. Belon en fit imprimer le récit en 1555, sous ce titre Observations de plusieurs singularitéz et choses mémorables trouvées en Grèce, Asie, Judée, Egypte, Arabic, etc. Il reçut de Henry II une pension et un logement au château de Madrid. Il périt en 1564, assassiné par des voleurs en traversant le bois de Boulogne.

M. Hauréau a écrit dans son Histoire littéraire du Maine, t. II, p. 262, une biographie de Belon que nous n'avons pu avoir à notre disposition pour cette étude.

Nous sommes sans indications précises sur l'époque où Belon séjourna en Auvergne. Toutefois, si nous considérons qu'il n'est guère probable qu'il se soit séparé au retour de son voyage d'Orient, du.cardinal de Tournon, à la générosité duquel il devait de l'avoir pu faire, que l'impression de ses Observations, parues en 1555, dut le retenir à Paris, et enfin que dans son Histoire de la nature des Oiseaux, parue en 1555, il parle au passé de ses relations avec l'évêque de Clermont, nous sommes amenés à les reporter avant son grand voyage, c'est-à-dire avant 1546.

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