Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Il est à noter qu'il n'est pas tenu compte des bâtiments de la petite ferme. Les petits cultivateurs en Hesbaye en sont très souvent propriétaires; d'autre part, il est des accessoires négligés dans ce compte: la vente de poules et de poulets; la vente de porcelets, les charriages et autres travaux que le cultivateur fait pour compte d'autrui.

Il nous reste à examiner très rapidement une question d'économie rurale générale qui se pose en Hesbaye plus que dans n'importe quelle autre région agricole du pays. La petite culture est-elle viable? Peut-elle, économiquement parlant, faire la concurrence aux grandes exploitations?

On connaît les arguments théoriques qui, de part et d'autre, ont été invoqués. Relativement à notre pays, la thèse de la petite culture a été défendue avec le plus d'éclat par Emile de Laveleye, celle de la grande par Jenkins dans son rapport cité plus haut (chap. large farms versus Small Holdings (4)). Les arguments que l'on fait valoir en faveur de la grande culture sont les raisons qui, en bonne partie, ont fait disparaître la petite industrie; voici les arguments qui militent en faveur de la petite culture: le petit cultivateur, travaillant lui-même avec sa femme et ses enfants, est plus soigneux et fait le travail à moins de frais; tout est utilisé à la petite ferme; on y élève, toute proportion gardée, bien plus de bétail que dans la grande et c'est là la branche la plus rémunératrice de l'agriculture; en agriculture, les machines ne donnent pas le même profit que dans l'industrie; enfin on ajoute, mais ceci s'applique moins à la Hesbaye puisque les associations de cultivateurs y sont rares, que par les associations les petits cultivateurs peuvent jouir de bien des avantages propres à la grande culture. Tout en reconnaissant << la différence énorme qu'il y a, au point de vue de l'effet utile, entre un paysan propriétaire et un ouvrier qui

Pages 80 et suiv.

travaille sur la terre d'un autre (1) », toutes les préférences de Em. Vandervelde défendant la thèse socialiste de la concentration de la propriété vont naturellement à la grande exploitation. Il est pris assez vivement à partie par un socialiste allemand, Eduard David, défenseur de la petite culture, qui reproche à Vandervelde de ne pas tenir compte des faits, notamment en Allemagne et en Danemark (2).

Des économistes allemands ont cherché à résoudre la question par des arguments de fait. Ces dix dernières années, une série d'enquêtes intéressantes a été faite pour comparer des exploitations agricoles d'étendue diverse, choisies dans une terre sensiblement égale en qualité, également situées et mises en valeur par leurs propriétaires. Nous ne citerons ici que les études de Auhagen, Ueber Grosz und Kleinbetrieb in der Landwirtschaft (3); de Stumpfe Ueber die Konkurenzfähigkeit des kleinen und mittleren Grundbezitses gegenüber dem Groszbezitse (4); et Der landu irtschaftliche Grosz-Mittel-und Kleinbetrieb (5); de Ebehrard von Kalden Beitrag zur Frage der Konkurenzfähigkeit des Kleinbetriebes gegenüber den Groszbetriebe in der Landwirtschaft (6); de Huschke Landwirtschaftliche Reinertragsberechnungen bei Klein- Mittel und Groszbetrieb (7). Récemment le docteur J. Hoch fit encore paraître, relativement à la

(1) Le socialisme et l'agriculture. Cours professé, en 1906, à l'Université nouvelle de Bruxelles. Bruxelles, Lamertin, 1906, p. 59.

(2) Kritische Blätter für die gesamten Sozialwissenschaften. März 1907, pp. 172-174. «< Sehr schief und unzureichend ist auch die von Vandervelde gegebene Gegenüberstellung der spezifischen Vorteile des Groszrespektive Kleinbetriebs. Verfasser vergleicht dabei kurzerhand einen modern entwickelten Groszbetrieb mit einem in jeder Beziehung rückständigen, kapitalarmen, isolierten Kleinbetrieb. Dasz das ein verzerrtes Bild gibt, ist klar. Auch davor hätte ein Blick auf Dänemark Vandervelde bewahren sollen. »

(3, Parue dans Landwirthschaftliche Jahrbücher, herausgegeben von Dr H. THIEL. XXV. Bd. Berlin, Paul Parey, 1896.

(4) Même revue, année 1896.

(5) Idem, année 1902.

6) Berlin, Fr. Weber, 1898.

7) Iena, 1902.

même question, une étude intéressante, intitulée : Konkurenzfähigkeit von Grosz- Mittel und Kleinbetrieb (1). Hoch a suivi une méthode de comparaison différente de celle de ses prédécesseurs. Le docteur Quante, Privatdozent à Kiel, n'admet pas encore la méthode de procéder de Hoch. Il ne croit pas à la possibilité de résoudre mathématiquement la question dont on cherche la solution par ces études de détail. L'élément personnel de l'exploitant joue, dit-il, un trop grand rôle. Il croit qu'on ne peut se baser que sur des chiffres plus généraux permettant de voir, pour une période relativement longue, quel genre d'exploitation: grande, moyenne ou petite est la moins endettée et a été le moins vendue sur expropriation (2).

Nous n'avons pas à nous occuper ici de cette discussion; quoi qu'il en soit, les études citées plus haut, faites avec soin, sont intéressantes, ne fût-ce que parce que toutes arrivent à la même conclusion: le revenu net dans la petite culture est supérieur au revenu net dans la grande; il ne peut donc être question de déclarer celle-là économiquement inférieure à celle-ci.

Pour la Belgique, il n'existe pas de ces études monographiques, mais il est de fait que la petite culture y vit et y progresse. Nulle part, mieux qu'en Hesbaye, on ne le remarque, parce que dans aucune autre région du pays plus qu'en Hesbaye la petite culture se trouve adossée à la grande. A de très rares exceptions près, on nous a dit partout en Hesbaye que la culture se morcelle et que la petite culture a de l'avenir. Quand nous avons demandé aux grands cultivateurs s'ils croyaient qu'en Hesbaye la grande culture se maintiendrait, nous n'avons reçu, très souvent, pour toute réponse, qu'un haussement d'épaules. Jusqu'ici elle a pu se maintenir, parce qu'elle a encore trouvé la main-d'oeuvre. D'autre part, le fermage pour les grandes fermes, louées en bloc, est notablement inférieur au fermage des terres louées en détail. En restera-t-il ainsi?

(1) L. Jahrbücher, publiés par THIEL.

(2) Deutsche landwirtschaftliche Presse, no du 29 juin 1907. Le Dr Hoch défend sa méthode dans ce même journal, no du 13 juillet 1907, pp. 495-496.

Nous donnions plus haut les emblavures d'une petite ferme de 5 hectares, située à Cras Avernas, qui peut passer comme type de petite ferme de la région. Nous reproduisons ces quelques chiffres et nous les complétons pour permettre une vue d'ensemble. Il y a 1 1/4 hectare de betteraves sucrières; 3/ d'hectare de trèfle; 1/4 d'hectare de froment et de seigle et 1 1/4 hectare d'avoine. Ce petit cultivateur a trois bonnes vaches, valant en moyenne 450 francs chacune; une génisse pleine; deux petites bêtes d'élève (veaux), deux grosses truies et deux nourrains. La valeur du cheptel est de 2,000 à 2,500 francs, l'inventaire agricole mort (instruments, attirail de ferme) est de 700 francs, le capital d'exploitation peut être évalué de 600 à 700 francs par hectare. Le produit des betteraves sert à payer le loyer, en tout ou en partie suivant que la récolte a été bonne ou mauvaise. Dans ce dernier cas, il faudra compléter le prix des betteraves par le prix de vente d'une vache, d'un petit boeuf ou d'une partie de l'avoine. Le prix de vente de l'avoine et des petits porcs sert à payer les notes de farines achetées pour les animaux et les notes d'engrais. Le froment est consommé à la ferme; le seigle est utilisé pour le bétail ou vendu en partie; la moitié des grosses pommes de terre est vendue; l'autre moitié est consommée; les moyennes seront plantées et les petites sont données aux porcs. Le prix du beurre sert à payer les denrées nécessaires au ménage; au moyen du prix de vente des vieilles bêtes on en achète de nouvelles.

L'exemple de l'Allemagne et du Danemark est favorable à la petite culture. Seul l'exemple de l'Angleterre était invoqué jusque dans ces derniers temps contre les défenseurs de la petite culture; mais les derniers recensements agricoles prouvent que la grosse culture s'y morcelle et que la petite et la moyenne culture progressent (1).

Voir Dr HERMANN LÉVY, Die kleinen Güter in der neuesten Agrarstatistik Englands. JAHRBÜCHER FÜR NATIONALÖKONOMIE UND STATISTIK. August 1907, pp. 241-246. — Voir encore du même auteur Der Untergang kleibäuerliche Betriebe in England, même revue, no d'août 1903, pp. 145 et suiv. et Die Lage der englischen Landwirtschaft in der Gegenwart, même revue, no de décembre 1903, pp. 721 et suiv.

CHAPITRE V.

Ouvriers, domestiques et servantes agricoles
en Hesbaye.

Ce chapitre est consacré à la situation du personnel ouvrier durant le XIXe siècle; nous esquisserons cette situation, réservant pour la fin de ce chapitre quelques idées d'ensemble sur la question de la main-d'oeuvre agricole et de l'exode rural.

Nous avons déjà reproduit les paroles de Thomassin qui constate qu'au début du XIXe siècle les ouvriers agricoles étaient durement traités par les grands cultivateurs (1). Il est certain qu'à cet égard le progrès de la petite culture a assuré au personnel ouvrier une bien meilleure situation et une plus grande liberté. Thomassin ne donne pas beaucoup de détails sur les salaires, il se contente d'écrire « La plupart des fermiers propriétaires sont riches, mais le reste de la population, n'ayant d'autre industrie que celle qu'elle peut exercer chez les fermiers, est à leur merci pour le prix des journées et croupit dans l'indigence, dévorée de tous les vices qu'elle entraîne à sa suite (2) ». Dans ses calculs pour établir le produit net des terres, nous trouvons indiqué un salaire de fr. 0.75 pour la femme par journée de sarclage. La moisson était coupée à raison de 5% de la récolte, le battage et le vannage se payaient également à raison de 5% du grain (3).

Dans le livre d'annotations de la ferme de Fresin, nous trouvons quelques gages de domestiques agricoles. L'année n'est pas indiquée, mais le contexte permet de dire qu'il s'agit de gages stipulés pour une des années de 1811 à 1827. Il est question d'un domestique gagnant par an 24 écus, ce qui équivaut donc à peu près à 110 francs. Un autre gagne 22 écus, un autre. encore 10 1/2 écus. Il n'est pas question de gain supplémentaire en nature.

(1) Ouvrage cité, p. 215.

(2) Idem, p. 350.

(3) Idem, p. 351.

« AnteriorContinuar »