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de l'écurie. Le plus souvent, la propreté faisait défaut. Quant à la nourriture, elle était analogue à celle du cultivateur dont nous avons parlé dans le chapitre précédent.

Ducpétiaux, dans ses Budgets économiques des classes ouvrières en Belgique, donne un budget détaillé d'une famille d'ouvrier agricole de Waremme. Ce budget a été dressé sous le contrôle du baron Edm. de Selys-Longchamps. Il est trop long pour que nous le reproduisions ici totalement, mais il est précédé de remarques générales qui se rapportent à la situation et au travail des ouvriers dans la région. Nous les transcrivons ici d'autant plus volontiers qu'il est bien difficile de trouver, pour le milieu du siècle, des éléments aussi précis :

« Pour dresser le budget de l'ouvrier agricole, il importe, avant tout, d'établir sa position dans les cas les plus ordinaires.

Je suppose donc que sa famille se compose de six personnes le père, la mère, jouissant encore de toutes leurs forces et de toutes leurs facultés, et quatre enfants : un garçon de 16 ans, une fille de 12, un autre garçon de 6 et une petite fille deans; que cet ouvrier est indigent et secouru par le bureau de bienfaisance; qu'il loue une petite maison composée de rois pièces : une cuisine et deux cabinets, avec un grenier ou une petite cave, une étable à vache, un toit à porcs, un jardin de 4 ares, et n'ayant ni puits ni four. Pouvant se procurer du trèfle, de la paille de seigle, de froment et d'avoine, il no rrit presque toujours une vache, une true et un cochon qu' engraisse; obtenant par ce moyen une certaine quantité de fumier, il tâche d'avoir en location une parcelle de terre à cultiver Mais, malheureusement, il ne l'obtient souvent qu'à un prix él vé. Je suppose donc qu'il cultive une pièce de terre de 50 ar il la sème en partie en froment et affecte le surplus à la pltation des pommes de terre et des betteraves. Il peut se pass de prairie, vu qu'en été les enfants conduisent. le bétail le long les chemins publics ou dans de vaines pâtures, ou bien vont ch rcher de l'herbe dans les champs de blé.

J'admets qu

vache soit assez bonne laitière pour fournir

tout le lait et tout le beurre dont il a besoin pendant l'année entière, mais il ne peut guère compter sur ce produit pour son ménage; le plus souvent il est obligé de vendre son beurre ou son lait et de manger du pain sec pour se procurer d'autres aliments ou des vêtements. A l'exception de la kermesse, où il se permet de la viande fraîche, il n'a d'autre viande pendant toute l'année que celle du cochon qu'il a engraissé; il en conserve la plus grande partie pour le temps. de la moisson. Hors de là, il n'en mange qu'un peu le dimanche. Sa boisson consiste principalement en café mélangé d'une forte partie de chicorée; s'il boit de la bière, ce n'est que pendant la moisson, et ordinairement il en consomme 2 hectolitres avec toute sa famille.

Les ouvriers agricoles s'engagent à Pâques ou renouvellent leurs engagements avec le cultivateur pour couper et engranger sa récolte de céréales, de trèfles et autres fourrages; néanmoins, l'entassement dans la grange ou la fabrication des meules sont à charge du fermier, qui loue à cet effet des entasseurs qu'il paie en argent. Il leur donne ordinairement 60 francs de gages pour trois mois, et la nourriture.

Si une famille d'ouvriers fournit deux hommes pour couper et deux autres personnes pour lier les gerbes et les dresser, cela s'appelle faire la moisson entière.

Quand deux familles se réunissent et qu'elles fournissent chacune un homme pour couper et une autre personne pour lier et dresser les gerbes, cela s'appelle faire une demimoisson.

Si une famille veut faire une moisson entière, n'ayant qu'un seul homme pour couper, elle doit louer un assistant pour la somme de 50 à 60 francs et lui procurer en outre sa nourriture.

Dans la commune de Waremme et dans les communes environnantes, on récolte toutes les céréales avec la pique. Au moyen de cet instrument, l'ouvrier ramasse et réunit mieux les épis ensemble, surtout lorsque le grain est versé; le chaume est coupé plus près de terre; il y a moins de perte pour le fermier et scul il fait la javelle.

Avec la faux l'ouvrier fait presque le double d'ouvrage, mais il doit être suivi d'un fort garçon ou d'une fille robuste qui ramasse le grain coupé et le met en javelles.

Pour un fermier qui a une exploitation de 100 hectares, il faut au moins dix ouvriers avec la pique.

Les ouvriers reçoivent leur salaire en nature, et la manière dont ils sont payés diffère selon la localité. Ainsi, dans la commune de Waremme et dans les environs, ils perçoivent 5, 5 1/2 et jusque 6 % de chaque espèce de récolte, et ils ont la faculté de pouvoir choisir leur quote-part dans la pièce de terre qu'ils désirent, pourvu qu'ils la prennent sur le bord et non au milieu de la pièce. Quand ils ont fait leur choix, un arpenteur est appelé pour la leur mesurer avant que cette partie soit coupée; ils font ensuite le partage entre eux quand le grain est en gerbes.

Les ouvriers qui ont fait la récolte d'un cultivateur sont aussi chargés de la battre. Les assistants ne battent pas, mais ils sont remplacés par les entasseurs, de manière que le nombre de batteurs en grange est presque toujours égal au nombre d'ouvriers qui ont fait la moisson. Ils perçoivent 5% du produit de toutes les céréales ou fourrages qu'ils battent, et n'ont aucune part dans la paille.

Après avoir battu les gerbes de seigle et de froment du fermier, ils s'occupent chez eux à battre la part de récolte qui leur est dévolue. Ils conservent ordinairement le seigle pour leur propre consommation, mais ils vendent le froment, l'avoine et les féverolles pour payer la location de leur terre et de leur habitation, et acquitter d'autres dettes qu'ils ont pu contracter; car les ouvriers agricoles ne peuvent se procurer de l'argent que par ce moyen. Ils gardent la paille pour leur

bétail.

Le battage en grange recommence à la Toussaint et dure souvent jusqu'au 1er avril.

Dans l'entretemps et après le 1er avril, l'ouvrier agricole travaille aussi à la journée pour le fermier; il assiste à récolter les pommes de terre, à bêcher le jardin, à tondre les haies des

enclos, vergers ou prairies, à curer ou à rétablir les fossés, à couper le foin, etc. Il gagne par jour 60 centimes sans la nourriture, excepté lorsqu'il coupe le foin; dans ce cas, il est en outre nourri, ou on lui paie la journée double. La femme de l'ouvrier est employée à la plantation des pommes de terre, au sarclage du jardin, des betteraves et des carottes, à la confection des hochets (1), etc. Elle gagne aussi 60 centimes, sans nourriture.

On voit donc que l'ouvrier agricole, employé à la journée pour le cultivateur, est mal rétribué.

Quand l'ouvrier agricole a fini les travaux du fermier, vers l'époque du 1er mai, il cherche d'autres occupations; il reprend le métier de maçon ou de briquetier, de scieur de long, ou bien il se rend dans les endroits où l'on exécute de grands travaux, ou encore il travaille à la journée pour des habitants. de la commune, jusqu'à l'époque du 1er juillet. C'est ce dernier cas que j'ai supposé. Après la moisson, le fils s'occupe à arracher les pommes de terre, à bêcher le terrain destiné aux pommes de terre de l'année suivante et à y conduire du fumier, à faire enfin tous les petits ouvrages autour de l'habitation. En hiver il se repose. La fille garde la vache et les cochons; le petit garçon va à l'école et la mère fait le ménage, raccommode les habillements et les bas et, s'il lui reste du temps, elle file ou tricote.

L'ouvrier agricole achète, pendant une grande partie de l'année, la farine de seigle dont il a besoin pour faire du pain. Malheureusement, dans les campagnes, le meunier n'est soumis à aucun règlement ni à aucune espèce de surveillance; il livre très souvent au pauvre ouvrier de la farine provenant de grain germé, échauffé ou avarié, qu'il achète à prix réduit et qu'il revend en augmentant le prix courant. L'ouvrier doit encore s'estimer heureux si cette farine n'est pas falsifiée par le mélange frauduleux de matières étrangères.

(1) Roulettes de charbon.

S'il n'échappe pas à ce danger, il est non seulement trompé sur la qualité, mais il est encore souvent dupé sur la quantité, n'ayant chez lui ni poids, ni balance. Achète-t-il du froment? Le meunier lui prend pour mouture 10 % en farine, plus 2 francs par 100 kilogrammes. Le prix du grain augmente-t-il au marché? Une heure après, le meunier a augmenté le prix de sa farine. Le prix du grain diminue-t-il? Le meunier attendra le marché suivant avant de faire une diminution correspondante.

L'ouvrier est donc toujours victime.

Le cultivateur, au contraire, livre au meunier son grain, en le pesant d'abord, et, lorsqu'il est moulu, la balance vérifie la fidélité du meunier, lequel ne peut prendre qu'une mouture de 8%, ou bien il est payé en argent d'après un prix convenu et toujours modéré (1). »

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