Imágenes de páginas
PDF
EPUB

s'engager à la ferme; non pas que les gages y soient inférieurs à ceux payés en ville on paie en Hesbaye aux servantes 20, 25 et jusque 30 francs par mois, mais dans les services urbains il fait plus propre, le travail est moins dur et on y est libre le dimanche après-midi.

Pour les servantes aussi il y a eu ces quinze dernières années une forte hausse des gages. Vers 1850 ceux-ci étaient généralement de 65 francs l'an. Ils ont monté insensiblement jusque 1890, pour arriver à cette époque à 200 et jusqu'à 240 francs.

Vingt, 25, jusque 30 francs par mois, ce sont là les gages payés dans la grande Hesbaye. Là où la culture est plus morcelée et notamment dans la partie flamande de notre région, les gages n'atteignent généralement pas ces chiffres. Une première servante y a 275 francs par an, une seconde 175 francs.

Les servantes aussi jouissent de certains suppléments qui viennent augmenter leurs gages. Par tête de gros bétail vendu, elles ont à se partager 1 franc ou fr. 1.50; elles se partagent aussi 1 franc par vache saillie par le taureau de la ferme. De même que pour les domestiques, ce supplément de gages peut atteindre jusque 10 francs par mois. Leurs parents ont quelquefois droit à quelques ares de pommes de terre dans les conditions indiquées plus haut.

Dans certaines parties de la Hesbaye on ne trouve plus ni domestiques ni servantes dans la localité même; c'est surtout dans ces régions qui sont plus près des villes ou des centres industriels. Pour cette raison, dans le sud de la Hesbaye liégeoise, il y a beaucoup de domestiques et servantes qui viennent soit de la Campine, soit des environs de Hannut ou de Landen.

Ce que nous disions tout à l'heure de l'engagement des domestiques qui sont « redemandés » par le patron entre la Noël et le Nouvel an, s'applique aussi aux servantes.

Celles-ci sont d'ordinaire mieux logées que les domestiques, dans une mansarde du corps de logis. Ici encore, cependant, l'air et la propreté font assez souvent défaut.

Les servantes sont naturellement nourries à la ferme.

Depuis quelques années, les servantes et les filles d'ouvriers agricoles aiment à se vêtir le dimanche de toilettes tapageuses. Deux faits intéressants sont à noter relativernent aux ouvriers agricoles de la Hesbaye ils sont encore en partie payés en nature, surtout pendant la moisson, et certains travaux sont faits à l'entreprise par les ouvriers permanents et les membres de leurs familles. D'autre part, de plus en plus, les grands fermiers tâchent d'avoir des ouvriers permanents. S'ils occupent leur personnel ouvrier pendant toute l'année, ils l'auront dans ces mois où le travail est le plus intense. Jusqu'à la mi-novembre on est en pleine saison betteravière; par après, les feuilles et pulpes des betteraves doivent être mises en silos. On a un quart ou un tiers de l'étendue totale de l'exploitation en betteraves et après les betteraves en avoine; il y a donc beaucoup de terres à labourer pendant l'hiver; on soigne aussi les prairies, on fait les rigoles, on met des ronces autour des arbres, etc. Beaucoup de cultivateurs ont une batteuse avec manège et aussitôt que vient le mauvais temps on commence à battre le grain.

Les ouvriers agricoles de la grande Hesbaye gagnent un salaire moyen approchant de fr. 2.50 par jour; en hiver, ils ont par jour fr. 1.50 jusque fr. 1.75, pendant le printemps et l'été, 2 francs. Quand, durant la moisson, ils travaillent en journées, ils gagnent fr. 2.50 et parfois jusque 3 francs, mais le plus souvent ce sont les ouvriers permanents de la ferme qui entreprennent le travail des moissons et qui se font ainsi, aidés parfois de leurs femmes, 5 à 6 francs par jour. Le travail aux betteraves est également fait par hectare et ici encore ceux qui s'y livrent se font des salaires d'environ 5 francs (1). Les

1) Le nettoyage et l'éclaircissage des betteraves se fait à environ 45 francs l'hectare. Ils obtiennent également 45 francs l'hectare pour l'arrachage, le décolletage et le chargement des betteraves. Ce travail se fait encore parfois moyennant les feuilles et les collets des betteraves. Quant au prix payé par hectare pour le travail à la moisson, voir aux annexes les relevés des fermes pour les différentes parties de la Hesbaye.

salaires sont moindres dans la culture plus morcelée du nord de la Hesbaye. Le salaire journalier moyen (tenant compte des avantages supplémentaires) n'y est pas supérieur à 2 francs et n'atteint même pas toujours ce chiffre.

L'ouvrier agricole trouve d'ailleurs un supplément appréciable de salaire dans sa terre et dans son bétail. Dans beaucoup d'endroits l'ouvrier agricole a jusque un hectare de terre; le travail se fait, avec les attirails du fermier, les lundis de Pâques, de Pentecôte, des kermesses et parfois le dimanche.

Beaucoup d'ouvriers ont également une vache et un, deux, jusque trois porcs; généralement la terre qu'ils exploitent, les feuilles de betteraves qu'ils rapportent de la ferme, les pulpes, etc., suffisent à les nourrir. Nous avons, le lecteur s'en souviendra, parlé du maraudage, mais ce n'était que pour la partie nord de la Hesbaye.

Il faut encore tenir compte du supplément de salaire fourni par la verge ou les deux verges de pommes de terre. Ajoutons au surplus que la femme de l'ouvrier et ses enfants rapportent aussi au budget familial des ressources appréciables par les salaires gagnés surtout pendant la moisson et le travail aux betteraves (1).

Voici pris sur le vif, et ce à titre d'exemple, pour une ferme de 70 hectares, très intensivement cultivée de la grande Hesbaye, le personnel ouvrier permanent, les salaires, la terre qu'ils exploitent et les animaux qui sont leur propriété. Il n'y a que le chef de culture, un vieux domestique d'intérieur et une servante qui logent à la ferme. Nous comptons treize ouvriers; le premier a 66 ans, il est père de famille et gagne, en été, fr. 1.75, en hiver. fr. 1.50, et pendant les six semaines de la moisson, fr. 2.50. Il est propriétaire d'une vache et de trois cochons et a un hectare de terre en location. Les trois ouvriers qui suivent, grand-père, fils et petit-fils, habitent en commun et ont une vache, trois cochons et un hectare de

() Voir plus loin, là où il est question des ouvriers temporaires.

culture; le grand-père a 77 ans et gagne fr. 1.50 en été et fr. 1.25 en hiver; le fils, âgé de 39 ans, gagne 2 francs en été, fr. 1.75 en hiver et fr. 2.50 pendant les six semaines de la moisson; le petit-fils a 16 ans et gagne le même salaire que son grand-père. Le cinquième ouvrier est âgé de 37 ans et est père de famille; il gagne en été 2 francs, en hiver fr. 1.75 et pendant les six semaines de la moisson fr. 2.50. Il est propriétaire d'une vache et de trois cochons et a en location 16 verges de terre. Cet ouvrier jouit d'un supplément de salaire de fr. 0.25 par jour pour soigner les chevaux. Les sixième et septième ouvriers, père et fils, ont le même salaire que l'ouvrier précédent; ils soignent spécialement les bœufs et de ce chef le supplément journalier de fr. 0.25 dont jouissait l'ouvrier précédent est ici remplacé par le pourboire qu'ils ont à chaque départ de bœufs pour le marché. Le père est propriétaire d'une vache et d'un cochon et il cultive 15 verges de terre qu'il tient en location.

Le huitième ouvrier est père de famille; son salaire est de fr. 1.75 en hiver, 2 francs en été et fr. 2.50 pendant les six semaines de la moisson; il est propriétaire de deux cochons et cultive 13 verges de terre en location.

Le neuvième ouvrier a 26 ans. Il gagne le même salaire que l'ouvrier précédent et habite avec ses parents qui sont propriétaires de deux vaches et de trois cochons et qui cultivent 1 hectare et demi de terre en location.

Comme dixième et onzième ouvriers, il y a deux garçons de 15 et 16 ans, gagnant fr. 1.25 en hiver et fr. 1.50 en été ; ils habitent chez leurs parents qui sont propriétaires d'une vache et d'un cochon et exploitent 15 verges de terre en location.

Le douzième ouvrier est un célibataire de 55 ans ; il gagne fr. 1.50 en hiver, fr. 1.75 en été et fr. 2.50 pendant les six semaines de la moisson; il habite chez son beau-frère qui est père de famille et, en commun, ils sont propriétaires de trois vaches et de cinq cochons et exploitent 2 hectares de terre dont ils possèdent une bonne partie en propriété.

Enfin, le dernier ouvrier, un célibataire de 30 ans, gagne

fr. 1.75 en hiver, 2 francs en été et fr. 2.50 pendant les six semaines de la moisson; il habite chez ses parents qui sont propriétaires d'une vache et de trois cochons et exploitent 20 verges en location. Tous ces ouvriers, à l'exception du cinquième et du huitième, sont propriétaires de leur maison et d'une verge de terre. Ces deux derniers en sont locataires. Le travail des terres exploitées se fait au moyen des chevaux et des machines du fermier, gratuitement. Quant à la maind'œuvre elle se fait à temps perdu.

Ici donc il n'y a pas de travail fait à l'entreprise; c'est plutôt exceptionnel en Hesbaye.

Il est à noter aussi que les ouvriers agricoles n'ont pas dans toutes les parties de la Hesbaye autant de terres ni autant d'animaux que nous en avons trouvé ici. Il en est qui ne cultivent que quelques verges de terre et qui n'ont pas de vaches, mais tous ont au moins un porc.

Nous le disions déjà, l'ouvrier agricole hesbayen est souvent propriétaire de sa maison. Cette maison est parfois hypothéquée lors de l'acquisition, mais les hypothèques sont assez bien remboursées; ceux qui n'en sont pas propriétaires louent leur habitation à raison de 75, 100 ou 125 francs par an le prix de location dépend des terres adjacentes à la maison. Le logement de l'ouvrier s'est beaucoup amélioré ces dernières années la construction est faite en briques, couverte de tuiles, les fenêtres sont plus larges, les pièces plus hautes. Parfois il y a un demi-étage. Au rez-de-chaussée la maison comprend une cuisine plus ou moins spacieuse, une chambre à coucher et une chambre servant de refuge ou de réduit. Il y a une cave et un grenier. Dans ce dernier se trouvent souvent un ou deux lits pour les enfants adolescents ou adultes. Parfois la chambre de refuge est transformée en chambre à coucher. La propreté est bien plus sévère que jadis, les murs sont généralement badigeonnés au lait de chaux, le pavement consiste en carreaux de ciment à bon marché ou, dans les maisons plus anciennes, en mortier de chaux et de cendres. Le plafond est ordinairement en bois. Comme annexe à la maison il y a une petite

« AnteriorContinuar »