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Mais, il faut bien le dire, ils mènent le plus souvent une vie qui n'est pas humaine le travail se fait à l'entreprise, il faut donc qu'il soit terminé le plus tôt possible. On travaille dès qu'il fait clair et aussi longtemps qu'il fait clair, avec un court intervalle à midi. Les pelotons de six, sept, jusque dix hommes comprennent parfois une jeune fille qui s'occupe de la nourriture, et toujours des enfants. Ceux-ci font un travail moins dur que les ouvriers plus âgés, il est vrai, mais leur travail n'est pas moins long et en tout cas il est le plus souvent hors de toute proportion avec l'âge des enfants.

Le logement laisse beaucoup à désirer. Les ouvriers flamands logent dans un réduit attenant à la ferme ou dans le fournil, dans une étable abandonnée, dans une porcherie, parfois ils logent dans la grange. Le fermier leur donne généralement des couvertures. Nous avons interrogé de ces ouvriers qui nous répondirent que le soir ils étaient souvent tellement fatigués qu'ils ne prenaient pas la peine d'ôter leurs habits et couchaient ainsi tout habillés. Ils n'enlevaient leurs vêtements que le dimanche, pour mettre une nouvelle chemise. Pendant qu'ils sont en pays wallon, ces ouvriers sont mal nourris. Ils dépensent le moins possible. Le fermier leur fournit des pommes de terre, de la bière et parfois du chauffage; ils achètent du pain blanc chez le boulanger et du lard à la boutique locale.

Depuis quelque temps on commence à s'occuper de ces ouvriers et à les grouper dans leur commune d'origine (1). Ces syndicats interviennent parfois dans les contrats qu'ils font avec les cultivateurs hesbignons. Nous reproduisons textuellement, en respectant la rédaction, deux de ces contrats :

<«< Entre les soussignés il a été convenu ce qui suit : M. H... remet à X..., de..., les travaux à exécuter à sa ferme

(1) Voir le petit article: Les ouvriers de la Campine au pays wallon, par le Bon DE TRANNOY, dans le numéro d'octobre 1902 de la Revue sociale catholique.

de... (canton d'Éghezée), pendant l'année 1903, comme suit:

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Neuf hectares, mise à place, démariage et un binage - les betteraves devant être parfaitement nettoyées pour 45 francs l'hectare.

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a) Grains à couper 15 francs par hectare grains droits et fr. 17.50 pour grains versés;

b) Grains à lier (une partie), à fr. 9.50 l'hectare.

III.

Arrachage des betteraves: 36 hectares environ : a) 46 francs l'hectare pour arracher, décolleter et charger les betteraves;

b) 36 francs pour arracher et décolleter seulement. Il est entendu que X... et ses ouvriers auront un logement, qu'ils auront du bois ou du charbon pour se chauffer et des pommes de terre.

Que pendant la moisson ils auront une tonne de bière par homme.

Il est entendu aussi que les ouvrages désignés ci-dessus seront parfaitement exécutés. Fait en double à..., le 4 mai 1903. (Signé)... >>

<< Contrat pour le nettoyage des betteraves à sucre 1904. Entre les soussignés M..., fermier à..., d'une part, et M..., entrepreneur de travaux agricoles, d'autre part, il a été convenu ce qui suit :

ARTICLE PREMIER. Le dit X... s'engage à venir avec quatre hommes et quatre gamins pour faire le nettoyage des betteraves, c'est-à-dire de les mettre à une distance de 20 à 23 centimètres, de manière qu'il y en ait dix au mètre carré, les laisser à une seule, travailler entre les betteraves à une profondeur de 5 centimètres, bien arracher les herbes ou autres

plantes nuisibles, de manière qu'elles soient propres à l'entière satisfaction du fermier, les gamins pour démarier devront commencer au moins un jour après.

ART. 2. Le prix par hectare pour les travaux est fixé à 45 francs l'hectare et 50 kilogrammes de pommes de terre à l'hectare; le fermier donnera une place pour faire le manger et coucher; pour le nettoyage, le fermier donnera une tonne de bière pour tous les travaux.

ART. 3. Dans le cas où un ou des hommes viendraient à quitter avant d'avoir fini, le fermier n'est pas tenu à payer le travail fait; dans ce cas le fermier aura le droit de mettre des hommes à leur place et à leurs frais.

ART. 4. Le fermier devra prévenir huit jours à l'avance pour commencer le nettoyage des betteraves; le fermier ne sera tenu à payer aucun acompte avant d'avoir complètement fini les travaux.

Fait et signé à..., le sept avril 1904. (Signé)...

N. B. Il y a environ 14 hectares. (Signé)... »

Pour finir ce chapitre relatif au personnel ouvrier agricole, il nous faut encore traiter brièvement la question plus générale de la main-d'oeuvre agricole, telle qu'elle se présente en Hesbaye.

La facilité du transport a amené, dans le courant du XIXe siècle, une concentration de la population dans les villes et les centres industriels.

Il faut que régulièrement les campagnes infusent un sang nouveau aux villes, sinon les populations urbaines s'anémieraient c'est dans l'ordre.

Mais l'émigration des campagnes en ville a été exagérée, et de toutes parts se pose la question de savoir comment y porter remède. Nous ne voulons citer que deux livres, parus assez

récemment et traitant cette question à des points de vue différents L'Exode rural et le retour aux champs, de E. Vandervelde (1), et Le retour à la terre et la surproduction industrielle, par Jules Méline (2).

Pour Vandervelde, le grand remède consiste dans «<le déplacement des industries vers les campagnes (3) » auquel il faudrait joindre la facilité des transports par la multiplication des trains, la réduction au minimum des tarifs du chemin de fer et la mise à la disposition des habitants de la campagne de toutes les installations et de tous les avantages matériels qui, actuellement, sont réservés aux habitants des villes (4).

Méline trouve que Vandervelde s'occupe trop peu du travail agricole, mais il espère que l'ouvrier, revenu à la campagne, refera son éducation agricole, et que si les « agriculteurs ont transformé leurs habitudes anciennes et renoncé en partie aux cultures traditionnelles, c'est précisément parce que l'exode rural, l'émigration des campagnes vers les villes les a privés de la main-d'œuvre indispensable pour les continuer. C'est à regret qu'ils l'ont fait et beaucoup d'entre eux ne demandent pas mieux que de revenir à leurs anciens assolements s'ils trouvaient des ouvriers en quantité suffisante ».

Nous n'avons pas à discuter ici la thèse de ces deux livres qui, qu'on nous permette de le dire, ne nous satisfont complètement ni l'un ni l'autre. Le volume de Vandervelde est écrit avec trop d'idées préconçues, sans que l'auteur ait suffisamment observé les faits. Quant à l'ouvrage de Méline, où un long chapitre: Ouvrier et Paysan, est consacré à réfuter l'étude de Vandervelde, il est trop un appel sentimental de retour à la terre « L'appel à la terre retentit d'un bout du monde à l'autre »; c'est la fin du chapitre que nous venons de citer.

(1) Paris, Félix Alcan, 1903.

(2) Paris, Hachette, 1905.

(3) C'est l'intitulé d'un chapitre, p. 245. (*) Page 293.

Relativement à la Hesbaye, trois questions se posent :

I. — L'agriculture hesbignonne trouve-t-elle encore actuellement de la main-d'oeuvre?

II.

-

Continuera-t-elle à en trouver, surtout que l'industrialisation du Limbourg est proche ?

III. Qu'y a-t-il à faire pour assurer des bras à l'agriculture hesbignonne ?

--

I. Il n'y a pas moyen de répondre à la première question d'une manière uniforme pour toute la Hesbaye. Les plaintes se font surtout entendre aux environs des villes et des centres industriels. « Si nous n'avions pas les Flamands, nous ne pourrions continuer la culture », nous dit un fermier du sud de la Hesbaye liégeoise, et nous connaissons tel grand cultivateur des environs de Liége qui est obligé d'employer des chemineaux pour que son travail soit fait.

Déjà en 1861, on se plaignait, en Hesbaye, du manque de main-d'œuvre. « Il serait à désirer, lisons-nous dans l'exposé de la situation administrative de la province de Liége pour 1861, que l'on pût obtenir de même de bonnes faucheuses, car les bras deviennent très rares surtout aux environs de la ville de Liége où l'industrie les appelle avec des salaires plus élevés et un travail moins fatigant. Le prix élevé des baux, le renchérissement de tous les salaires rendent la position du cultivateur locataire très difficile. Les ouvriers intelligents désertent les fermes et, si cela continue, il ne restera plus que les maladroits, chose qui nuirait considérablement à la culture. Les filles et vachères sont encore plus rares, elles préfèrent aller à Liége où elles trouvent facilement à se placer en qualité de servantes. »

Tous les cultivateurs vous diront qu'ils ne trouvent plus si facilement des bras qu'il y a vingt-cinq ou trente ans; mais là n'est pas la question: il ne s'agit pas de savoir si actuellement encore on peut engager des ouvriers aux anciens salaires, mais si on peut avoir des ouvriers agricoles en les payant un salaire que la situation de l'agriculture permet de payer.

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