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En règle générale, les cultivateurs hesbignons récriminent contre le transport à prix réduit des ouvriers allant louer leurs bras dans les centres industriels.

Certes, nous l'avons d'ailleurs déjà fait remarquer, il résulte de cette migration quotidienne ou hebdomadaire des maux surtout au point de vue moral; mais à côté de l'ombre, il y a aussi la lumière. La Hesbaye seule ne peut pas nourrir ses enfants. Si cette facilité des transports n'existait pas, les ouvriers auraient faim, ou ils iraient habiter des centres industriels.

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La possibilité pour l'ouvrier de travailler ailleurs a fait augmenter les salaires agricoles, et cela n'était pas un mal : encore souvent, actuellement, il y a disproportion absolue entre les salaires industriels et ceux payés à la campagne.

Il ne peut être question d'abolir les trains ouvriers: ils sont entrés dans nos mœurs, mais on pourrait examiner sérieusement la question de savoir s'il ne faudrait pas limiter ce parcours à prix réduit à un certain nombre de kilomètres, si, dans l'intérêt même des ouvriers qui veulent aller travailler en ville et dans les centres industriels, il ne vaudrait pas mieux qu'ils se déplacent et aillent demeurer plus près du lieu de leur travail que de continuer à habiter trop loin. Il en est beaucoup de ces ouvriers migrateurs qui, actuellement, ne vivent pas d'une vie humaine : non seulement leur travail est dur, mais ils sont dans l'impossibilité physique d'avoir un repos de plus de trois ou quatre heures par jour; aux longues distances à parcourir en chemin de fer viennent s'ajouter parfois de longs parcours à pied pour arriver à la gare.

Au point de vue moral aussi il serait à souhaiter que le séjour dans les trains ouvriers fût le moins long possible.

Si nous faisons abstraction des parties de la Hesbaye situées près des villes et des centres industriels, nous croyons qu'il faut répondre affirmativement à la première question. L'agriculture trouve sans trop de peine de la main-d'œuvre; même on la trouve plus facilement de nos jours qu'il y a dix ou quinze ans. A cette époque il y avait plus d'enthousiasme chez les campagnards pour le travail industriel et ses plus grands

salaires, mais, depuis lors, il en est un certain nombre qui sont revenus à la terre. « Celui qui paie bien est bien servi», nous dit un grand cultivateur. Il faut en outre bien traiter les ouvriers et faire en sorte que si leur salaire en argent est inférieur au salaire des ouvriers industriels, ils aient des suppléments de salaire notamment dans les labours et charriages faits pour eux par le fermier, dans les terres qu'il cultive, dans leurs animaux, etc.

II. La seconde question est libellée comme suit: L'agriculture continuera-t-elle à trouver de la main-d'oeuvre après l'industrialisation future du Limbourg?

Il faudrait être prophète pour répondre adéquatement à cette question; nous préférons nous cantonner sur le terrain des faits.

Beaucoup de cultivateurs en Hesbaye se basent sur l'industrialisation future du Limbourg pour prédire que seule la petite culture a de l'avenir en Hesbaye.

« Pour suppléer à l'insuffisance de leur personnel permanent, écrit Vandervelde dans son Exode rural, ils (les fermiers) recourent de plus en plus soit à l'aide temporaire de journaliers travaillant à la tâche, soit au remplacement des bras par la machine, soit à l'extension des cultures qui n'exigent qu'une main-d'oeuvre restreinte (1). »

Cela ne s'applique qu'en partie à la Hesbaye, nous l'avons déjà dit, les grands fermiers recourent autant que possible aux ouvriers permanents. On n'a pas, d'autre part, donné de l'extension aux cultures qui n'exigent qu'une main-d'œuvre restreinte; le manque de bras se remarque surtout dans l'abandon de l'élevage. Quant aux machines, Vandervelde dit vrai, et les cultivateurs qui prévoient une plus grande difficulté de trouver de la main-d'oeuvre espèrent qu'on en inventera de nouvelles. Il est exact de dire avec Méline qu'« il y a un abîme

(1) Page 225.

entre l'emploi des machines en agriculture et en industrie »>, mais il n'en est pas moins vrai que les machines agricoles remplacent cependant du travail humain.

III. Y a-t-il quelque chose à faire pour maintenir les ouvriers de la Hesbaye à la campagne ?

Tout ce qui peut concourir à augmenter le bien-être économique et social de l'ouvrier agricole et aussi son bien-être moral y contribue.

Au Congrès national d'agricuture de Namur (juillet 1901), E. Vandervelde présenta un rapport intitulé: L'Exode rural et les moyens de retenir les ouvriers à la campagne. Voici les conclusions qu'il proposa :

1. L'exode rural est causé, principalement, par l'impossibilité pour les travailleurs agricoles de trouver sur place, en toute saison, un travail régulier et convenablement rémunéré.

2. Les mesures que l'on prendrait pour empêcher ou entraver l'émigration, quotidienne ou hebdomadaire, vers les villes, par exemple, l'augmentation du prix des coupons de semaine, auraient pour conséquence inévitable d'accroître la misère dans les campagnes et de favoriser leur dépopulation.

3. Seules, les mesures législatives ayant pour effet d'améliorer les conditions de travail et d'existence du prolétariat rural peuvent, jusqu'à un certain point, contribuer à retenir les travailleurs dans les campagnes.

4. Mais c'est avant tout de l'industrialisation de l'agriculture e du déplacement des industries urbaines vers le plat pays qu'il faut attendre les plus décisifs (1).

Nous avons déjà fait connaître notre opinion quant au 1° et au 2o. Pour ce qui concerne la troisième conclusion de Vandervelde, nous pourrions nous y rallier, si le mot « législative» en était biffé. Il est certain, pour nous, qu'on ne

(1) Rapports préliminaires, p. 361.

retiendra les ouvriers à la campagne qu'en améliorant leur situation et en rendant celle-ci, tenant compte d'ailleurs de toutes les circonstances, aussi enviable que celle des ouvriers industriels. C'est évidemment une question de salaire payé en argent, mais aussi, et beaucoup plus qu'on ne le croirait à première vue, une question de supplément de salaire. ·

Il se trouve de grands cultivateurs qui veulent exploiter toute la terre dont ils parviennent à se rendre locataires, de sorte que l'ouvrier ne trouve pas à louer la moindre parcelle de terre; ils ont tort, car précisément dans le produit de ces lopins de terre dont l'ouvrier parviendra à retirer au moins autant que le grand fermier, l'ouvrier trouvera le supplément de salaire dont il a besoin pour faire vivre honorablement sa famille. Vu la concurrence des pays neufs, l'agriculture ne parviendra jamais à payer en argent les salaires que paie l'industrie (1); il faut donc que l'ouvrier puisse trouver des suppléments en nature (2).

Il est certaines communes où l'on signale un manque réel. d'habitations; pourquoi les gros fermiers ne soigneraient-ils pas pour que de nouvelles habitations y soient construites? Il faut aussi, autant que possible, que le personnel ouvrier jouisse d'une certaine liberté, puisque l'expérience apprend qu'il la recherche, mais cette liberté doit naturellement être bien employée et, à cet égard, tout ce qui peut accroître la moralité et l'instruction concourt indirectement au maintien de la population à la campagne.

En Hesbaye il y a beaucoup de toutes petites communes. Il

(1) Il serait peut être possible de faire faire encore plus de travail à l'entreprise, pour que l'ouvrier, travaillant davantage, gagne de plus gros salaires.

(2) Voir le très intéressant article du Dr H. THIEL, Innere Kolonizatsion dans LANDWIRTSCHAFTLICHE HÜLF- UND SCHREIBKALENDER de Mentzel uND V. LENG RKENSCHE pour 1908. Cet article a été presque complètement reproduit dans la Deutsche Landwirtschaftliche Presse, numéros du 16 et du 19 octobre 1907.

faudrait y développer l'assistance publique. N'y aurait-il pas moyen d'arriver à l'organisation d'hôpitaux intercommunaux (1)?

L'esthétique et la propreté des communes ne peut être non plus négligée. On constate, en effet, que la propreté des habitations dépend beaucoup de l'entretien de la voirie. Là où les chemins sont bien entretenus, l'habitation devient aussi plus propre et l'habitant respecte mieux la rue.

Des chemins qui étaient de véritables dépotoirs d'ordures, d'animaux morts, etc., ont cessé de l'être, aussitôt qu'ils ont été transformés en bonnes chaussées.

La quatrième conclusion de Vandervelde réclame l'industrialisation de l'agriculture. Le lecteur connaît notre opinion à cet égard; nous croyons que la petite culture, bien plus que la grande culture industrialisée, retiendra le campagnard.

CHAPITRE VI.

Les industries agricoles en Hesbaye.

Au commencement du XIXe siècle, les seules industries existant en Hesbaye étaient de petites industries à domicile; il y avait dans toutes les communes rurales des tisserands et des fileuses, quelques brasseries et moulins à vent ou à eau. Saint-Trond et Tongres comptaient et comptent encore quelques tanneries. Au surplus, Saint-Trond était célèbre par ses dentelles (2). Actuellement l'industrie à domicile a presque.

(1) Voir le rapport de AUG. MELOT, La main-d'œuvre agricole, présenté au Congrès national d'agriculture de Namur, 1901. (Rapport préliminaire, 3 fascicule, pp. 765 et suiv.)

Une étude sur la situation actuelle de l'industrie dentellière à Saint-Trond, qui a été exposée à la section d'économie sociale à l'Exposition provinciale du Limbourg à Saint-Trond (1907), a été publiée par les soins du Christene Vrouwenbond (Anvers, 1908).

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