Imágenes de páginas
PDF
EPUB

partout disparu en présence de la concurrence des produits manufacturés. Les petits moulins à eau végètent; ils sont le plus souvent annexés à une exploitation agricole et leurs tenanciers se contentent de moudre le grain des gens des environs auxquels ils retiennent comme salaire une certaine quantité de farine. Quant à lutter contre la grande meunerie industrielle qui approvisionne tous les commerçants locaux, il n'y faut pas songer.....

Par contre, à la suite de l'introduction de la culture intensive, plusieurs industries sont nées dont la matière première est fournie ou dont les produits sont utilisés par la culture. Nous citerons les sucreries, les fabriques de sirop, les vinaigreries, l'industrie du chapeau de paille dans la vallée du Geer et, enfin, celle des engrais chimiques. Nous allons examiner brièvement comment les plus importantes d'entre elles se sont établies dans la région et quelle est leur situation actuelle.

La sucrerie. L'extraction industrielle du sucre de betterave remonte à la fin du XVIIIe siècle (1). Le Journal d'Agricuiture, d'économie rurale et des manufactures du royaume des Pays-Bas nous signale, en 1828, l'existence d'une sucrerie aux environs d'Arras, et il ajoute : « Espérons que la Belgique, où la fabrication du sucre de betterave est pour ainsi dire inconnue (2), ne tardera pas à exploiter ce nouveau genre d'industrie, qui, quoique le sucre de canne soit à très bas prix, présente encore beaucoup d'avantage surtout quand on y adjoint une exploitation rurale, afin de pouvoir utiliser tous les résidus qui résultent de cette fabrication (3) ».

Ce ne fut cependant que vers 1840 que les premières sucreries furent établies en Hesbaye. Petit à petit leur nombre s'est

(1) PROST, La Belgique agricole, industrielle et commerciale. ParisLiége, Béranger, 1904.

(2) Une sucrerie avait été fondée à Visé vers 1827, mais elle disparut quelques années après.

(3) Deuxième série, t. VIII, 1828, pp. 58-59.

augmenté; on peut suivre ce mouvement dans l'exposé de la situation administrative de la province de Liége à partir de 1853 (1); au fur et à mesure que de nouvelles usines furent créées dans les régions qui en étaient dépourvues et que des routes étaient construites pour en faciliter l'accès, la culture de la betterave gagna en extension, à telle enseigne qu'elle est devenue actuellement la culture principale de la Hesbaye.

Il y avait en 1899, dans la région hesbignonne, 32 sucreries et 13 râperies, mais ce nombre est notablement diminué aujourd'hui. Dans la Hesbaye liégeoise, beaucoup d'usines avaient été fondées par des groupes de cultivateurs riches avec une capacité et un champ d'action très restreints; ne disposant ni des capitaux nécessaires, ni d'une direction sérieuse, elles n'ont pu, comme elles l'auraient dû, maintenir leur matériel à la hauteur du progrès moderne; aussi beaucoup d'entre elles ont-elles disparu. Dans une industrie soumise à des fluctuations de prix, telle que l'est l'industrie sucrière, il faut, pour réduire au minimum ses frais généraux, savoir faire parfois en une année des transformations valant quelques centaines de milliers de francs. La législation fiscale antérieure à 1902 consacrait le système des primes à l'exportation. Ces primes ou faveurs à la production, supportées par le Trésor public, avaient pour résultat de pousser à la surproduction, les nations qui en bénéficiaient produisant plus que leur consommation, étaient obligées de lancer sur le marché mondial des quantités de sucre à un prix fréquemment inférieur au prix de revient. L'un des pays les plus avantagés par ce régime était l'Angleterre, qui, important tout le sucre nécessaire à sa formidable consommation, bénéficiait largement des primes que le Trésor public des pays producteurs accordait aux fabricants et voyait son marché intérieur approvisionné de sucre à un prix beaucoup plus bas que le marché des pays produc

(4) L'Exposé de 1853 en renseigne trois : une à Wamont; une à CrasAvernas et une troisième à Visé; puis viennent celles de Thisnes et de Trognée; celui de 1861 en renseigne déjà sept.

TOME V.

LETTRES, ETC.

10

teurs (1). Une première conférence internationale, réunie à Bruxelles en 1898 pour faire cesser cet état de choses, n'aboutit pas. Après de longues négociations diplomatiques dirigées par le Gouvernement belge et que secondait le Gouvernement anglais, soucieux de donner satisfaction à ses colonies productrices de sucre qui ne bénéficiaient pas des primes et à ses raffineurs (2) qui souffraient de la concurrence étrangère, on parvint à gagner à la cause de la suppression des primes, la plupart des pays producteurs de sucre. Une nouvelle conférence put enfin se réunir à Bruxelles en décembre 1901. Elle termina ses travaux le 6 mars 1902 par la signature d'une convention relative au régime des sucres.

L'œuvre principale de la conférence a été l'abolition non seulement de primes directes à l'exportation, mais encore de tout régime fiscal donnant lieu à une prime indirecte (excédents de rendement, exagération du drawback, surtaxe supérieure à 6 francs pour les 100 kilos). Les Puissances se sont engagées à limiter au chiffre maximum de 6 francs les 100 kilogrammes pour le sucre raffiné et de fr. 5.50 pour les autres sucres, la surtaxe, c'est-à-dire l'écart entre le taux des droits ou taxes dont sont passibles les sucres étrangers et celui des droits ou taxes auxquelles sont soumis les sucres nationaux. En vertu de ces dispositions et de la législation belge modifiée en conséquence, tout sucre consommé en Belgique paie un droit d'accise de 20 francs les 100 kilos au lieu de 4 francs comme auparavant. Le fisc pèse toute la quantité de sucre produite au lieu de tabler comme auparavant sur le rendement présumé. Les sucres étrangers sont soumis à une surtaxe de fr. 5.50 ou 6 francs suivant qu'ils sont bruts ou raffinés. Certaines réduc

(1) LÉON JADOUL, La Conférence internationale des sucres tenue à Bruxelles (1901-1902). (REVUE SOCIALE CATHOLIQUE, octobre 1907, pp. 374 et suiv.)

(2) Les raffineurs du continent bénéficiaient aussi des primes d'exportation à la faveur desquelles ils étaient en mesure de vendre sur le marché de Londres du sucre raffiné à plus bas prix que les raffineurs anglais.

tions de droits sont accordées : a) aux sucres servant à la fabrication des confitures, conserves, biscuits; b) moyennant dénaturation préalable, aux sucres ou sirops de raffinage destinés soit à des usages industriels, soit à l'alimentation du bétail.

Ces dispositions légales ont eu pour effet d'arrêter la production réalisée uniquement en vue de profiter des primes d'exportation et aussi de diminuer le prix de la betterave. Les fabricants, ne jouissant plus des primes, n'étaient plus à même de surpayer la matière première. On espère que, par suite de la diminution des droits sur le sucre utilisé à l'intérieur, le public sera amené insensiblement à augmenter sa consommation. D'aucuns demandent même la suppression complète des droits de consommation, d'autres prétendent que cette suppression, tout en privant le Trésor de ressources sérieuses, n'aurait point pour effet d'augmenter notablement la consommation, celle-ci n'étant pas indéfiniment extensible. D'autres, enfin, réclament des réductions de frais de transport. Il est un groupe d'industriels sucriers qui préconisent la constitution d'un trust ou cartel des fabricants, en vue de profiter de l'augmentation plus ou moins sensible de la consommation intérieure et de la surtaxe de 5.50 ou 6 francs qui grève, à leur entrée en Belgique, les sucres étrangers en ne livrant dans le pays pas plus de sucre qu'il n'en est nécessaire, pour régulariser ainsi le prix sur le marché intérieur et les maintenir à un taux assez élevé.

Quoi qu'il en soit, plus que jamais la diminution du prix de revient s'impose aux fabricants de sucre; si on ne la leur accorde pas par des réductions sur le prix de transport, il faut qu'ils la trouvent dans le perfectionnement de leur outillage; aussi font-ils tout ce qu'il est en leur pouvoir pour obtenir le plus rapidement possible le rendement le plus fort possible. Jadis la campagne sucrière durait trois bons mois, aujourd'hui elle est terminée en huit à neuf semaines, mais pour tout cela il faut que l'industriel ait les reins solides; aussi les petites usines dépourvues de capitaux et de direction technique convenable ne résistent pas, nous l'avons déjà signalé.

Il est à remarquer qu'à l'origine, à presque toute sucrerie était adjointe une exploitation rurale; il n'en est plus ainsi actuellement, l'exploitation rurale n'est plus nécessaire pour utiliser les résidus de fabrication en qualité de matières ali mentaires pour le bétail ou engrais culturaux... les fabricants trouvent moyen de céder ces résidus à prix élevé à la culture, qui en connaît maintenant les avantages.

Les sucreries utilisent, pendant la période de fabrication, un nombreux personnel ouvrier variant, suivant l'usine, entre 125 et 200 hommes (1). Ce personnel est divisé en deux équipes: l'équipe de jour et l'équipe de nuit. Le salaire est de fr. 3.50 en moyenne (2). Il est assez de petits cultivateurs qui travaillent dans les sucreries. Par suite du roulement des équipes, ils trouvent moyen, quand ils ne sont pas de service de jour, de travailler à leur culture. Les autres ouvriers s'emploient, en dehors de la période sucrière, à tous les travaux saisonniers entretien des betteraves, cueillette du fruit, industrie du bâtiment, et en hiver ils s'occupent dans les bassins industriels de la Meuse ou de la Basse-Sambre.

Il est hors de doute que l'émigration, en hiver, vers les bassins houillers, de nos travailleurs hesbignons est due en partie à la cessation hâtive du travail dans les sucreries. Jadis ils y étaient occupés jusqu'au 15 janvier, et cette date n'était pas bien éloignée de celle où les travaux agricoles recommencent à la ferme. Aujourd'hui, vers le 15 décembre les sucreries ferment, et un grand nombre d'ouvriers se trouvent brusquement sans travail. Impossible de s'occuper à ce moment à la campagne, il faut bien que l'on utilise ses bras ailleurs.

Il y a quelque vingt ans, l'achat des betteraves au poids,

(1) Il importe de noter que les frais généraux ne sont pas sensiblement supérieurs dans les petites usines. Une usine, qu'elle soit petite ou grande, utilise à peu près le même nombre d'ouvriers à poste fixe, mais es grandes usines emploient un nombre considérable d'ouvriers auxijiaires et, par là même, d'agents préposés à la surveillance.

(2) Certains ouvriers à poste fixe ou bien encore à la tâche peuvent se faire un salaire qui atteint parfois six francs.

« AnteriorContinuar »