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magasins. La besogne ne manque donc pas; est-ce à dire pour cela que le métier soit rémunérateur? Nous ne le pensons pas. Pour conserver la clientèle, il faut travailler à bon compte: pour pouvoir travailler à bon compte et vivre néanmoins, il faut travailler beaucoup et trimer dur; le tailleur reste occupé très tard dans la nuit à la lueur d'une lampe faiblotte, il vieillit avant l'âge en demeurant pendant de longues heures toujours dans la même position et dans une pièce qui sert à la fois d'atelier et de cuisine, pour la préparation des aliments nécessaires, non seulement à la famille, mais encore aux animaux.

Deux frères exercent ensemble le métier de cordonnier, qui nous paraît plus rémunérateur que celui de tailleur. Le paysan ne saurait utiliser la chaussure confectionnée des grands magasins, elle n'est ni assez solide ni assez résistante; il est obligé de commander sur mesure les souliers dont il se chausse pour les labours et les nombreuses courses qu'il est tenu de fournir dans la boue et l'humidité en accompagnant ses attelages.

L'utilité du maréchal ferrant dans une région où se font de nombreux transports pondéreux ne doit pas être démontrée; aussi celui qui est installé dans la localité trouve-t-il de quoi occuper un ouvrier.

Quatre jeunes filles ou femmes mariées exercent le métier de couturière. Elles travaillent à la journée dans les fermes ou acceptent de la besogne à domicile. Dans l'un comme dans l'autre cas, la rémunération laisse à désirer; les couturières n'ont heureusement point, comme les tailleurs, charge de famille, et leur salaire ne constitue qu'un appoint.

Il est regrettable de devoir constater l'augmentation du nombre de cabaretiers. De trois en 1845, ils sont devenus quatorze en 1905!

Quelques personnes cumulent plusieurs professions: c'est ainsi qu'un même individu est en même temps vannier, barbier, coiffeur et abatteur de porcs (1). Ce dernier métier lui permet de s'occuper pendant la majeure partie de l'hiver; il se procure

(4) Il est devenu au surplus marchand de fruits et d'aunages.

un bénéfice supplémentaire qui n'est pas à dédaigner en faisant argent des dépouilles capillaires de ses clients et des soies de porc; pendant l'été, il entreprend des travaux agricoles.

CHAPITRE IV.

De la propriété.

La propriété comme la culture, et il en est ainsi dans toute la Hesbaye limbourgeoise, a toujours été très morcelée (1). Les 480 hectares que comprend la commune se divisent en plus de 1,300 parcelles.

Au moment de la confection du cadastre, le territoire appartenait à deux cent cinquante-huit propriétaires, dont soixantedix environ étaient domiciliés dans la commune. Ces derniers ne possédaient pas ensemble (établissements publics compris) plus de 132 hectares (2) de la superficie totale (480.30.30). A l'heure actuelle, le nombre des propriétaires est plus que doublé, il s'élève à quatre cents environ (3), dont plus de cent vingt-cinq habitant la commune et possèdent à eux seuls 194 hectares de la superficie totale. Il convient cependant de ne point exagérer l'importance de ce dernier chiffre; les propriétaires de Termotten, qui en 1845 habitaient Saint-Trond, résident maintenant à Grand-Jamine, et nous avons rangé leurs

(1) La liste des bonniers que nous donnons en appen lice nous renseigne sur les possesseurs du sol sous l'ancien régime Nous ne disons pas propriétaires, car on peut être possesseur du sol à des titres divers. Le mot possesseur est celui qui est employé par le concordat pour les tailles du 8 mai 1715. (Voy. DE LOUVREX. Recueil des Édits, II, 478-79.) (3) Chiffre exact: 132 hectares 29 ares 54 centiares.

(3) Nous disons quatre cents environ, car la confection défectueuse des rôles des cotes foncières, à cause des nombreuses indivisions et de l'existence d'articles différents se rapportant à un même propriétaire, ne permet pas de fixer d'une façon absolument sûre le nombre des propriétaires.

biens dans la catégorie de ceux qui, appartenaient, en janvier 1907 à des personnes de la localité. Quoi qu'il en soit, la petite propriété tend à se reconstituer au profit des villageois. Certains ont bien, au moment de la crise agricole ou pour faciliter des partages, aliéné quelques terres, mais ils regagnent maintenant ce qu'ils ont perdu en rachetant les parcelles que les petits propriétaires étrangers, séduits par les prix élevés, mettent en vente. Ce sont les petits cultivateurs qui, après la crise agricole, ont fait la hausse des terrains : le capitaliste, qui n'achète, comme le dit M. Appelmans, que pour mettre en location, considère le taux du fermage et le capitalise à 3% environ pour déterminer le montant de son offre, il est sur-le-champ distancé par quelque cultivateur « qui tient compte certes de l'intérêt du capital engagé dans une acquisition, mais encore de différents autres éléments: les immeubles fonciers constituent le placement le plus sûr et le plus facile des économies du paysan; celui-ci, devenant propriétaire d'une terre, a la certitude de pouvoir en garder l'exploitation et volontiers il paie cher la tranquillité qui en résulte (1) ».

Les cotes foncières importantes, on doit déjà s'en rendre compte, sont très peu nombreuses.

Il n'existe qu'une seule cote se rapportant à un particulier et dépassant 50 hectares (2) (en tout 56 hectares 65 ares 20 centiares); celle qui la suit immédiatement en ordre d'importance est de 30 hectares 16 ares 35 centiares. Elle regarde un propriétaire étranger. Quant aux autres, elles sont toutes, sauf une, inférieures à 15 hectares.

(1) APPELMANS, Au pays des fruits et du houblon. Bruxelles, Alb. Dewit, 1905, pp. 16-17.

(2) Cette cote se rapporte à l'ancien domaine considérablement aug menté de Termotten, qui s'étend sous deux communes, et a une superficie totale d'environ 100 hectares. L'augmentation de ce domaine est due à des acquisitions faites à des petits propriétaires étrangers et au démembrement d'une grande propriété voisine.

Les propriétés appartenant aux établissements publics (1) forment un lot important, 77 hectares 87 ares 73 centiares. Les établissements locaux n'interviennent dans ce chiffre que pour 28 hectares.

Parmi les propriétaires étrangers, une dizaine seulement peuvent être considérés comme des capitalistes, mais leurs cotes sur les registres cadastraux de la commune ne dépassent pas isolément, à l'exception d'une seule, 10 hectares. Les autres sont des cultivateurs des localités voisines ou des petits bourgeois de la ville qui ont été séduits par le bon marché des terres au temps de la crise agricole.

Les nouvelles acquisitions sont rarement grevées de charges foncières. A part quelques exceptions, le paysan n'achète qu'au moyen de ses économies. Cela ne veut point dire cependant qu'il n'y ait que peu de propriétés grevées; un assez bon nombre demeurent chargées d'anciennes rentes en nature dues aux établissements publics. D'autres le sont encore à la suite d'emprunts contractés durant la crise agricole.

L'organisation d'une section de crédit foncier au sein du Boerenbond belge permet heureusement de substituer à ces créances hypothécaires, qui ne supposent pas de remboursement partiel, la créance à remboursement par annuités au fur et à mesure des rentrées du débiteur. Plusieurs de nos cultivateurs ont déjà protité de l'institution.

La propriété paysanne n'est pas d'origine récente dans nos régions hesbignonnes; elle existait sous l'ancien régime, aussi les familles ont-elles le souci de la conserver intacte; il est cependant assez rare qu'un propriétaire fasse pendant sa vie je partage de ses biens entre ses enfants (2), mais ceux-ci réagis

(') Bureaux de bienfaisance, fabriques d'église de Saint-Trond. Hasselt. Tirlemont: fabriques d'église, bureaux de bienfaisance de la localité et des communes voisines.

(2) Ceux qui ont des héritiers en ligne droite testent rarement, saut pour avantager, par exemple, un enfant s'étant occupé d'eux jusqu'à leur mort. Parfois les enfants conviennent eux-mêmes par pacte de

sent le plus qu'ils peuvent contre l'obligation de la division en parts égales; il n'est point rare de voir des enfants non mariés, ou bien encore un enfant marié et d'autres non mariés, s'unir pour reprendre ensemble la ferme ou tout au moins la majeure partie de l'exploitation paternelle.

Si par malheur on ne parvient pas à s'entendre, on sera bien obligé d'en arriver au partage égal, mais rarement à la vente des biens. Tout sera alors divisé, même l'habitation paternelle, et l'héritier auquel on n'aura pu ménager une part dans les bâtiments se verra attribuer une parcelle de terrain sur laquelle il lui sera loisible de s'édifier un foyer; cependant, répétons-le, dans la plupart des cas, les héritiers s'entendent pour morceler le moins possible le patrimoine paternel, et il n'est point rare de voir certains enfants renoncer au mariage en partie pour conserver le foyer ancestral.

Il n'est guère fréquent que des immeubles appartenant à des personnes de la commune soient exposés en vente. Les rares terrains mis aux enchères appartiennent d'ordinaire, comme nous l'avons dit, à de petits propriétaires étrangers désireux de bénéficier de la plus-value; ils sont généralement acquis par des habitants de la localité et ainsi se produit, par l'action de deux phénomènes combinés, le grand nombre de successions collatérales et le rachat des terres aux étrangers, une lente reconstitution des petits patrimoines.

L'ouvrier agricole, si tant est qu'il existe encore puisqu'il se confond le plus souvent avec le petit cultivateur, est en général propriétaire de sa maison et d'un petit lopin de terre à la campagne (1).

Il n'existe dans la commune que cinq ou six maisons ou par

famille, souvent durant la vie des parents, que celui d'entre eux qui prend soin de ces derniers prélèvera avant tout partage une certaine indemnité.

(1) En cas de décès de l'ouvrier, son bien est le plus souvent exposé en vente; il arrive alors que l'un des enfants, qui a l'intention de fixer définitivement demeure dans la localité, le rachète tout entier.

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