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Nous avons dit qu'en général les campagnards s'entendent bien et s'entr'aident mutuellement; il en était beaucoup moins ainsi il y a quelques années. L'individualisme régnait à outrance alors et la confiance réciproque manquait absolument; on tenait à être seul à s'occuper de ses affaires et on ne prenait pas conseil chez le voisin, celui-ci se trouvât-il dans la situation de rendre service.

L'institution des œuvres agricoles a fait tomber en grande. partie ces défiances; les cultivateurs réunis presque chaque dimanche dans leur sein, apprennent à s'y mieux connaître et à discuter ensemble de leurs intérêts communs: des membres de familles ennemies s'y rencontrent et, à force de s'occuper de questions sur lesquelles tout le monde est d'accord, finissent par oublier celles qui les divisent.

Bien que l'ignorance de la lecture constitue l'exception, nous devons reconnaître cependant que le paysan lit très peu; il n'a guère profité de l'embryon de bibliothèque populaire qu'on était parvenu à former. Les grands journaux de langue française ne sont lus que par les personnes qui occupent des professions libérales, quelques fermiers reçoivent des petits quotidiens flamands.

Le journal le plus répandu est un petit hebdomadaire d'informations et d'annonces paraissant au village voisin. Les journaux politiques du chef-lieu de canton ont aussi quelques abonnés. L'organe de la Ligue des paysans, De Boer, est distribué gratuitement dans tous les ménages affiliés à la Boerengilde. Assez bien d'habitants sont abonnés à de petites revues pieuses.

Notre paysan se déplace encore assez facilement, mais il ne va guère au loin. Le pèlerinage qu'il fait presque chaque année au sanctuaire de Montaigu est son voyage le plus conséquent (1). Parfois, cependant, les amateurs de chevaux

(1) On remarquera que, à l'inverse des personnes appartenant à des professions libérales toujours enfiévrées, le paysan, lorsqu'il voyage, prend son temps; il n'est jamais pressé, et les jours où il se déplace, il sait se passer de diner; il se prive moins facilement de boisson.

et de bétail sont attirés à Bruxelles par les grands concours nationaux. Les foires et marchés offrent un intérêt moindre que jadis, alors que la fermière elle-même devait s'y rendre une fois ou deux par semaine pour la vente du beurre et des œufs.

La laiterie coopérative est venue dispenser de ces déplacements, elle a supprimé de multiples. occasions de dépenses et a rendu inutile le troc de beurre contre marchandises. Celui-ci, nous l'avons dit, entraînait généralement des abus et il se faisait que le produit total de la laiterie était échangé contre des objets de pure consommation domestique.

Actuellement, on ne doit plus se rendre à la ville que lorsqu'on a une tête de bétail à vendre ou à acheter et pour des approvisionnements, et encore, en ce qui concerne les approvisionnements, les déplacements deviennent de moins en moins nécessaires. Les petits boutiquiers de l'endroit vont se fournir en ville et mettent sur place les denrées à la disposition des consommateurs. Des femmes d'ouvriers, par l'appåt d'un petit bénéfice, pratiquent encore l'approvisionnement direct. I importe de noter aussi qu'à la morte saison les approvisionnements en ville sont plus fréquents; le paysan et la paysanne se donnent assez facilement la petite distraction d'une promenade à Saint-Trond.

Le colportage n'est plus en faveur comme jadis, lorsque les communications étaient difficiles; il constitue actuellement une forme déguisée de mendicité.

CHAPITRE VIII.

Enseignement.

En matière d'enseignement, la commune de Grand-Jamine a toujours été privilégiée. Depuis temps immémorial elle possède une école. Un registre de comptes communaux, comprenant toute la dernière moitié du XVIIIe siècle, nous ren

seigne de fréquentes réparations effectuées à l'école, dont la toiture était de chaume et qui se trouvait adossée à l'église (1).

« Elle était, dit une délibération en date du 5 octobre 1851, trop petite pour contenir le nombre d'enfants, non aérée et insalubre sous tous les rapports, son emplacement sur le cimetière, contre l'église, est absolument incommode et même très inconvenant à cause de la circulation continuelle de tous les enfants et de la déposition habituelle de toutes les immondices (2). >>

La tour de l'église devant être reconstruite, l'école fut démolie et réédifiée, en 1856, sur un terrain situé au centre de l'agglomération et cédé par la fabrique d'église. Le budget communal étant très obéré, ces travaux constituèrent une lourde charge pour la caisse locale; aussi fut-on obligé, à diverses reprises, de solliciter l'intervention de la province et du gouvernement.

A partir de 1836, les enfants de Mettecoven furent autorisés à fréquenter l'école de Grand-Jamine à condition que cette commune contribuât aux dépenses scolaires, en proportion du nombre d'enfants qu'elle envoyait.

En 1843, une décision de la Députation permanente du Limbourg autorisa la réunion à Grand-Jamine, au point de vue scolaire, des communes de Mettecoven et de Petit-Jamine,

(1) Rekeninge der Beide Borgmeesters der gemeente Groot-Gelmen pendant la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Manuscrits aux archives du château de la Motte (Termotten), à Grand-Jamine.

(2) Ajoutons que sa situation près d'un clocher délabré constituait un danger permanent. Dès 1842, l'administration le signalait dans une lettre adressée au commissaire d'arrondissement. Nous ne saurions nous passer du plaisir de reproduire cette pièce dans toute sa naïveté : « Nous avons l'honneur de vous faire connaitre que le clocher de notre église a déjà été depuis longtemps caduc et devient de jour en jour plus caduc, de manière qu'il paraît sur le point de tomber à terre. S'il tomberait, il occasionnerait beaucoup de pertes, car il pourrait ravager l'église, l'école et le presbytère ». Lettre du 16 mai 1842. (Archives communales. Registre de la correspondance, p. 48.)

mais Grand-Jamine eut très longtemps à se plaindre de ses deux voisines, au point de vue de la contribution aux frais scolaires. Après le vote de la loi de 1879 sur l'enseignement primaire, il se fonda, à côté de l'école officielle mixte, une école libre mixte également. Celle-ci eut toutes les faveurs de la population, à tel point qu'elle remplaça comme école adoptée, après 1884, l'école officielle, qui fut supprimée faute d'élèves.

L'école est encore mixte aujourd'hui, le dédoublement s'imposerait cependant; en effet, la population scolaire de la localité a considérablement augmenté et les enfants de PetitJamine continuent à la grossir.

Sous l'ancien régime, s'il faut en juger par des documents émanant de gens de la localité, l'instruction y était assez développée Les comptes communaux tenus chaque année par des personnages différents sont là pour l'attester. D'ailleurs, les leçons étaient données par un clerc, le vicaire de la paroisse (1). Vers la fin du régime français, nous trouvons dans la commune un instituteur laïc dont les connaissances étaient réduites au minimum. Cependant la proportion des personnes complètement illettrées a toujours été très minime.

C'est ainsi qu'en 1846, sur 8 miliciens participant au tirage au sort, 2 savent lire et calculer, 4 lire et écrire, 1 ne sait que lire et 1 seul est complètement illettré (2). En général, la science de ceux qui sortent de l'école primaire ne dépasse pas le savoir lire et écrire, ainsi que le calcul. Les autres notions, dont on essaie de grossir leur bagage scientifique, sont très vites perdues. Il en est encore un peu maintenant, comme en 1847, alors que le conseil communal jugeait inu

(1) Voir Registre des comptes précité et convention sous le régime français entre le maire, les adjoints et le vicaire Proesmans. (Archives de Termotten et de la fabrique d'église de Grand-Jamine.)

(2) Registre de la correspondance (1846), p. 79.

tile l'achat d'une collection de poids et mesures, parce que les enfants quittaient l'école aussitôt qu'ils savaient lire et écrire. L'assiduité à fréquenter les classes laisse en général à désirer; les parents manquent d'autorité sur leurs enfants et ils trouvent eux-mêmes trop facilement des raisons pour leur permettre de négliger la classe (1).

Quant à l'enseignement agricole, il était jadis totalement négligé. Depuis quelques années, un cours élémentaire d'agriculture est, on le sait, au programme. Heureusement que pour les adultes les conférences des agronomes de l'État et de propagandistes volontaires sont venues combler, au moins partiellement, les lacunes de l'enseignement de jadis.

La plupart de nos cultivateurs ne tenant aucun livre, l'organisation de cours pratiques et temporaires de comptabilité agricole serait d'une utilité indiscutable. Il est quelques jeunes gens qui suivent à Saint-Trond les cours d'une école moyenne ou parfois les humanités latines.

Certains ne vont pas au delà et, après avoir suivi les cours d'agriculture annexés à l'Institut des Frères des Ecoles chrétiennes, rentrent dans leurs foyers, d'autres gagnent l'Université et se consacrent à la pharmacie ou à la médecine vétérinaire.

Les sommes destinées par les pouvoirs publics au service de l'enseignement ont toujours été en augmentant.

(1) En ce qui concerne le droit de punir, aux termes d'un règlement communal de 1844, les seules mesures autorisées étaient : 1o la réprimande particulière ou publique; 2o la mise debout au milieu de l'école; 3o la privation de la totalité ou d'une partie des récréations; 4o l'exclusion pour la durée de la classe qui n'est permise qu'en cas extraordinaire, et 50 l'exclusion définitive.

L'instituteur en chef est juge des cas où l'une des quatre premières punitions doit être infligée; quant à l'exclusion définitive, elle est prononcée par le collège échevinal sur la proposition de l'instituteur en chef et de l'avis de l'inspecteur cantonal.

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