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Nous avons essayé, pour la monographie de la commune de Grand-Jamine qui suit, de connaître le nombre exact de propriétaires fonciers. Nous avons dû y renoncer, parce que les indivisions pour lesquelles il n'y a qu'une seule cote sont très nombreuses. Il eût donc fallu se livrer, pour connaître le nombre exact des propriétaires indivis, à des recherches longues et compliquées. De plus, certains propriétaires ont des cotes, non pas seulement dans une commune, mais dans plusieurs communes, et souvent, dans la même commune, un seul propriétaire possède plusieurs cotes suivant la provenance des biens.

Nous dirons bientôt pourquoi il est impossible d'être renseigné exactement sur la situation hypothécaire.

Trois faits frappent celui qui étudie la propriété foncière en Hesbaye :

« C'est une règle générale en Belgique, écrit de Laveleye relativement à la région des polders terres sablonneuses, petites exploitations, terres argileuses, grandes exploitations (1). >>

Il parle des exploitations. Or, c'est un fait bien connu : petite culture n'est pas toujours synonyme de petite propriété; il suffit de citer l'exemple classique de l'Irlande; même en Hesbaye, il est de grands propriétaires qui ont morcelé de grandes fermes et louent en détail. Mais grande exploitation ne va généralement pas sans grande propriété. Or, nous aurons plus d'une fois l'occasion d'y revenir, la culture se morcelle en Hesbaye et également la propriété.

«En règle générale, et sauf des exceptions qui peuvent s'expliquer par des circonstances particulières, la propriété paysanne domine dans les régions pauvres, tandis que le faire-valoir indirect se développe au contraire dans les régions riches (2).

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(4) L'agriculture belge. Rapport présenté au Congrès agricole international de Paris, en 1878. Bruxelles. Muquardt, p. XXII.

(2) ÉM. VANDERVELDE, Le socialisme et l'agriculture. Cours professé, en 1906, à l'Université nouvelle de Bruxelles. Bruxelles, Lamertin, 1906. p. 23.

Et cela se conçoit quand la terre coûte cher, l'exploitant ne dispose généralement pas de capitaux nécessaires pour acquérir sa terre et garder un capital suffisant d'exploitation; une dislocation s'impose : des capitalistes deviennent propriétaires du sol et celui-ci est exploité par des fermiers.

La Hesbaye est, quant à la terre, la contrée la plus riche de la Belgique. Or, il se fait qu'on y rencontre beaucoup de cultivateurs, propriétaires pour partie des terres qu'ils exploitent.

Enfin, troisième fait qui frappe l'observateur, c'est le prix élevé des terres.

On s'est demandé, surtout en Allemagne, si ce n'est pas un mal que le prix des terres soit si élevé (1).

Nous croyons qu'il vaudrait bien mieux que ce prix fût moindre, parce que des prix élevés qui forcément, dans un pays d'exploitation en faire-valoir indirect, amènent de hauts fermages, absorbent en partie la rémunération normale du travail agricole. Qui ne connaît, à cet égard, les travaux de Rodbertus Jagetzow: Zur Erklärung und Abhülfe der heutigen Creditnoth des Grundbesitzes (2) et surtout de Gustav Ruhland (3)?

(1) Voir encore dans la Deutsche Landwirtschaftliche Presse du 25 septembre 1907, l'article de ANDREAE, Was Lehren uns die dermaligen hohen Güter- und Grundstückspreize.

suiv.

Zweite Ausgabe. Berlin, Hermann Bahr.

() Voir surtout les études suivantes de RUHLAND: Gedanken und Vorschläge über die Regulierung der Grundschulden, dans la Zeitschrift für DIE GESAMMTE STAATSWISSENSCHAFT, 39er Jahrgang. Tübingen, H. Laupp. 1883, pp. 432 et suiv.; dans cette même revue, même année, pp. 673 et Agrarpolitische Vorschläge auf Grund unserer geschichtlichen Rechtsbildung; même revue, année 1885, pp. 253 et suiv. - Preis und Werth der Grundstücke mit Rücksicht auf Taxation, Grundrente und Arbeitslohn; même revue, année 1895, pp. 736 et suiv. Antworten auf die Fragen des Herrn Staatsrat A. Buchenberger. Ueber die Grundprinpien aktueller Agrarpolitik. Tubingen, Laupp, 1893. Agrarpolitische Leistungen des Herrn Prof"-D" Lujo Brentano oder die alte und die neue Schule kritisch beleuchtet. München, J. Schweitzer's Verlag, 1894. Leitfaden zur Einführung in das Studium der Agrarpolitik. Berlin, P. Parey, 1894.

Mais la grosse question est de trouver un moyen pratique et conforme à nos idées modernes de liberté du marché des terres.

Quelque ingénieux que soit le système qu'ils proposent, il n'y a pratiquement pas de possibilité d'éviter que l'acheteur d'une terre ne donne un prix supérieur à la valeur productive de celle-ci, qu'il ne tienne compte de toutes sortes d'éléments subjectifs que cette terre est bien située pour lui, qu'il trouvera dans son exploitation du travail pour lui ou pour ses enfants qui grandissent, qu'avoir de la propriété donne une certaine considération et de l'influence, etc. (1).

La grande propriété est représentée en Hesbaye par quelques domaines importants, mais la petite et la moyenne propriété y dominent surtout (2). Ém. Vandervelde (3) a cru constater, en 1900, une tendance à la concentration foncière dans la région hesbignonne.

Nous ne contestons point que bien que le nombre des cotes foncières de la province de Liége soit passé de 375,030 à 817,473 en 1896, leur chiffre proportionnel a baissé au lieu de 23 cotes pour cent habitants en 1834, il n'y en a plus que 15 en 1896, mais, nous le disions déjà tantôt, nous croyons qu'il est pratiquement impossible de connaître le

(1) Voir à cet égard le volume de LUJO BRENTANO, Agrarpolitik, Ein Lehrbuch, 1. Teil. Stuttgart, 1897. Verlag der Cotta'schen Buchhandlung, pp. 83 et suiv., le chapitre Der Bodenpreis. Cette question est d'ailleurs traitée dans tous les ouvrages généraux de l'Économie rurale allemands.

(2) L'auteur d'une monographie du canton de Waremme (Avenir social, 1898, pp. 1 et suiv.) faisait erreur lorsqu'il prétendait que dans chaque commune les terres appartenaient à trois, deux, voire même un seul propriétaire, et que tout le canton était la propriété de moins de cinquante-cinq grands propriétaires. Les cotes de plus de 100 hectares ne comprenaient dans le canton de Waremme, au moment où il écrivit, que 10.2 % de l'étendue totale (chiffres de EM. VANDERVELDE, dans La propriété foncière en Belgique, tableau de la page 204).

(3) ÉM. VANDERVELDE, La propriété foncière en Belgique. Paris, Schleicher, 1900, pp. 207 et suiv.

nombre exact des propriétaires fonciers. En supposant même la dernière proportion exacte, que démontre-t-elle, sinon que le nombre des cotes foncières ne s'accroît pas en proportion de la population, chose évidente, car le sol, au moins pratiquement, n'est pas indéfiniment divisible? Faut-il dire pour cela que la propriété tend à se concentrer en quelques mains? Elle cesse simplement de se diviser en des infiniment petits, et le petit domaine rural se reconstitue lentement. Certes, il y a actuellement en Hesbaye plus de cotes foncières de 100 hectares qu'en 1834, la grande propriété a retrouvé quelque peu ce qu'elle avait perdu pendant les époques troublées de la fin du XVIIIe siècle, mais il est à noter qu'à l'époque où M. Vandervelde écrivait son volume sur la propriété foncière, on sortait de la crise agricole, le paysan n'avait pas d'économies, les propriétaires fonciers ayant le champ libre achetaient à des prix avantageux les terrains qui étaient offerts en vente.

Et encore la concentration foncière fut-elle bien peu importante; en effet, en 1834, la contenance totale des cotes de plus de 100 hectares était pour les districts de Héron, Huy, Jehay-Bodegnée, Avennes, Hollogne-aux-Pierres, Waremme, Fexhe-Slins et Landen, de 17,078 hectares, elle était montée en 1898 à 17,855 hectares, soit une augmentation de 777 hectares. Actuellement, les terres mises en vente sont achetées par des paysans. Il est même à remarquer que, dans certains endroits, les petits cultivateurs éliminent les cultivateurs moyens pour lesquels la main-d'œuvre louée devient trop chère et qui n'ont pas, comme les grands cultivateurs, les capitaux nécessaires pour la remplacer par la machine perfectionnée. Les ouvriers eux-mêmes sont épris de cet emballement pour la propriété foncière et avec eux les petits. artisans et les petits commerçants ruraux. A coup sûr, bon nombre d'ouvriers des campagnes, attirés par les gros salaires industriels, s'en vont chercher du travail dans les villes, mais i en est beaucoup qui ne quittent point leur village sans esprit de retour, ils y laissent leur famille, y prennent des terres en location et, le plus souvent, s'ils sont sérieux, leurs

économies sont consacrées à l'achat de terrains à la campagne (1).

Il existe encore, nous en convenons volontiers, certaines localités du centre de la Hesbaye où la grande propriété et l'exploitation en grande culture dominent. Peu de terres y étant louées en détail, les petits cultivateurs y sont en nombre réduit et, partant aussi, les acheteurs de terrains; en effet, les gros fermiers, la plupart des étrangers, ne tiennent pas à immobiliser des capitaux en biens fonds. La terre est, dans ces conditions, à plus bas prix qu'ailleurs et les propriétaires fonciers en profitent pour acheter. Cependant là encore, ceux que nous avons interrogés nous répondent généralement que, malgré tout, le morcellement de la propriété augmente. Tout le monde y est convaincu de l'avenir de la petite propriété et de la petite culture.

Les origines des propriétés hesbignonnes sont diverses. Il est des domaines qui se transmettent par succession depuis des siècles. D'autres, de leurs anciens propriétaires nobles ont passé à des familles appartenant au monde industriel. D'autres encore sont d'anciens biens noirs. Enfin, il est des propriétés importantes qui appartiennent depuis un temps immémorial à des familles rurales riches, constituant en quelque sorte une aristocratie paysanne. Elles sont, en général, exploitées en faire-valoir direct par leurs propriétaires.

Il faut noter aussi qu'au moment de la crise, assez bien d'immeubles ont été acquis par des petits propriétaires et petits commerçants des villes qui n'exploitent pas eux-mêmes. C'est ce qui explique en partie les chiffres, en ce qui concerne le faire-valoir direct, donnés par le recensement

(1) Ces terrains sont alors cultivés par la femme et les enfants. Il est à noter que dans certaines parties de la Hesbaye, notamment dans le canton de Looz, le bornage des propriétés laisse beaucoup à désirer. Plus d'une fois, on nous y a dit qu'il devrait être défendu de vendre des terres sans bornage préalable.

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