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éléments de l'instruction la connaissance des plus simples règles de l'arithmétique.

>> C'est surtout dans les communes rurales que l'ignorance est extrême; la plupart ne fournissent pas assez d'individus capables d'écrire pour remplir les diverses fonctions de maires, d'adjoints, de conseillers municipaux, de membres des bureaux de bienfaisance, etc. (1). »

Et Thomassin attribue cette ignorance non au défaut d'intelligence, mais au mauvais état de l'instruction avant la révolution française.

Le Hesbignon, nous dit-il encore, a le caractère indépendant. «Outre les différences qui distinguent les Wallons des Flamands, il faut encore considérer les habitants de la Hesbaye partagés en deux classes très dissemblables par leurs mœurs et leur caractère la première se compose des fermiers propriétaires et locataires qui sont plus ou moins affables, hospitaliers, tandis que le reste des habitants ne vit que du travail de ses mains; cette classe très nombreuse, puisqu'on ne compte que deux ou trois fermiers par village, est grossière, agreste et parfois brutale. Les fermiers tiennent ces ouvriers dans la dépendance à tel point que celui qui leur a déplu a souvent de la peine à trouver de l'emploi et que, pour s'en procurer, il se trouve forcé de quitter le village et même le canton. C'est ainsi que, n'ayant aucune propriété, ne trouvant point du travail, le naturel de ces manœuvres se développe insensiblement jusqu'aux préparatifs et à la consommation du délit. Telle est alors, dans sa situation, la haine qu'il porte aux propriétaires, jointe à une espèce de fierté, qu'il préfère la mort à une mendicité oisive, et, dès lors, déshonorante à ses yeux; il aime mieux voler, sommer et chauffer que mendier (2). »

Ce caractère indépendant est la source de rixes et de procès. «Son orgueil, sa rudesse et son irascibilité le portent facile

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ment à la vengeance (il est ici spécialement question du Wallon). Avant 1790, l'arme de l'habitant de la Hesbaye était un énorme bâton, et aucune fête du village ne se passait qu'il n'y eût quelques bras, jambes et têtes cassés. Depuis, contenu par la crainte de la flétrissure, il fait éclater son ressentiment par les moyens judiciaires. Aussi, l'un des plus grands défauts dans le caractère des Hesbignons, celui même qui contribue peut-être le plus à les rendre malheureux, c'est leur penchant extraordinaire pour les procès, funeste résultat de leur ignorance et de leur humeur naturellement querelleuse. Ils faisaient autrefois partie d'un Etat où les gens de loi étaient très nombreux, et les tribunaux très multipliés; ils fournissaient à l'avidité des premiers une moisson très abondante et fatiguaient les seconds de leurs innombrables contestations.

« Cette passion désastreuse n'est pas encore bien éteinte chez eux, malgré l'énormité des frais qu'entraînent aujourd'hui les procès, et la Hesbaye est aujourd'hui la mine d'or du grand nombre d'avoués dont le département est surchargé » (1). Flamands et Wallons ont également, dit Thomassin, « un grand attachement à la religion; quoique souvent peu éclairé, le Flamand est plus superstitieux que le Wallon... » (2).

Il est encore deux traits de caractère par lesquels Thomassin distingue Wallons et Flamands ces derniers sont moins ouverts et moins tranquilles, plus agités que les premiers (3).

Les Hesbignons, en général, aiment beaucoup les festivités et la danse. Thomassin décrit assez longuement les jeux et les fêtes patronales « fiesses et kermesses » et les bals qui ont lieu ordinairement dans une « grange ou une place publique » (4). Enfin, reproduisons encore ce qu'il dit sur la moralité des Hesbignons. « Leur conduite (des femmes) est décente, et elles sont en général bonnes épouses, bonnes mères et allaitent

(1) Ouvrage cité, p. 214.

(2) Ibid., p. 214.

(3) Ibid., p. 214.

(Ibid., pp. 215-216.

leurs enfants. Mais les mœurs des jeunes gens y sont relâchées, et l'étranger s'étonnerait de l'air libre des filles de fermiers et des cultivateurs. Le nombre des enfants naturels est considérable et leur naissance amène le mariage dans la classe des ouvriers plus facilement que dans celle de fermiers. Les fils ou filles de ces derniers ne se marient qu'à un certain âge et surtout quand il peuvent trouver une ferme à loyer, ce qui est assez rare. Chez ces jeunes gens, le libertinage est rarement l'effet de la chaleur du tempérament. L'amour se fait par désœuvrement, faute de commerce et d'industrie (1). »

Ce tableau est chargé !

Répond-il encore à la réalité?

Et tout d'abord, disons que cette distinction que Thomassin établit si profonde entre habitants flamands et wallons n'existe presque pas.

Le Flamand est plus religieux; la propriété et la culture. sont plus morcelées dans la partie flamande de la Hesbaye que dans la partie wallonne, et cela a sa répercussion sur le caractère des habitants; mais il ne peut être question de « la grande antipathie et d'une véritable haine nationale » qui règne entre

eux.

Le Wallon aime à se moquer un peu du Flamand qu'il considère comme étant d'une race inférieure; le Wallon a plus de manières, il est plus poli; mais nous n'oserions pas en conclure, comme le fit Thomassin pour son temps, que le Wallon est plus «< ouvert » que le Flamand: celui-ci parle moins, c'est vrai, mais quand il parle, on sait ce qu'il pense, il y a plus à se baser sur sa parole que sur celle du Wallon. Thomassin dit encore que de son temps, les Flamands étaient plus agités, moins calmes que les Wallons. Nous croyons que, pour notre époque, le contraire est plus vrai.

Examinons quelques traits de caractère plus en détail : Notons ici que les plaines de Hesbaye ont bien souvent servi de théâtre à la guerre, les gens d'armes des nations les plus diverses

(1) Ouvrage cité, pp. 215-216.

s'y donnaient rendez-vous pendant des siècles; nous montrons par le détail pour la commune de Grand-Jamine ce que cette présence de militaires coûtait aux habitants. Elle doit avoir eu de l'influence sur le caractère et la moralité. Il suffit de voir, par exemple sur les hauteurs qui environnent Tongres, les routes militaires qui sillonnent la campagne; le long de ces routes, il n'y a pas de villages, ceux-ci sont bâtis à l'écart.

Edmond Picard, dans un article de la Revue économique internationale intitulé: Essai d'une psychologie de la nation belge, parle de l'esprit d'association plus intense en Belgique que n'importe ailleurs dans le monde. « Le Belge, dit-il, s'associe comme les castors bâtissent leurs cités lacustres (1). »

C'est vrai pour la généralité du pays, ce n'est pas vrai pour la Hesbaye.

Surtout dans la partie flamande où la culture est plus morcelée et où il s'est trouvé plus d'hommes d'œuvres tenaces et pleins de dévouement, on est parvenu à organiser des associations entre cultivateurs; mais en général, et surtout dans la partie wallonne, cela ne réussit guère (2).

(4) Livraison de septembre 1906, p 268.

:

(2) Récemment le Syndicat agricole liégeois, société coopérative, fêta son XXe anniversaire. Il a pour but « de procurer à ses membres, dans les meilleures conditions possibles de prix et de qualité, les engrais, les semences, les machines agricoles et les denrées alimentaires pour le bétail et, d'une façon générale, de vendre et d'acheter tous objets et produits agricoles ou autres utiles aux agriculteurs >>. (Art. 2 des statuts.) La société se propose encore d'unir les cultivateurs et les propriétaires ruraux a) pour la défense de leurs intérêts communs; b) pour l'étude des réformes législatives ou autres utiles à l'agriculture; c) pour la propagation de la science agricole; d) pour l'établissement du crédit agricole; e) pour la vente de leurs produits (art. 3 des statuts). A l'occasion de son anniversaire (1887-1907), le Syndicat publia la liste des sociétés libres de la province de Liège qu'il patronne : «< assurances mutuelles du bétail, assurances mutuelles de chevaux, unions professionnelles agricoles reconnues, laiteries coopératives, caisses locales d'épargne et de crédit (système Raiffeisen ». Voir la brochure : 1887-1907. Le Syndicat agricole liégeois, société coopérative à Liége. XXe anniversaire. Imprimerie liégeoise, Henri Poncelet, Liége.

Le Hesbignon est toujours, comme du temps de Thomassin, « égoïste », il est individualiste, il est en outre foncièrement méfiant, craignant que d'autres, de plus forts ou de plus malins que lui, ne se servent des associations pour en profiter personnellement, à son détriment.

Cependant il pratique l'aide mutuelle le gros fermier met assez facilement ses machines et sa force animale à la disposition des petits cultivateurs; ceux-ci se jalousent, mais ils se donnent un coup de main pendant la moisson, le charriage des betteraves et à l'occasion du vélage des vaches. On voit aussi parfois des petits s'entendre pour ne pas surenchérir lors de la location publique de terres; il s'est vu, mais c'est bien plus rare, de petits cultivateurs se mettre d'accord pour acheter en commun un bloc de terre dont le prix dépassait leurs ressources : ils le diviseront après la vente.

Notons ici que les vieux parents invalides sont généralement. bien traités par leur famille. Il est vrai qu'à la campagne ils peuvent souvent rendre encore quelque service et que la pension de vieillesse de 65 francs est un appoint sérieux pour leur entretien.

Il y a quelques années, des propagandistes socialistes se vantaient de ce que, faisant appel aux sentiments d'indépendance du Hesbignon et à des passions politiques, ils parviendraient à syndiquer les ouvriers agricoles de la Hesbaye. En 1900, ils signalèrent, outre le syndicat de Hollogne-sur-Geer La Gerbe, des syndicats similaires à Ligney, Grand-Axhe, Omal et Boelhe (1) et encore, en 1904, ils écrivirent « Le syndicat mutualiste La Gerbe de Hollogne-sur-Geer a servi de modèle à toutes les communes de la Hesbaye » (2).

Nous croyons que l'individualisme du Hesbignon et son

L'Avenir social, 1900, p. 73.

Le Mouvement socialiste. REVUE MENSUELLE INTERNATIONALE, 1904, p. 265.

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