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riche non seulement du pays, mais peut-être de l'Europe entière.

En Campine, la petite culture seule existe. Nous verrons qu'elle s'implante de plus en plus en Hesbaye, mais c'est ici le pays des grandes exploitations (grandes, pour la Belgique bien entendu), des fermes industrielles.

L'auteur du mémoire relatif à la population agricole de la Campine se plaît à comparer les paysans campinois, qui ont dû « faire » leur terre, aux campagnards de la contrée mosane et de la Hesbaye, et il rapporte l'opinion des Campinois, qui prétendent que le Mosan et le Hesbignon, vivant d'une vie plus facile, « ne méritent pas leur bonne terre ». Il est intéressant de voir de près si cette opinion des Campinois correspond à la réalité.

La Campine se transformera incessamment, au moins en partie, en contrée industrielle; cette transformation aura sa répercussion sur l'agriculture de la Hesbaye. On se plaint vivement, dans cette dernière région, nous aurons l'occasion d'y insister, du manque de main-d'œuvre beaucoup d'ouvriers désertent la campagne et travaillent dans les centres industriels du pays de Liége et de Charleroi. Que sera-ce quand l'industrie voisine du Limbourg réclamera des bras?

Nous donnons ici avant tout des faits, tâchant de mettre en lumière les conditions dans lesquelles se meut et vit la population agricole de la Hesbaye.

Il est certaines questions d'économie rurale générale qui se trouvent illustrées par ces faits:

La vieille question, toujours vivement débattue, de la

supériorité économique de la grande ou de la petite cul

ture;

Le morcellement de la propriété foncière;

La valeur de la propriété et le prix du fermage;

La propriété du sol, pour partie entre les mains des exploitants, dans une région de terre à haut prix; L'exode rural, etc.

Nous ne pouvons naturellement pas approfondir ici chacune de ces matières: il suffira de dire l'état de la question et de noter les arguments que fournit notre sujet.

Dans la préface de son étude sur Les populations agricoles de la France, Baudrillart montre comment il est plus difficile d'étudier la population agricole que la classe ouvrière industrielle : « On ne trouve sur elles (les populations agricoles) que des renseignements dispersés et incomplets. Cela tient à ce qu'on s'est beaucoup moins occupé du personnel de l'agriculture que de celui de l'industrie... Cette insuffisance de documents pour la classe rurale tient aussi à la dispersion même des habitants des campagnes et à la diversité que présentent les régions (1) ».

C'est également vrai pour la Belgique et spécialement pour une région qui, jusque dans ces derniers temps, n'a pas été citée comme exemple de culture à imiter.

Quand des étrangers venaient dans la première moitié du XIXe siècle étudier notre agriculture, ils s'arrêtaient en Flandre, dans le pays de Waes, plus tard en Campine (au

(1) Paris, Guillaumin et Cie, 1888, p. vii.

temps des grands travaux d'irrigation et de défrichement, vers 1850), mais la Hesbaye ne méritait pas qu'on la visitât. J.-N. Schwerz consacre trois volumes à l'étude de l'agriculture belge et, dans le deuxième volume, il mentionne à peine la Hesbaye pour critiquer son assolement, l'étendue de ses exploitations et le peu de soins consacrés au fumier (1). Dans ces intéressants rapports annuels : État de l'agriculture dans le royaume des Pays-Bas (2), J. Kops, professeur à l'Université d'Utrecht, n'a guère plus de louanges pour l'agriculture hesbignonne. Nous lisons dans l'État de l'agriculture dant 1818 : « L'agriculture y est (dans la partie hesbignonne de la province de Liége) assez florissante, quoique encore très éloignée du point de perfection où se trouvent sous ce rapport les provinces du Brabant méridional et des Flandres orientale et occidentale.

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>> Quelques parties, celles qui avoisinent le Brabant méridional et, notamment, les districts de Landen et de Hannut, laissent moins à désirer à cet égard; là les récoltes se succèdent sans interruption, mais dans beaucoup d'autres endroits, l'œil s'afflige de l'aspect de grandes étendues d'excellentes terres abandonnées à un repos qui semble susceptible d'être plus ou moins diminué ou abrégé (3) ».

En 1821 et 1822, S. Grouner, envoyé par la Société agricole bavaroise, vient étudier l'agriculture néerlandaise

(1) Anleitung zur Kenntnisz der Belgischen Landwirtschaft, 2. Band. Halle. Hammerde und Schwetschke, 1808. pp. 239 et suiv.

(2) Publiés par ordre du Ministre pour l'Instruction publique, l'Industrie nationale et les Colonies. La Haye. A l'imprimerie de l'Etat. (3) Page 60.

et belge. Il traite de toutes nos régions agricoles, excepté des Ardennes et de la Hesbaye (1) !

Et Emile De Laveleye, dans son volumineux rapport sur l'Agriculture belge, présenté, « au nom des sociétés agricoles de Belgique et sous les auspices du Gouvernement »>, au Congrès agricole international de Paris de 1878, met encore la Hesbaye en peu glorieuse compagnie quand il écrit: «<< Dans la région sablonneuse et principalement dans les Flandres, les petits cultivateurs font de la culture intensive au plus haut degré, et, par suite, le rôle du propriétaire comme initiateur du progrès agricole se trouve très réduit. Dans la région limoneuse et schisteuse, en Hesbaye, en Condroz, en Ardenne, il n'en est pas de même. La culture y est susceptible d'améliorations considérables et c'est aux grands propriétaires à en donner l'exemple (2) ».

Aussi, à part de rares indications dans le Tableau politique du département de l'Ourthe par Constans (5), dans la Statistique du département de la Meuse-Inférieure par Cavenne (4), dans les Recherches sur la statistique physique, agricole et médicale de la province de Liége par Richard Courtois (5),

(4) Beschreibung einer Reise durch das Königreich der Niederlande, welche auf Veranlassung des landwirtschaftlichen Vereins in Bayern gemacht worden von Samuel Grouner, ehmaligen Oberberghauptmann, verfasst von G.-W. Wimmer, vormaliger königl. bayer. Professor der Landwirtschaft, 2 volumes. Friedrich Pustet, 1826 et 1827.

(Bruxelles. G. Muquardt, 1878, p. CXLVIII.

(3) Bruxelles. De l'imprimerie de M. Lemaire. Nivose, an IX.

(*) Ingénieur des ponts et chaussées, approuvé pour être présenté au Ministre de l'Intérieur, par le citoyen Loysel, préfet. Paris, imprimerie des sourds-muets, an X.

(5) 2 volumes. Verviers. Chez M. R. Beaufays, 1828.

dans quelques articles publiés par le Journal d'agriculture, d'économie rurale et des manufactures du royaume des PaysBas, à part surtout le remarquable Mémoire statistique du département de l'Our the par Louis-François Thomassin (5), les sources imprimées pour la première moitié du XIXe siècle nous font pour ainsi dire complètement défaut.

Nous avons heureusement pu mettre la main sur quelques sources manuscrites: vieux actes de vente et de feimage et, ce qui est le plus difficile à trouver à la campagne, un livre d'annotations commencé en décembre 1810 et tenu par Denvoz, locataire de la ferme de Fresin, et un registre de comptabilité des domestiques, ourriers, entasseurs, garçons, servantes, commencé à Fresing le 1er mars 1843, tenu par une fille du fermier Jadoul, successeur du prénommé Denvoz.

Nous reproduisons en annexe le relevé des meubles, effets, bestiaux et attirail de labeur ayant garni la ferme de la Tourette à l'Ecluse et vendus en 1749. Les conditions d'exploitation en Hesbaye ne se sont guère modifiées avant 1850, époque à laquelle a été introduite la culture de la betterave sucrière. Nous donnons également en annexe le procès-verbal de la situation des lieux pour les bâtiments de la ferme de Fresin, fait le 1er mars 1843 à l'entrée du

(1) Commencé dans le courant de l'année 1806. Édité sous la direction de la Société des bibliophiles liégeois. Liége, Grandmont-Donders. MDCCCLXIX.

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