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Un vieux dicton prétend

Que nul n'entre dans le Hesbain
Qui ne soit combattu demain.

Thomassin nous a appris que, de son temps, les Hesbignons avaient l'épiderme sensible. Actuellement encore, il est des parties de la Hesbaye où l'on aime la procédure, et le shabitants de certaines communes sont connus dans la région comme étant des batailleurs; mais, d'une manière générale, l'esprit de chicane et de procédure a beaucoup diminué.

Disons encore, avant d'en venir au respect des morts, aux sentiments religieux et à la moralité, qu'à part les ouvriers qui vont travailler dans le bassin industriel, le Hesbignon. n'émigre pas et ne quitte même pas facilement sa commune.

Vers 1855, il s'est produit une certaine émigration vers le Canada et les États-Unis. C'était surtout du sud-est du Brabant que les cultivateurs et les journaliers partaient pour tenter la fortune au loin.

« L'émigration vers l'Amérique a continué dans des proportions toujours croissantes, écrit le commissaire d'arrondissement de Nivelles à la date du 10 avril 1856. Les cantons de Wavre, de Jodoigne et de Perwez sont entraînés par cet élan que l'on peut appeler une véritable fièvre. Séduite par les récits mensongers ou tout au moins exagérés de certains. agents, la classe ouvrière des campagnes vend son petit avoir, et les familles entières, accompagnées des aïeuls eux-mêmes, s'embarquent pour l'Amérique, où ils pensent trouver la fortune sans peine et sans déception... Nos lois ne permettent pas d'entraver par des mesures gouvernementales cette dépopulation partielle. L'autorité ne peut agir que par voie de conseils. Elle l'a fait, mais elle a été peu écoutée (1). »

(1) Rapport annuel du commissaire d'arrondissement. Exposé de la situation administrative de la province de Brabant, 1856. Il est, pour la première fois, question de cette émigration dans le rapport daté du 29 mars 1854. Exposé, 1854, p. 414. Le rapport pour 1858 constate que le mouvement d'émigration, qui a été si énergique, a cessé. Exposé, 1858,

Le curé d'Offus, sous Ramillies, voyant qu'un grand nombre de ses paroissiens se disposaient à émigrer, les accompagna et devint le pasteur d'une immense paroisse au Wisconsin.

On émigra aussi de certaines communes de la Hesbaye liégeoise, de Thisnes, de Houtain-l'Évêque, de Wezeren, etc.

On nous signala qu'une vingtaine de familles de Thisnes (lez-Hannut) ont ainsi émigré au Canada et aux États-Unis et s'y adonnent surtout à la culture.

Respect des morts. Le respect des morts est très vif en Hesbaye. Les enterrements sont bien suivis. Le cimetière entoure communément l'église, les tombes sont généralement très bien entretenues; parfois, dans certaines communes, on voit un petit banc devant les tombes, banc sur lequel les membres de la famille viennent souvent, le dimanche après la messe, s'agenouiller et prier un Pater.

A l'occasion du jour des morts, on annonce dans certaines églises des centaines de messes qui seront dites pour le repos de l'âme de tel ou tel défunt. Certains fermiers font dire, ainsi, pour 100 francs de messes; la vanité humaine se logeant partout, il en est qui font une question d'honneur de l'annonce d'un grand nombre de messes.

Les futurs époux demandent souvent au prêtre, proclamant les bans du mariage, d'annoncer jusque six et huit messes pour leurs parents défunts.

Le jour des Rameaux est aussi consacré au culte des morts. On s'habille en deuil et, avant la grand'messe, on fait bénir une grande quantité de buis. Les membres d'une même famille plantent des rameaux bénits, en forme de croix, sur la tombe de leurs défunts. C'est, dit-on en wallon, « Paqui les mwerts (1) ».

p. 337. Voir aussi l'étude de LEGOYT, L'Émigration européenne, Paris, Guillaumin, citée, par ÉM. VANDERVELDE, dans son volume L'exode rural et le retour aux champs. Paris, Alcan, 1903, page 97, en note.

(1) Voir, pour ce dernier usage, ÉD. MARÉCHAL, Le village et la paroisse de Hodeige, ouvrage cité, p. 318.

Esprit religieux. - Thomassin note « le grand attachement >> des Hesbignons wallons et flamands à leur religion. Nous n'oserions plus en dire de même. Si une distinction assez nette existe entre Flamands et Wallons de la Hesbaye, c'est au point de vue religieux. Le Flamand est beaucoup plus religieux que le Wallon, bien que cependant l'esprit anticlérical, anticuré, soit plus prononcé en Hesbaye qu'ailleurs en pays flamand. Le Wallon, nous laissons naturellement les exceptions de côté, est devenu assez indifférent aux choses de la religion, s'il en observe encore les pratiques extérieures, bien souvent la conviction n'est plus profonde.

Superstition.

D'après Thomassin, les Flamands seraient plus superstitieux; ils le sont un peu tous les deux, mais les Wallons le sont beaucoup plus que les Flamands.

Ceux-ci feront un pèlerinage par dévotion; souvent des Wallons abandonnent leurs devoirs religieux, sans abandonner les pèlerinages qu'ils avaient coutume de faire. Ils viendront en pèlerinage, le dimanche, honorer tel saint ou telle sainte, mais négligeront d'assister à une messe.

Les Wallons, plus que les Flamands, vont prendre conseil chez les diseuses de bonne aventure.

Quant à certains remèdes superstitieux ou à certaines soidisant prescriptions, comme par exemple que telle plante doive être plantée tel jour pour qu'elle vienne bien, que des personnes nées après la mort de leur père aient le pouvoir de guérir certaines maladies, de faire disparaître par des pressions chez les hommes et chez les animaux des entorses, des foulures, etc., que tel animal soit de mauvais augure, etc., assez bien de personnes, surtout celles d'un certain âge, y ajoutent foi; mais encore ici nous ne pouvons pas dire que les Flamands soient plus superstitieux que les Wallons (1).

(1) On nous a cité, à Xhendremael, village du nord de la province de Liége, un exemple de vieille superstition que nous devons relater ici : un petit fermier qui, en 1906, bâtissait une maison, a placé en victime, sous la première pierre des fondements, un petit chat vivant.

Moralité. Au point de vue matériel, cela ressortira suffisamment de cette étude, les progrès accomplis en Hesbaye au cours du XIXe siècle sont immenses. Nous ne pouvons pas en dire de même de la moralité. Et il est difficile de déterminer quelle classe de la population agricole est, à cet égard, la meilleure. Cela diffère beaucoup d'une commune à l'autre. Toujours est-il que les grands n'ont pas partout donné le bon exemple. Les gens mariés se conduisent généralement bien, nous avons déjà noté cependant que les pratiques du néo-malthusianisme commencent à se répandre dans les campagnes de la Hesbaye.

Il est vraiment à regretter, au point de vue moral, que, dans certaines parties de la région et dans certaines communes, il y ait manque d'habitations, ce qui oblige les jeunes mariés ou à rester séparés pendant des années parfois, vivant chacun chez ses parents respectifs, ou à habiter des parties de maisons où ils sont à l'étroit (1).

C'est chez la jeunesse que la moralité laisse le plus à désirer. Maréchal, dans son étude Le Village et la Paroisse de Hodeige, donne en appendice le relevé des naissances illégitimes pour le XIXe siècle elles sont très nombreuses jusqu'en 1831; de 1806 à 1831, il y a 116 naissances naturelles contre 302 légitimes. L'époque troublée l'explique en partie. A partir de 1831, la situation s'améliore, pour être la meilleure de 1845 à 1885. Pour ces 41 ans, il n'y a que 36 naissances hors mariage, contre 619 naissances légitimes. Depuis 1885, le nombre de naissances naturelles s'accroît, sans atteindre cependant le chiffre du premier tiers du XIXe siècle (2).

(1) Voir dans la seconde partie, les réponses au questionnaire pour la commune de Boneffe, réponse no 12. On nous a signalé la même situation dans les communes environnant Tongres. Le chevalier de Corswarem l'a notée dans son étude Enquête sur la nécessité d'augmenter le nombre des habitations dans les communes rurales de l'arrondissement de Hasselt. Hasselt, Ceysens, 1904.

(2) Ouvrage cité. Appendice III.

Nous donnons également plus loin les chiffres pour la commune de Grand-Jamine.

Mais du fait du moindre chiffre de naissances illégitimes, il n'y a pas encore à conclure à un progrès de la moralité. Le contraire peut être vrai.

Le sentiment moral populaire n'admet pas qu'une veuve se méconduise; quand le fait devient public, un bonhomme de paille, recouvert d'oripeaux, planté pendant la nuit devant sa demeure ou posé sur le faîte du toit de sa maison, viendra souvent venger la morale publique offensée (1); cette morale publique n'admet pas non plus qu'un jeune homme abandonne la jeune fille envers laquelle il a contracté des obligations; mais quand le mariage doit suivre, le sentiment moral est très laxe et l'on constate que, dans la majorité des cas, la conception du premier né se place en dehors du mariage.

Nous croyons en avoir dit assez pour que le lecteur puisse se faire une idée du caractère et des mœurs de la population agricole de la Hesbaye.

CHAPITRE IV.

Le cultivateur.

Parlant du caractère et des meurs des Hesbignons, nous avons distingué le grand fermier, véritable industriel agricole, du petit cultivateur, ouvrier indépendant qui espère s'agran

(4) « Cet usage de planter des hommes de paille devant la maison, sur le toit des veuves, est heureusement tombé en désuétude. Mais un autre, qui a quelque analogie avec lui, persiste. Lorsqu'un jeune homme a trompé une jeune fille et l'a abandonnée, cette dernière se venge en allant peindre la nuit sur la maison de l'infidèle, avec de la chaux ou du goudron, un bonhomme aux proportions gigantesques. » MARECHAL, ouvrage cité, p. 437, note.

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