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balance au-dessus d'elle, que nous aurions trouvé que Prud'hon est un grand maître, un maître incomparable!

Quand le xvii° siècle, avec ses mœurs frivoles, ses modes légères, ses idées flottant des poésies fugitives du cardinal de Bernis à Voltaire et aux Encyclopédistes, de Gentil Bernard à l'Esprit des lois et au Contrat social, eut été rejeté * définitivement dans le passé; quand l'âme et la pensée de la France eurent été renouvelées dans une révolution sociale, l'idéal des arts fut déplacé et il se rencontra deux hommes qui, avec des aptitudes opposées et des tempéraments contraires, essayèrent de ramener la peinture aux leçons de l'Antiquité.

L'un voulut remonter au génie antique, par Rome, qui était guerrière, qui fut toujours âpre, rude, presque barbare; les Horaces eurent ses prédilections, Brutus devint son idéal, ce fut David. L'autre, qui semblait porter dans sa tête les aimables fictions de la Grèce et le rayonnement de ses divinités, fit revivre leurs beautés délicates, que ses contemporains ne comprirent guère, ce fut Prud'hon. C'est le François Boucher de son temps, disait dédaigneusement de lui David. Il se trompait. Car son œuvre que nous venons de voir au palais des Beaux-Arts est un rêve. C'est le songe d'une nuit d'lonie. Il s'en échappe comme les sons d'une harpe éolienne qui murmurerait les chants d'Anacréon. On croit y entendre en échos adoucis les chansons athéniennes et les accords émus de la Lyre de Sapho. Ce bruit léger, n'est-ce pas celui d'une Déesse qui passe? Le souffle de Zéphire? Le palpitement des ailes de l'amour? Les soupirs étouffés d'Hélène abandonnée? Dans les tableaux de Prud'hon, les Heures dansent leurs pas rhytmés, les Saisons couronnées se tiennent par la main. Les Muses revivent, Eros, Vénus, sont obéis, les jeunes hyménées s'avancent en portant les flambeaux sacrés. Vous voyez devant vous l'Ombre de la Grèce. C'est son doux génie. C'est la grâce immortelle de ses anciennes divinités et leurs caresses et leurs sourires. Tout y

T. XXXIX.

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est suave, tout y est éthéré. Le souffle et le rayon de l'amour sont là. C'est la fraîcheur de l'aube matinale, la jeunesse dans sa fleur, le sentiment dans sa note la plus tendre. Puis, avec les années, les illusions s'évanouissent, le plaisir a perdu son ivresse, la mélancolie se montre, la tristesse suit, le rêve du bonheur s'envole, Psyché se transforme, elle n'est plus que l'âme éprouvée par les combats de la terre. Elle se purifie et devient la Vierge sainte qui remonte au ciel. Et sur le Calvaire de la vie, elle voit alors se dresser au milieu du déchirement de la nue la croix du Christ, au pied de laquelle pleurent et sanglottent, comme les voix de l'humanité, Marie et Madeleine affaissées dans la douleur. « J'ai besoin » de dire que je souffre..... La seule douleur fait sentir la >> vie... oh! qui donnera à mon âme des ailes pour s'envoler au lieu de mon repos........... Adicu, adieu, soyez heureux, » mes enfants (1). »

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Tel est Prud'hon tout entier. Il n'a pas été classique dans l'acception du mot, il a renouvelé l'Antiquité en lui prenant ses figures. S'il a emprunté à la Mythologie ses Dieux, c'était pour leur souffler la vie, leur communiquer son âme, les animer de la pensée moderne. La forme était Grecque, l'art est resté Français, et d'autant plus Français qu'insensiblement il s'est rapproché de la formule chrétienne et n'en est plus sorti. On sait que la dernière œuvre de Prud'hon fut le Christ en croix, tableau de l'effet le plus saisissant et le plus pathétique, ce fut sa dernière pensée, puisqu'il mourut avant de l'avoir achevé, et, disons-le aussi, sa dernière espérance: « Ne pleurez point mes amis, disait-il au moment d'expirer, vous pleurez mon bonheur (2). »

J'ai fini ce compte-rendu qui est devenu plus long que je

(1) Lettres de Prud'hon à sa fille, Passim.

(2) Prud'hon, par Charles Clément.

n'aurais voulu. Il y avait tant à dire que je suis loin d'avoir épuisé le sujet. A notre collègue M. Emile Vaudé à le compléter, en nous parlant des maîtres modernes avec cette compétence devant laquelle je suis heureux de m'incliner.

J'ai dit avec une entière indépendance mon impression sur les tableaux que j'ai étudiés. Je les ai rattachés à l'œuvre de chaque maître en essayant de le caractériser et de rechercher quelle a été son influence sur l'art contemporain. Laissez-moi espérer que je n'aurai pas tout-à-fait abusé de votre temps, si j'ai pu démontrer que l'étude de l'art, dans ses manifestations multiples, a la même importance que celle de la littérature, puisqu'il est, comme elle, l'expression fidèle de son époque; religieux quand elle est religieuse; grand si le siècle est grand; futile, prosaïque, lorsque les mœurs sont frivoles, les idées vulgaires.

La France, qui semble être entrée la dernière dans le domaine de l'art, lui doit depuis longtemps sa prépondérance. Son esprit l'a toujours entraînée vers les choses de l'art, puisque Jules César disait déjà des Gaulois, nos ancêtres, qu'ils étaient surtout enclins à la guerre et aux arts, ad rem militarem et artes. Les peuples jaloux le savent et s'imposent de grands sacrifices pour nous enlever le sceptre des arts. Sachons lutter pour le conserver. Montrons au monde que si la force brutale a bien pu, pour un temps, abaisser la fortune de la France, il ne sera jamais donné à aucun effort d'éclipser son rayonnant génie.

Troyes, le 17 juillet 1874.

SÉANCE PUBLIQUE

DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE

du 19 Mai 1875

A huit heures du soir, la grande salle de l'Hôtel-de-Ville, mise à la disposition de la Société Académique, est remplie d'une assistance nombreuse et choisie.

M. G. Servois, préfet de l'Aube, président d'honneur, ouvre la séance, ayant à ses côtés M. Gréau, président annuel, et M. Pierret, maire de Troyes.

M. le Préfet de l'Aube et M. Gréau, président, prennent successivement la parole.

MM. Victor Deheurle, le docteur Vauthier, Albert Babeau et Emile Socard donnent lecture des rapports qu'ils ont été chargés, par chacune des sections, de rédiger sur les travaux auxquels elles se sont livrées depuis la dernière séance publique.

Conformément aux conclusions d'un rapport de M. Huot, rappelées par M. Deheurle, M. Jules Benoit, agriculteur à Châtres, reçoit une médaille d'or de 100 francs pour son mémoire intitulé: Comment on peut exploiter le sol plus avantageusement que par la culture des céréales.

Sur le rapport de M. l'abbé d'Antessanty, au nom de la section des Sciences, le prix pour la meilleure Géographie du département de l'Aube est remis à M. l'abbé Defer, curé de Saint-Germain.

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