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Une Miniature

Empruntée à S. T. Coleridge

Mais quel est ce tableau, cette chaumière, au toit
Couronné de fumée amincie et qu'on voit
Monter obliquement; et tout près de l'entrée,
Un enfant endormi, tête blonde et dorée,

Qui sur un chien s'appuie un des bras est passé
Entre les pieds du chien, tout contre lui pressé,
Et ses mains, sans serrer, tiennent des fleurs sauvages
D'inégales longueurs et de divers langages..

- Un curieux tableau, qu'un maître a dessiné
Sur l'écorce d'un hêtre au glacis argenté.

DISCOURS

PRONONCÉ, LE 13 JANVIER 1875

SUR LA TOMBE DE M. THÉOPHILE BOUTIOT

PAR

M. GUSTAVE LAPEROUSE

VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE

MESSIEURS,

Les coups de la mort, nous n'en avons que trop fait l'épreuve, sont le plus souvent pour nous des coups de foudre. Telle est la rapidité de celui qui vient de frapper notre regrettable confrère, que la nouvelle de sa perte n'a pu parvenir à temps au Président de notre Compagnie; et c'est au défaut de cet organe accrédité de notre douleur que m'écheoit à l'improviste le devoir aussi triste qu'inattendu d'adresser à M. Boutiot, sur sa tombe, l'adieu d'usage, au nom de la Société d'Agriculture, des Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'Aube.

M. Boutiot, il faut le dire ici à son honneur, était le fils de ses œuvres; et c'est avec une justesse égale à sa modestie que le jour où il devint le Président de cette Société, qui ne comptait pas de membres plus laborieux, il put dire

que, en le nommant, on avait voulu honorer en lui le travail.

Tel est, en effet, l'exemple salutaire qu'il laisse après lui. - C'est à un travail persévérant et incessant qu'il a dû tout ce qu'il fut et tout ce qu'il a fait. C'est le travail qui, fécondant en lui d'heureuses aptitudes naturelles, a élargi le cercle de ses premières occupations, élevé le niveau de ses études pratiques et ouvert à son esprit investigateur les horizons de la science.

Objet de ses prédilections et par suite de ses travaux, ce pays, qui était le sien, fut pour lui un grand livre dans lequel il s'appliqua constamment à déchiffrer les révolutions de la nature comme celles de l'humanité; et nul n'en a mieux suivi toutes les traces accumulées dans le cours des âges, sans excepter les âges anté-historiques dont il nous a signalé les principaux monuments dans cette contrée.

Initié à la science géologique, il a établi avec beaucoup de sagacité les rapports de l'histoire locale avec les régions naturelles; et par ses Etudes, vraiment originales, sur la Géographie ancienne appliquée au département de l'Aube, il s'est acquis, avec l'estime des maîtres de la science, les récompenses de l'Institut.

Ses occupations et ses excursions habituelles avaient été aussi pour lui l'occasion naturelle d'un travail également neuf sur les Voies romaines du département non indiquées dans les anciens itinéraires, travail qui, complétant heureusement celui du magistrat éminent dont notre Société pleure encore la perte (M. Corrard de Breban), forme sur les routes romaines, dans l'Aube, une de ces études que d'autres départements peuvent nous envier.

M. Boutiot aimait d'autant plus son pays natal qu'il savait mieux toutes les raisons qu'il avait de l'aimer; il en aimait aussi les glorieuses célébrités; et c'est ce sentiment profond qui lui a inspiré ses notices sur Vendeuvre et sur l'un

de ses illustres enfants, dont le nom est encore noblement porté de nos jours.

Chargé par une administration vigilante du classement et de la mise en ordre des archives municipales de Troyes, demeurées ensevelies dans la poussière, il ne se borna pas au laborieux inventaire des richesses historiques et administratives de cette ville.

Ce travail n'était que le point de départ qui devait conduire M. Boutiot à la composition de son œuvre principale, œuvre importante, qui recommandera toujours ici sa mémoire à la reconnaissance publique.

Les connaissances approfondies qu'il avait acquises de ces archives ne lui permirent pas seulement alors de prendre la part la plus active à de vastes œuvres d'érudition locale, telles que le Supplément au Répertoire archéologique de l'Aube et le Dictionnaire topographique du département, qui a obtenu le prix délivré, en 1856, à ce genre de publication, dans les Concours de la Sorbonne.

M. Boutiot ne fut pas seulement, désormais, en état de publier les notices les plus variées et les plus intéressantes sur la ville de Troyes, à toutes les époques, sur ses institutions religieuses, judiciaires et administratives, comme sur ses établissements d'instruction publique et populaire.

Un dernier titre à nos hommages, et le premier de tous, lui était encore réservé.

C'est l'honneur de la Société Académique de l'Aube que de ses rangs sont sortis, dans ces derniers temps, les travaux les plus considérables qui aient encore paru sur l'histoire de cette province et de la cité qui en a été la capitale.

Or, parmi les hommes savants et distingués qu'il m'est interdit de nommer ici, M. Boutiot a pris une des places les plus honorables, en élevant à la gloire de cette cité et de cette province un monument que personne encore n'avait

entrepris avant lui dans de telles proportions, en un mot en se faisant l'historien de la ville de Troyes et de la Champagne méridionale.

Ce livre, dont il a pu dire justement qu'il est le fruit d'un immense labeur, que l'exposé des faits y est sincère et qu'il renferme un grand nombre de documents encore inédits, ce livre n'est pas seulement l'œuvre d'un érudit, c'est celle d'un citoyen qui se plaît à retracer la grandeur de son pays et qui sait quelle noble part ce pays a prise, par son industrie et son commerce, par son esprit comme par son patriotisme, à la formation de la grande et impérissable nationalité française.

Quoique M. Boutiot nous ait été enlevé prématurément dans toute la force de son intelligence et à un âge où il y avait encore à attendre beaucoup de son infatigable activité, la Providence lui a toutefois laissé le temps de mener à bonne fin cette noble et patriotique entreprise.

Il y avait évidemment mis toute son âme ; et l'on ne peut sans émotion l'entendre dire que, après l'éducation de son fils, c'est l'œuvre à laquelle il avait donné, depuis de longues années, le plus d'attention et la plus grande partie de sa vie.

Il ne lui a pas été donné sans doute de jouir longtemps de la juste considération que lui avait acquise cette œuvre capitale; mais il n'en laisse pas moins à la compagne de sa vie et à son fils, dans leur douleur, un nom qui se rattachera toujours à celui de la ville dont il a écrit l'histoire.

Bien qu'il ne nous appartienne que de signaler ses titres et ses mérites académiques, nous nous reprocherions, en un pareil lieu et dans un pareil moment, de ne point rendre un hommage public aux autres qualités qui nous faisaient aimer notre confrère et qui achèvent de nous rendre aujourd'hui douloureux le vide que sa mort laissera longtemps au milieu de nous.

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